Source [tysol.fr] Tribune de Jean-Frédéric POISSON dénonçant le deux poids-deux mesures de l’UE entre Orban et Erdogan.
Une levée de boucliers contre la Hongrie a ébranlé l'ensemble de l'Union européenne depuis quelques jours. Beaucoup réclament des sanctions économiques et veulent « faire plier » Budapest au nom de notre « communauté de valeurs[1] ». Certains vont même jusqu'à envisager une exclusion pure et simple de la Hongrie de l'Union européenne pour avoir osé proposer une loi qui ne leur plaisait pas. Cette dernière interdirait en effet de mettre à disposition des mineurs « du contenu pornographique, qui représente la sexualité comme une fin en soi, qui représente le changement de sexe, le changement d'orientation sexuelle, ou qui fait la promotion de l'homosexualité ». Face aux réactions violentes qui ont suivi, beaucoup se demandent de quel droit les États membres prétendent pouvoir intervenir dans le processus législatif d'un autre pays, alors que les menaces extérieures à l'Europe s'accumulent. « Je ne fais pas de l'ingérence dans la vie politique hongroise, c'est leur droit » a déclaré Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des Affaires européennes, le 30 juin dernier[2]. « Mais, ils ont adhéré à l'Union européenne, à des valeurs communes et là c'est une discrimination tout simplement ». Qu'en est-il vraiment de ces valeurs communes ?
Là où l'article 2 du traité sur l'Union européenne, modifié par le traité de Maastricht, explique que l'Union est fondée sur le « respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités » dans une société « caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes » ; l'article 4 alinéa 2 du même traité précise que l'Union respecte l'identité nationale des États membres « inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l'autonomie locale et régionale ». Dans le cas de la Hongrie, la défense des valeurs traditionnelles contre ce qu'ils appellent « l'impérialisme moral » occidental rentre dans le cadre d'une identité nationale qui s'est formée au cours de l'histoire du pays, en confrontation avec l'URSS. Ainsi, comme souvent, le droit peut être utilisé au gré des événements pour imposer telles ou telles normes : en 2019, l'article 2 était ainsi utilisé par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui souhaitait défendre ces dites valeurs contre les « adversaires de l’Europe venant aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur de nos frontières ». Nous étions prévenus. Dans ce contexte s'affrontent ainsi le principe de primauté du droit de l'Union européenne contre le principe de souveraineté étatique. Face à ce bras de fer, je défends le principe de subsidiarité qui suppose à l'échelon supérieur de faire confiance aux échelons intermédiaires : laissons donc la Hongrie décider souverainement de sa politique intérieure et construisons des relations saines entre les nations européennes.
L'apaisement des tensions entre les États membres et la solidarité qui doit prévaloir au sein de l'Union, est d’autant plus importante qu'un péril menace à nouveau nos intérêts communs. Il s'agit de la Turquie dont la politique impérialiste constitue un véritable danger. Ainsi, la récente découverte de gisements de gaz naturel dans le bassin oriental de la Méditerranée a déclenché des mouvements agressifs de la part l'Ankara qui n'a eu de cesse d'envoyer des navires de forage et de prospection, accompagnés de navires de guerre, dans l'espace maritime chypriote. Voilà qui paraît plus urgent que la promulgation d'une loi hongroise contre la promotion de l'homosexualité dans les écoles. D'autres menaces turques ont été déployées dans l'espace maritime grec, sans que l'Union européenne ne réagisse véritablement. Peu à peu, le « sultan Erdogan » recompose un espace néo-ottoman sur les marches de l'ancien empire, et adopte une attitude offensive ou de soutien à des gouvernements islamistes au Kurdistan irakien, en Libye, en Syrie ou en Azerbaïdjan contre l'Arménie. Dans ce contexte préoccupant, la Commission européenne souhaite pourtant allouer 3,5 milliards d’euros à la Turquie après un classique chantage aux migrants. Et tandis que l'adhésion à l'Union européenne d'un pays aussi menaçant continue à être régulièrement évoquée, les responsables bruxellois préfèrent diriger leurs inimités contre un État membre en s'ingérant dans sa politique intérieure. Ce deux poids deux mesures n'est pas tenable. L'Union européenne doit adopter une politique cohérente et s'attaquer à ses vrais ennemis.
Jean-Frédéric POISSON
Président de VIA | la voie du peuple
Candidat à la Présidentielle 2022
[1]«la Hongrie n’a plus rien à faire dans l’UE», Libération le 24/06/2021
[2]« Hongrie : Viktor Orban "se fiche de nos valeurs", fustige Beaune, qui espère "des sanctions" », RTL le 01/07/2021