Le projet de loi de bioéthique adopté en deuxième lecture à l’Assemblée nationale le 11 décembre 2003 passe en seconde lecture au Sénat ce 8 juin. Le texte voté par les députés autorise la recherche sur l’embryon et interdit le clonage.
Voici ses principales dispositions :
Recherches sur l'embryon. La destruction des embryons surnuméraires à des fins de recherche serait autorisée, pendant 5 ans, sous la double réserve que ces recherches soient susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et de ne pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d’efficacité comparable. Elles pourront être effectuées sur les embryons "surnuméraires", conçus in vitro et sur les tissus embryonnaires et fœtaux importés aux fins de recherche.
Clonage. Le clonage est interdit. Cependant les peines diffèrent considérablement selon qu’il s’agit de clonage reproductif (lourdes peines) ou de clonage dit thérapeutique.
"Bébé-médicament." Le diagnostic pré-implantatoire (DPI) est élargi afin de permettre la conception de " bébés médicament ". L’amendement propose au couple qui a un enfant malade de concevoir des embryons et de sélectionner parmi eux celui qui ne sera pas atteint par une maladie et qui sera compatible avec l’enfant déjà né, pour le soigner. Les embryons en bonne santé mais non compatibles seront détruits.
Aucune justification scientifique
Il paraît nécessaire d'appeler l'attention du grand public et des décideurs sur les points suivants :
Une transgression. Force est d’observer que l’autorisation d’effectuer des recherches sur les embryons surnuméraires - qui va constituer la principale modification de la loi bioéthique de 1994 – n’est appuyée d’aucune justification scientifique. Alors qu’il existe une méthode alternative reconnue, les cellules souches circulant chez l’adulte, il paraît exorbitant que la loi française envisage une disponibilité globale de ces embryons humains pour la recherche.
Aucune donnée chiffrée sur le " stock " actuel de ces embryons candidats ne figure dans les rapports parlementaires, ce qui revient à délivrer une autorisation générale, à créer une disponibilité globale des embryons surnuméraires pour la recherche, mainmise dont la justification n’est pas établie, ne serait-ce que quantitativement.
Une aggravation. Par rapport à celui adopté en première lecture au Sénat, le texte remanié par les députés et présenté en seconde lecture au Sénat a fait l’objet d’un amendement qui permettrait non seulement de faire de la recherche sur les embryons surnuméraires " en stock " à la date de promulgation de la loi, mais également de faire de la recherche sur les embryons surnuméraires à venir. Cette aggravation du texte, qui reviendrait à organiser l’approvisionnement d’un " flux " d’embryons pour la recherche, serait contraire à l’interdiction prévue de constituer des embryons à des fins de recherche.
Une lacune. Alors que la conception in vitro ou la constitution par clonage d’embryon humain à des fins de recherche, à des fins commerciales ou industrielles, seront interdites par la loi, s’agissant des fins thérapeutiques, l’interdiction ne porterait que sur la constitution d’embryon par clonage. Cette lacune permettrait donc de concevoir des embryons in vitro à des fins thérapeutiques et de les soumettre au diagnostic pré implantatoire (DPI) dans le but de sélectionner un embryon compatible avec une greffe cellulaire, c'est-à-dire de constituer un " bébé-médicament ", en acceptant d’éliminer des embryons en bonne santé.
Un déséquilibre. Le clonage reproductif fait l’objet d’une incrimination particulièrement lourde dans le code pénal : réclusion criminelle à perpétuité et 7 500 000 € d’amende. Mais le clonage dit thérapeutique, lui, est simplement interdit dans le code de la santé publique et ne fait l’objet que d’une condamnation classique au titre des infractions en matière de loi biomédicale : sept ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende. Ce déséquilibre fait que la contrefaçon d’embryons par clonage – puis la destruction - de milliers d’embryons humains à des fins industrielles, commerciales, de recherche ou thérapeutiques, sera moins sévèrement réprimée que la contrefaçon de CD (150 000 €) ! Autant dire qu’à l’encontre de grandes firmes pharmaceutiques qui trouveront dans l’usage du clonage humain, en toxicologie, une alternative financièrement intéressante à l’expérimentation animale, la dissuasion n’est pas suffisante.
Aujourd'hui le texte soumis au Sénat en seconde lecture est plus permissif que celui qu'il avait voté en première lecture. Les sénateurs vont-ils limiter la recherche aux embryons surnuméraires déjà conçus et interdire le "Bébé-médicament" ? Beaucoup sont déjà prêts à céder devant l'accoutumance des esprits à ces nouvelles transgressions. Or c'est la première fois qu'en France on autoriserait la destruction d'êtres humains vivants pour les utiliser comme matériau...
Une révolution en marche dans l'indifférence politique quasi générale. Et sans la moindre justification scientifique.
Jean-Marie Le Méné est président de la Fondation Jérôme-Lejeune.
*Pour une étude comparée des textes votés à l'Assemblée et au Sénat : consultez sur www.genethique.org, le dossier "lois de bioéthique" et la revue Gènéthique, les N° 36, 38, 48.
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