Le film de Xavier Beauvois, Des hommes et des dieux, Grand prix du jury du Festival de Cannes, largement en tête du box office français pour sa première semaine d'exploitation avec plus de 460.000 entrées (et un million jeudi 24), concourra pour l'attribution de l'Oscar du meilleur film étranger en 2011 et représentera la France.

Sorti le 8 septembre, le film avec Lambert Wilson et Michael Lonsdale, retrace la tragédie des moines de Tibéhirine enlevés et assassinés en Algérie en 1996. Mais grâce à un ensemble de choix artistiques osés et une volonté farouche de rester au plus près des réalités d'un monastère, ce film raconte bien plus que le contexte d'un fait divers, aussi tragique soit-il.
Avec la rigueur et la méthode d'un thriller dont on connaîtrait pourtant la fin, ce film saisit l'attention du spectateur et introduit, scènes après scènes, les personnages – toujours profondément humains – et leur destin hors du commun.
Le choix de l'homme
Loin, très loin de l'apologie du martyre, ce récit tout en image lève le voile sur la vocation de ces moines, prêts à tout malgré le doute et la peur. Ils se sont entièrement donnés jusqu'à la mort ; si ce n'est pour leur foi (qui saurait le dire ?) au moins pour leur mission. À travers eux, Xavier Beauvois dessine une humanité fragile qui trouve son salut non dans la protection d'une armée mais dans la prière et les sacrements. Le film est d'ailleurs rythmé par les offices (comme l'est la vie des moines) et par les interventions de l'armée ; comme pour montrer la tentation de l'homme à ne compter que sur ses propres ressources.
Cette dualité entre l'humain et le divin (déjà présente dans le titre) court donc tout le long du film pour finalement trouver sa résolution dans le mystère de l'Incarnation, rappelé par Christian de Chergé (Lambert Wilson) à ses frères, et qui demeure encore présent aujourd'hui en chaque homme. Chacun doit laisser naître en nous le fils de Dieu !
L'islam au cœur du débat
Politique, ce film ne l'est certes pas. Pourtant il aborde un contexte difficile et une problématique conflictuelle. La question de la responsabilité de la mort des moines n'est pas posée ici et le réalisateur se garde bien de prendre position. Ce n'est pas le sujet du film et c'est heureux. Libéré de ces contraintes, le film se centre sur ce qui l'occupe réellement : le choix de ces moines qui exposèrent leur vie au plus grand danger pour l'amour de Dieu et des hommes.
Cette histoire est donc une histoire d'hommes : de chrétiens et de musulmans ; de moines et de villageois qui vivent ensemble, Dieu dans le cœur, parfois la peur au ventre, mais toujours avec le souci de l'autre. Cet autre, ce peut être ce musulman, dont le film montre qu'il peut être sage et loin des caricatures. Sans faire de concessions ni s'immiscer dans un dialogue qui ne serait pas le sien, Xavier Beauvois met en scène avec simplicité des hommes qui communient dans une fraternité juste et digne.
Un film avant tout, pas un manifeste
Mais si ce film est éminemment spirituel, il n'en reste pas moins avant tout un film. Il serait faux de croire qu'il n'est qu'un prétexte. Regorgeant de symboles et de références (notamment à la peinture, certaines scènes évoquant des thèmes célèbres comme celle du banquet ou encore celle ou Michael Lonsdale soigne un terroriste), Xavier Beauvois offre ici un grand moment de cinéma où chacun trouvera de quoi alimenter sa réflexion et son imagination.
Quant aux acteurs, ils incarnent tous des portraits qui frappent par leur singularité et leur justesse. Seul Lambert Wilson, dans de rares passages, semble échapper à cette harmonie qui habite le film. Difficile d'interpréter des hommes de prières, qui par définition ne jouent jamais la comédie. Chacun se fera sa propre idée. Demeure cependant le modèle de ces moines : une lumière toute spéciale pour les hommes qui cheminent sur la terre et cherchent Dieu.
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