L'Engagement des chrétiens en politique (Privat) n'est pas un essai théorique. Il est le fruit d'une expérience collective, et il manifeste une volonté. Car il est né du problème que pose l'interprétation de l'enseignement récent des papes sur l'objection de conscience et la présence politique des chrétiens en situation minoritaire.
Depuis deux mille ans, les chrétiens sont invités à vivre dans le monde sans être du monde. Cette appartenance originale n'a jamais été facile. Ils ont tout connu : la persécution et la domination ; la violence et la paix. L'autonomie de l'ordre politique que l'Église a toujours revendiquée n'a pas épargné à ses fidèles les plus grandes faiblesses : la confusion des genres, l'intolérance, la compromission. Pour une large part, l'histoire des idées politiques est l'histoire de ces conflits entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel.
Nous sommes aujourd'hui à la fin d'une époque. L'Occident a mis fin aux régimes confessionnels, et la société elle-même n'est plus chrétienne. La laïcité se mue en laïcisme. Le relativisme moral n'est plus une menace, c'est une réalité. Depuis l'effacement de l'Église de la vie publique, l'État est sorti de son domaine de compétence. Il s'est arrogé la fonction exorbitante de dire le bien et le mal moral, le vrai et le faux historique, et de définir les normes du comportement correct .
En 2002, le cardinal Ratzinger signait une Note doctrinale demandée et approuvée par Jean Paul II À propos de l'engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique. Dans la grande tradition du Magistère, l'enseignement de l'Église prenait en compte ces res novae — ces choses nouvelles — obligeant les chrétiens à approfondir le sens de leur mission pour renouveler leur présence au monde. Les problématiques actuelles se déploient en une intrication complexe, qui est sans commune mesure avec les thématiques des siècles passés écrivait le cardinal.
Avec ce document, et dans la ligne de l'encyclique Evangelium vitæ (1995), l'Église invite les chrétiens à se mettre en situation d'objection de conscience politique. La mise en cause des droits fondamentaux de la personne humaine appelle une opposition sans compromis . Pour autant, cette contestation de principe ne dispense pas d'agir. Au contraire. Les catholiques ont le droit et le devoir d'intervenir dans ce déferlement.
Reprenant le fil de l'histoire des idées, Thierry Boutet démontre que le hiatus profond qui existe entre la pensée dominante et l'enseignement de l'Église n'est pas inéluctable.
Alors que faire ? Tout d'abord tirer les enseignements des siècles de sagesse intellectuelle et pratique acquise par les chrétiens. Ensuite, prendre la mesure des effets culturels et sociaux du renversement des valeurs auquel nous assistons pour repenser l'engagement des chrétiens dans la cité et définir les contours d'une nouvelle stratégie de l'action politique. À situation inédite, nouveaux chemins.
Les pistes que cet essai explore en font un excellent manuel de l'engagement chrétien dans la ligne de l'enseignement des papes. Les plus jeunes y trouveront une bonne introduction à la pensée politique pour construire leur jugement, et pourquoi pas, orienter leur vie au service du bien commun. Une opportune occasion de coopérer à la purification de la foi et de la raison auquel Benoît XVI invite tous les hommes de bonne volonté.
Philippe de Saint-Germain est délégué général de la Fondation de Service politique.
L'Engagement des chrétiens en politique
Doctrine, enjeux, stratégie,
Editions Privat, mars 2007, 220 pages, 15 €
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