En ce début du mois de décembre, tout le diocèse de Lyon s'est mobilisé pour quatre jours d'évangélisation à l'occasion du 8 décembre, fête de la lumière . Ce sont aussi 400 personnes qui se sont rassemblées en actions de grâce pour fêter la première bougie de Lyon-Centre .

À l'origine de cette opération d'évangélisation novatrice, certains s'en souviennent sans doute [1], la rencontre déterminante début 2008 entre le père Grea, le jeunes curé de la presqu'île entre Rhône et Saône, tout chaud-bouillant pour réveiller la sève missionnaire de ses ouailles paroissiales, et les membres du groupe Glorious, la figure de proue de la pop-louange catholique française, alors en plein questionnement et discernement sur leur avenir et l'appel de Dieu.
L'intuition ? La traduction catholique des Mega'churchs vécues par nos frères évangéliques dans de nombreux pays, et dont Hillsong en Australie en est sans doute la plus connue.
Le projet ? Sans rien renier au contenu de la foi du siège de Pierre, annoncer de manière moderne et attractive l'amour de Dieu, accompagner un vaste public jeune — lycéen, étudiants, jeunes "pros" — vers une découverte et une rencontre personnelle du Christ, dans cette expérience intime et si transformante de Son amour et de Sa miséricorde.
Un triptyque détonnant
La concrétisation ? Réunir chaque semaine [2] des centaines de jeunes autour d'un triptyque détonnant au plan spirituel : louange de feu, adoration/intériorisation et prédication/ évangélisation. Côté qualité et moyens, on fuit les habitudes de bricolage et des bouts de ficelle des "patros" paroissiaux d'autrefois, tout simplement par respect de ceux qui sont visés et pour honorer le Seigneur qu'on désire servir et annoncer : une chapelle équipée en véritable salle de concert, et chaque semaine la mobilisation de cinq musiciens professionnels, un staff d'une quarantaine de jeunes au service et à l'animation, des prêtres à disposition pour les confessions, une organisation millimétrée pour que chacun puisse se mettre au service de la grâce et des dons... imprévisibles de Dieu...
Certes, ce projet ambitieux et si innovant chez les cathos de France a connu des embûches diverses et variées, depuis les conseils de détracteurs "bienveillants" jusqu'aux savonnages des opposants de l'ombre (comme l'Église en a parfois le secret...), en passant par de nombreux problèmes techniques ou matériels, mais l'énergie et la foi de tout le noyau fondateur, la validation et l'engagement des forces vives de la paroisse, et la confiance sans faille du cardinal Barbarin ont permis de vaincre les principaux écueils, de trouver les importants moyens nécessaires et de faire sortir de terre ce projet un peu fol-dingue le 8 décembre 2008.
Avec les premiers concerts rassemblant dès les débuts 300 à 400 jeunes, certains ont continué à se méfier ou à critiquer le fond ou la forme : Ce n'est pas incarné, c'est une bulle, un feu de paille, ça ne va pas durer , les gens vont se lasser, à part une poignée de collégiens excités ou de chachas perturbés , la rupture est trop forte, cela va diviser la paroisse , c'est du néo-fondamentalisme catholique ...
Alors, quel bilan ? Quelle est la réflexion des principaux responsables de Lyon-Centre au bout de cette 1ère année ? Quel discernement opérer ? Quelles perspectives ?
Un bilan indiscutable
Chacun de leur côté, le père Grea, Serge le Tourneur du Breuil (président de Lyon-Centre) et Jam' (leader de Glorious) expriment avant tout leur grande action de grâce face à la mobilisation paroissiale croissante au fil des mois et témoignent combien ils ont été surpris du succès quasi-immédiat de la formule et des nombreux fruits qui en ont découlé : Cela a vraiment dépassé nos prévisions et même nos espérances initiales reconnaît, enthousiaste, le père Grea.
Les faits sont là, indiscutables : plus de 40 soirées, un public régulier depuis un an de 300 à 400 personnes, constitué majoritairement de 18-25 ans qui viennent, pour beaucoup, plusieurs fois dans l'année ; si on relève un bon noyau de 50-100 jeunes assidus chaque semaine, ce sont aussi 10, 20 ou 30 nouveaux participants qui découvrent Lyon-Centre chaque jeudi soir, qu'ils soient du quartier, du diocèse ou de la région : beaucoup d'individuels viennent constater par eux-même ce dont la presse s'est fait l'écho ou sur les recommandations de prêtres, d'amis ou de la famille ; des parents ou grand-parents, des collégiens sont également présents chaque semaine, tandis que des soirées "spécial famille" rencontrent un succès croissant chaque veille de vacances (mais le vendredi cette fois-ci !).
On ne compte plus également les participants en provenance de diocèses, paroisses, mouvements de toute la France et d'ailleurs, plusieurs s'interrogeant même très sérieusement sur la possibilité d'implanter un tel projet paroissial et missionnaire dans leur propre ville : Albi-Centre ouvre début 2010, et déjà Paris, Strasbourg, Genève, Barcelone... s'interrogent. En un an, 15.000 personnes ont ainsi été accueillies grâce à un vivier de plus 100 bénévoles et des relais efficaces avec la pastorale des jeunes du diocèse, des mouvements et certaines aumôneries... le tout — et c'est important de le souligner — avec un budget de fonctionnement équilibré [3] malgré des coûts importants (dont les cachets des cinq artistes lors de chaque veillée !) grâce à la libre contribution des participants aux soirées, et grâce aux dons.
Radicalité et innovation
Mais alors, comment une telle dynamique a-t-elle pu monter en puissance aussi rapidement et fortement ? Certes, chacun y verra logiquement et avant tout l'action mystérieuse, efficace et surprenante de l'Esprit-Saint, dans la lignée de la nouvelle évangélisation impulsée si fortement par Rome depuis trente ans.
C'est aussi la réponse courageuse et audacieuse d'une bonne équipe de laïcs et du curé qui ont prié, discerné et construit le projet pendant plusieurs mois ; c'est encore la pertinence d'une formule qui allie savamment innovation pastorale et ancrage ecclésial, radicalité de la foi et inculturation, évangélisation et vie paroissiale, prière et prédication : Lors de chaque soirée, il se passe incontestablement des rencontres de jeunes avec le Christ, ils en témoignent naturellement à leur entourage, et le bouche-à-oreille fonctionne [4] affirme le président (même si la presse locale ou chrétienne a beaucoup relayé, très positivement, le lancement).
Depuis le début, Lyon-Centre est conçu comme un outil d'évangélisation, certes au service de la paroisse de la presqu'île, mais aussi du diocèse dans toute sa diversité précise le curé : Lyon-Centre apparaît, en fait, comme un nouveau portail ecclésial pour de nombreux jeunes qui se sentaient jusque là mal à l'aise ou distants avec la foi, Dieu ou l'Eglise, ou qui avaient simplement besoin, constate Jam', de goûter personnellement l'amour de Dieu et de se faire cramer par le feu de l'Esprit, au travers d'une forme nouvelle qui est forte et vraie, et surtout qui propose explicitement l'Evangile : Jésus est vivant, Il t'aime personnellement, Il est pour toi le Chemin, la Vérité et la Vie. Viens et vois ! Et le père Grea de résumer : Aux côtés de bien d'autres initiatives, Lyon-Centre a l'ambition de conduire à un réveil intérieur par l'Esprit-Saint et à une rencontre du Christ vécue en Église !
Ce n'est apparemment pas du vent, puisque le cardinal fut visiblement "scotché" lorsqu'il est arrivé un jeudi soir pour participer à une des veillées : hors de toute appartenance à une structure, 300 à 400 jeunes de toutes origines faisant spontanément la queue pour aller louer et prier Dieu, écouter Sa Parole et une prédication, c'est une situation qu'on n'a plus du tout l'habitude de rencontrer dans les diocèses de France depuis pas mal d'années...
Une œuvre d'Église
Un point important et sensible (et sur lequel l'archevêque de Lyon est sûrement très vigilant...) : l'impact de Lyon-Centre sur la vie du diocèse et des paroisses ! En effet, parmi les mouvements, les aumôneries, les paroisses voisines et même les communautés nouvelles très actives à Lyon, il y avait certaines craintes de voir Lyon-Centre plus ou moins "siphonner" les ouailles en cas de succès de la formule ; ces craintes se sont en fait estompées au fil des mois, car il n'y a pas eu de transferts ni de "mercato" [5] apostolique sur le diocèse de Lyon !
Au contraire, reconnaît le Père Grea, plusieurs confrères m'ont témoigné d'un regain d'intérêt et de motivation de certains jeunes pour la foi et la prière, d'autres voient leurs assemblées dominicales ou de prière se renforcer, preuve que Lyon-Centre remplit bien ce service du "seuil", y compris pour notre paroisse : la messe du dimanche soir a vu son assemblée tripler au fil de l'année dernière et nous voyons depuis cette rentrée une croissance prometteuse de la participation à la messe du dimanche matin... et sans vider les paroisses alentours ! Preuve que Lyon-Centre a vraiment entrepris dès ses débuts un travail pastoral sérieux : il conduit peu à peu vers un enracinement spirituel et ecclésial, vers la vie sacramentelle, l'engagement, l'approfondissement de la foi...
C'est donc toute la paroisse qui semble vivre un réveil tant spirituel que missionnaire : Lyon-Centre m'impressionne par l'élan qu'il a suscité dans notre paroisse : beaucoup s'investissent, n'hésitent plus à entreprendre, même dans d'autres projets que Lyon Centre. Dans tout ce que recouvre une vie de paroisse, on perçoit très nettement une ferveur et une dynamique nouvelles qui nous étaient hier inconnues. Comme si l'Esprit-Saint avait libéré dans cette communauté paroissiale — pourtant relativement classique au départ — toute une énergie et une ardeur contenues. Bref, un électro-choc pastoral salutaire !
Lyon-Centre n'est pas pourtant devenu LA nouvelle panacée pastorale du diocèse de Lyon ! Certes, il a pris rapidement une place incontournable, est en cela admis et respecté : il doit jouer sa propre partition mais en harmonie avec l'orchestre diocésain. Cependant, soyons lucides : les assises théologiques, spirituelles, pastorales, missionnaires... qui sous-tendent Lyon-Centre (et la nouvelle évangélisation en général) sont loin d'être encore comprises ou admises par beaucoup.
Lyon-Centre va donc être encore pour un bon moment ausculté à la loupe et surveillé de près ...
Néanmoins, fortement encouragés par les fruits de cette première année, les pilotes de Lyon-Centre sont visiblement heureux et tout à la fois très humbles, voire tremblants, même s'ils sont bien entendu confiants dans l'Esprit-Saint. L'équipe aux commandes est bien consciente de tout le travail qu'il reste à accomplir et des nombreux défis à relever : pérenniser et développer le concept, renouveler et former les bénévoles, former de nouveaux musiciens et "conducteurs" de louange (avec la création de la Lyon-Centr'Academy), trouver et inviter des prédicateurs adaptés pour des soirées exceptionnelles, diversifier et programmer plus régulièrement des rencontres avec des publics différents (enfants, couples, collégiens, familles, pères, mères, ...?), développer la mise à disposition de Lyon-Centre comme outil d'évangélisation au service des mouvements ou aumôneries, bien clarifier la distinction (très bien entamée) entre Lyon-Centre et Glorious, assister des porteurs de projets similaires dans d'autres diocèses, anticiper sans précipiter la question du lieu d'accueil (qui tôt ou tard va devenir trop petit)...
Lyon-Centre ? Un vaste chantier qui n'a pas fini, semble-t-il, de nous surprendre, et qui devient un véritable incubateur missionnaire paroissial fort précieux pour l'Église de France (quoiqu'encore trop rare) : La clé de la mission, expliquent les animateurs, c'est de répondre à l'appel de l'Esprit-Saint et le vivre en Église. Tout le reste en découle, car cette soif de Dieu présente chez tant de gens nous a beaucoup frappée cette année : les paroissiens sont naturellement en attente de s'engager fortement dans un projet qui a du sens et porte du fruit, les non-croyants ou non-pratiquant, de rencontrer le Dieu de vie. En fait, il faut simplement, peut-être, avoir l'envie et le culot de se dire ensemble, prêtres et laïcs, qu'on est prêt à allumer la mèche : l'Esprit-Saint s'occupe du reste et vient mettre le feu !
[1] Cf. les articles parus dans ces colonnes : La pop-louange catholique, un levier missionnaire... qui mord la poussière, 10 octobre 2007 ; Glorious, le retour, 12 décembre 2008.
[2] Le jeudi soir, 20h30 à 22h00, 27 rue de Condé à Lyon (IIe).
[3] Le diocèse a certes contribué partiellement aux investissements de départ dans la chapelle.
[4] Notre investissement "communication" est resté faible compte tenu du projet, peut être trop faible d'ailleurs.
[5] Marché des transferts dans le football professionnel...

 

(c) Photos 1, 2 et 4 Louis Hetroy.

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