Censure journalistique sur la résistance catholique

Les médias ne subissent plus la censure, ils s’en chargent eux-mêmes. Le blogueur @Remseeks écrit au quotidien Le Parisien qui publie la lettre du jeune résistant Henri Fertet à ses parents avant de mourir fusillé, pour s’étonner que toutes les références du jeune catholique à sa foi aient été gommées. Il ne fait pas bon être chrétien de nos jours : « On vous exclura des assemblées » (Jn, 15). En 1943, on vous tue ; en 2015, on vous cache.

UNE SERIE de pépiements sur un réseau social m'interpelle : il y aurait une « censure » par le Parisien de la lettre du très jeune résistant Henri Fertet (16 ans) à ses parents, écrite le matin de son exécution par les allemands le 26 septembre 1943 et publiée le 8 mai 2015 dans une version « très » abrégée.

J'invite chacun à lire l'original sur la notice biographique de Wikipédia puis à lire la version qu'en donne le Parisien. Le constat est clair, il ne subsiste qu'une seule et bien timide référence à la foi d'Henri Fertet, les autres sont passées par pertes et profits.

Taille ou censure ?

Vers 13h00 ce samedi 9 mai, je poste sur le site du Parisien un commentaire dont voici le contenu [1] :

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« Il est dommage que cette lettre ne soit pas publiée dans son intégralité. Les passages que vous omettez sont ceux qui témoignent de la foi catholique d'Henri Fertet, moteur essentiel de son engagement personnel. L'original complet se trouve ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Fertet

La question se pose à vos lecteurs et à ceux qui me liraient, dans l'hypothèse où mon commentaire serait publié : s'agit-il d'un choix éditorial pour simplement minimiser la taille du contenu sans altérer le sens, ou d'une censure délibérée ?

Quelle que soit votre réponse, je vous renvoie aux articles 1 et 9 de la charte de Munich [2], et vous incite à méditer sur les causes qui mettent partis politiques, médias et syndicats dans le même sac des institutions envers lesquelles il n'est pas possible d'avoir confiance. »

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Le commentaire a été envoyé en modération, mais n'a pas encore été publié plus de 24 heures après avoir été soumis.

Un communiste !

Je me suis ensuite permis de lire la soixantaine de commentaires des autres lecteurs de cet article. Passons rapidement sur les quelques éruptions de charlisme ou d'anticharlisme, sans grand intérêt. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que certains commentateurs n'hésitent pas à faire d'Henri Fertet un communiste !

Rétablir la vérité s'avère donc indispensable pour ne pas laisser ces gens dans l'erreur, et que dire de la nullité de l'enseignement de l'histoire si, dans l'esprit de ces gens, résistant implique communiste. Il est vrai que les purges staliniennes éliminaient jusqu'aux traces photographiques des hiérarques déchus et que la rue de Grenelle est peut-être le dernier bastion du marxisme.

D'autres commentaires ont été publiés après que j'ai proposé mon vitriol. Certains (enfin) portent sur les absences de cette lettre, dénoncent l'éradication de son caractère chrétien, demandent que la publication en soit complète ou renvoient à Wikipédia. Mais mon commentaire n'est pas publié.

Sacrilège

Comme je suis retors, j’ai lu la charte qui régit les contributions sur le site du Parisien [3]. Sauf à considérer que mon propos vise à harceler ou intimider autrui, il n’entre dans aucune des cases (certes non exhaustives) qui le rendraient prohibé. Mais il n'est pas publié…

Je dois me faire une raison : j'ai commis un sacrilège à l'encontre de journalistes présumés de droit divin, puisque j'ai supposé qu'ils puissent manquer à leur déontologie. Peut leur chaut du haut de leur narcissisme que des commentateurs rectifient leurs insuffisances, du moment que la mise en cause de leur travail et de leur probité n'est pas explicite. J'ai franchi la ligne continue, je suis puni et mon commentaire croupira dans les oubliettes numériques du journal.

Avec une prodigalité plus que suspecte, je vous livre trois conclusions pour ce billet.

Rétablir la vérité

Je m'interroge sur les raisons d'une telle présentation biaisée par omission d'un document déjà ancien et ne présentant pas d'enjeu autre qu'historique. Est-ce là (déjà) l'œuvre du ministère de la Vérité imaginé par George Orwell dans 1984 ? Ou plus simplement la veulerie d'un média qui dépend de subventions versées par un pouvoir aux ambitions totalitaires aussi évidentes que sa christianophobie ? Ou seulement une allergie au christianisme chez un plumitif qui n'est pas sans rappeler certaines heures de notre histoire ? Mais non, je ne suis qu'un vilain polémiste paranoïaque, c'est sans doute un choix éditorial dont la pertinence m'aura échappé, et je vous importune pour pas grand-chose.

J’ai glané le dernier paragraphe de mon commentaire lors d'une sympathique soirée organisée par les Gavroches où Eric Letty et Guillaume de Prémare présentaient leur livre Résistance au meilleur des mondes (PGDR Editions). Prémare nous donnait le résultat d'une enquête sociologique française où sont relégués ensembles dans les abysses de la défiance populaire les partis politiques, les syndicats et les médias. Cela ne me surprend pas, et justifie plus que jamais l’utilisation de médias alternatifs dont celui que vous lisez, tant qu’ils seront tolérés par le pouvoir en place.

Aragon, dans La Rose et le Réséda, sublimait la mise sous le boisseau des oppositions entre marxistes et chrétiens, un temps unis pour que leur commune nation redevienne libre. Saurons-nous, nous qui croyons au Ciel, lutter contre le délitement actuel de la nation avec ceux qui n’y croient pas ? Enfin, ce n'est pas rendre justice au héros qui croyait au Ciel que de taire sa foi. Il mérite que la vérité soit rétablie.

 

@remseeks

 

En savoir plus :
 La lettre intégrale d’Henri Fertet à ses parents
La lettre tronquée d’Henri Fertet publiée par Le Parisien

Illustration : Staline accompagné de Nicolaï Lejov, chef du NKVD de 1936 et 1938, responsable des purges, puis effacé de l’histoire officielle après son exécution

 

La lettre intégrale d’Henri Fertet à ses parents 

Besançon, prison de la Butte (Doubs)

26 septembre 1943

HFertet

Chers parents,

Ma lettre va vous causer une grande peine, mais je vous ai vu si pleins de courage que, je n’en doute pas, vous voudrez bien encore le garder, ne serait-ce que par amour pour moi.

Vous ne pouvez savoir ce que moralement j’ai souffert dans ma cellule, [ce] que j’ai souffert de ne plus vous voir, de ne plus sentir sur moi votre tendre sollicitude que de loin, pendant ces quatre-vingt-sept jours de cellule, votre amour m’a manqué plus que vos colis et, souvent, je vous ai demandé de me pardonner le mal que je vous ai fait, tout le mal que je vous ai fait. Vous ne pouvez douter de ce que je vous aime aujourd’hui, car avant, je vous aimais par routine plutôt mais, maintenant, je comprends tout ce que vous avez fait pour moi. Je crois être arrivé à l’amour filial véritable, au vrai amour filial. Peut-être, après la guerre, un camarade parlera-t-il de moi, de cet amour que je lui ai communiqué ; j’espère qu’il ne faillira point à cette mission désormais sacrée.

Remerciez toutes les personnes qui se sont intéressées à moi, et particulièrement mes plus proches parents et amis, dites-leur toute ma confiance en la France éternelle. Embrassez très fort mes grands-parents, mes oncles, mes tantes et cousins, Henriette. Dites à M. le Curé que je pense aussi particulièrement à lui et aux siens. Je remercie Monseigneur1 du grand honneur qu’il m’a fait, honneur dont, je crois, je me suis montré digne. Je salue aussi en tombant mes camarades du lycée. À ce propos, Hennemay me doit un paquet de cigarettes, Jacquin, mon livre sur les hommes préhistoriques. Rendez le “Comte de Monte-Cristo” à Emeurgeon, 3, chemin Français, derrière la gare. Donnez à Maurice Andrey de La Maltournée, 40 grammes de tabac que je lui dois.

Je lègue ma petite bibliothèque à Pierre, mes livres de classe à mon cher Papa, mes collections à ma chère maman, mais qu’elle se méfie de la hache préhistorique et du fourreau d’épée gaulois.

Je meurs pour ma patrie, je veux une France libre et des Français heureux, non pas une France orgueilleuse et première nation du monde, mais une France travailleuse, laborieuse et honnête.

Que les Français soient heureux, voilà l’essentiel. Dans la vie, il faut savoir cueillir le bonheur.

Pour moi, ne vous faites pas de soucis, je garde mon courage et ma belle humeur jusqu’au bout et je chanterai “Sambre et Meuse” parce que c’est toi, ma chère petite maman, qui me l’a appris.

Avec Pierre, soyez sévères et tendres. Vérifiez son travail et forcez-le à travailler. N’admettez pas de négligence. Il doit se montrer digne de moi. Sur les “trois petits nègres”, il en reste un. Il doit réussir.

Les soldats viennent me chercher. Je hâte le pas. Mon écriture est peut-être tremblée, mais c’est parce que j’ai un petit crayon. Je n’ai pas peur de la mort, j’ai la conscience tellement tranquille.

Papa, je t’en supplie, prie, songe que si je meurs, c’est pour mon bien. Quelle mort sera plus honorable pour moi ? Je meurs volontairement pour ma Patrie. Nous nous retrouverons bientôt tous les quatre, bientôt au ciel. Qu’est-ce que cent ans ?

Maman rappelle-toi :

“Et ces vengeurs auront de nouveaux défenseurs Qui, après leur mort, auront des successeurs.”

Adieu, la mort m’appelle, je ne veux ni bandeau, ni être attaché. Je vous embrasse tous. C’est dur quand même de mourir.

Mille baisers. Vive la France.

Un condamné à mort de 16 ans.

H. Fertet.

Excusez les fautes d’orthographe, pas le temps de relire.

Expéditeur : Monsieur Henri Fertet, Au ciel, près de Dieu.

 

 

 

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[1] Modulo des corrections grammaticales amplement méritées par mon texte original, plusieurs fois fautif.
[2] La charte de München établit une déontologie succincte de 10 devoirs et 5 droits pour les journalistes européens ; son devoir n° 1 impose le respect de la vérité, le n° 9 prohibe les comportements de publicitaire ou de propagandiste. Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Charte_de_Munich
[3] http://www.leparisien.fr/reactions/charte.php

 

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