CCNE : comité de veille ou chambre d’enregistrement ?

Les religions, dehors ! On se croirait revenu en 1905 dans les pires années des lois Combes. Le récent scandale des nominations/évictions au Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pose de multiples questions.

STATUTAIREMENT, le gouvernement devait procéder à un renouvellement. Soit. Mais sur quarante postes au Conseil, quatre sont traditionnellement proposés aux « représentants », pas forcément ministres du culte, des familles religieuses de notre pays. C’est là que le bât blesse. Car les autorités politiques françaises ont brutalement décidé de revenir sur cette pratique.  

y a-t-il des sous-penseurs ?

C’est la première question à poser. On nous parle laïcité mais force est de constater qu’on est ici en pleine idéologie laïciste ! Il y aurait-il des penseurs dignes de penser et d’autres non ? Des sous-penseurs … ou des sous-citoyens ?

Le pasteur Schweitzer l’a remarquablement exprimé dans un entretien accordé à l’hebdomadaire La Vie :

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« Le gouvernement fait comme si les chrétiens liés à une institution religieuse n'étaient pas libres de penser et dignes d'avoir leur mot à dire sur les questions de société. Je vois là un refus d'accepter la présence des religions dans le champ du débat public. Mais il serait fou de penser que les religions n'auraient rien à dire sur les sujets de société ! »

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Le refus du débat

Ce recul est fort dommageable pour deux raisons.

D’abord parce qu’il crée un clivage supplémentaire, dans une période sociale très agitée. On n’en avait pas vraiment besoin après les événements de l’année dernière, et par exemple après l’humiliante audition des représentants religieux à l’Assemblée nationale lors des débats sur le mariage homosexuel. Mais aussi — et surtout — parce qu’il décrédibilise le pouvoir en place et sa capacité à s’adresser à tous les Français, au-delà des partis, des ambitions ou des calculs politiques.

L’État parvenait en effet jusque-là à faire asseoir autour d’une même table des gens très différents : scientifiques, médecins, mais aussi athées ou agnostiques, tous réunis pour travailler et réfléchir au bien commun. Pour partager des convictions éthiques, ces convictions qui transcendent les clivages partisans ou les idéologies !

Bien sûr, les lieux de dialogue entre les différentes confessions religieuses existent déjà mais ils sont peu nombreux. Le CCNE — simple organe consultatif rappelons-le — était justement l’un d’entre eux. Dès cette rentrée, brutalement, ce lieu de dialogue et de débat au service d’une nation entière disparaît. C’est dommage et même inquiétant.

À quoi sert le CCNE ?

On ne peut s’empêcher de croire une chose : c’est que de peur d’avoir un avis négatif, M. Hollande ait préféré changer le comité. Les grandes valeurs éthiques gênent ? Il n’y a qu’à changer ceux qui sont invités à veiller et à en être les sentinelles…

Mais il faut aller plus loin encore. Disons-le, le CCNE a déjà rendu dans son histoire des avis qui ont heurté notre conscience. Il s’est même décrédibilisé lorsqu’il s’est par exemple prononcé pour l’allongement du délai légal d’avortement ou en faveur du transfert d’embryons post-mortem. 

Et même s’il faut se réjouir d’un « moindre mal » lorsqu’il donne parfois de bons avis qui freinent pour un temps le gouvernement, on ne peut s’empêcher de penser que l’éthique n’est pas une proposition de loi.

Les valeurs doivent éclairer les comportements, du plus haut sommet de l’État jusqu’au simple citoyen. Elles ne se négocient, ne se votent pas — même entre « experts » — et ne se discutent pas : elles se reçoivent. Elles s’explicitent, et le CCNE doit servir à cela, mais elles ne peuvent être le fruit d’un quelconque consensus.

Il y a un dernier scandale dans les nominations récentes : c’est l'impression donnée de nommer soit des amis personnels du Président, soit des proches du milieu LGBT afin de préparer des avis moins contraignants pour l’avenir. Une triste impression de « noyautage » qui n’honore pas le pouvoir et fait du comité d’éthique une simple chambre d’enregistrement et non plus un comité de vigilance.

Les plus faibles d’entre nous, enfants, personnes âgées dépendantes, en seront les premières victimes. Le temps des grandes mobilisations n’est peut-être pas terminé.

 

L’abbé Pierre Amar est prêtre du diocèse de Versailles, rédacteur sur www.padreblog.fr

 

 

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