Shinya Yamanaka, prix Nobel de médecine 2012 pour ses travaux sur les cellules souches, a participé à un colloque en Novembre dernier à l’Académie des Sciences au cours duquel il a exposé son itinéraire scientifique et ses projets.

Le professeur Yamanaka a commencé sa carrière comme chirurgien orthopédiste. Très vite, de son propre aveu, il a reconnu qu’il ne serait jamais un grand chirurgien, faute d’une dextérité suffisante, et il s’est orienté vers la biologie. Ses premiers travaux ont porté sur une tumeur hépatique, et il a identifié le gène responsable de la production d’une protéine anormale. Très rapidement, il a réalisé que ce gène, NAT1, était présent dans les cellules souches embryonnaires, et surtout qu’il était directement responsable de la pluri-potence de ces cellules, c’est-à-dire de leur capacité à se différencier en tous les types cellulaires d’un organisme adulte.
 
 Après ces premiers travaux réalisés à l’institut Gladstone à San Francisco, il regagne le Japon, et est recruté à l’université de Nara, puis de Kyoto. Ayant très rapidement saisi l’importance de cette découverte, il constitue une petite équipe de trois personnes, deux chercheurs post doctoraux et une technicienne, et s’attelle à l’analyse des phénomènes fondamentaux de la différenciation cellulaire.

La question qu’il se pose est simple : Sachant qu’au Japon, comme aux USA, la législation ne permet pas l’expérimentation sur les cellules souches embryonnaires humaines, est-il possible, et comment, de reprogrammer une cellule adulte pour lui redonner une pluripotentialité ? Avec ses collègues, il isole 24 gènes candidats, et les élimine un par un pour parvenir finalement à un groupe de quatre gènes. L’introduction dans une cellule adulte des facteurs de transcription qui gouvernent l’activation de ces gènes lui permet ensuite de faire de cette cellule une cellule pluripotente (cellule iPS, induit pluripotent stem cell).  

 

Privat-tabl

 Des perspectives considérables

Cette découverte couronnée il y a quelques mois par le prix Nobel de Physiologie et Médecine ouvre des perspectives considérables dans deux directions :   

1/ Dans le  domaine de la recherche fondamentale, ces travaux permettent une sorte de « retour vers le passé » qui ouvre une brèche, au moins dans le domaine de la biologie, au second principe de la thermodynamique, ou principe d’entropie, selon lequel le cours du temps conduit inéluctablement à l’accroissement du désordre. Plus précisément, ils donnent des outils et des méthodes inédits pour l’analyse des mécanismes de la différenciation cellulaire.

2/ Dans le  domaine de la recherche appliquée, les cellules iPS se présentent comme des outils incontournables pour les thérapies cellulaires des maladies génétiques, mais aussi de pathologies diverses comme les lésions traumatiques du système nerveux central, ou les accidents vasculaires cérébraux, domaines dans lequel le Pr Yamanaka a engagé l’institut qu’il dirige maintenant et qui compte plus de 200 chercheurs. Les cellules iPS sont dans tous les domaines supérieures aux cellules souches embryonnaires (cellules ES), car cette technique permet de reprogrammer directement des cellules du patient, et ainsi d’éviter les problèmes de rejets post-greffe.

 Par ailleurs, elles ne sont pas plus tumorigènes — voire moins — que les cellules embryonnaires. Enfin, elles ne nécessitent pas, comme les cellules embryonnaires, la destruction d’embryons humains. Ainsi, la révision de la loi de bioéthique de 2011, demandée par certains pour permettre le développement des recherches et des thérapies fondées sur les cellules embryonnaires apparaît maintenant inutile et obsolète.

 

Le Professeur Alain Privat est neurobiologiste.

 

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