Il y a quelque condescendance et quelque vanité à déclarer, comme Emmanuel Macron en Roumanie, que « le peuple français, c’est un peuple qui déteste les réformes », ajoutant que « la France n’est elle-même que quand elle mène des combats qui sont plus grands qu’elle ». Comme si les Français étaient trop stupides pour comprendre leur intérêt et que seul un homme providentiel pouvait le déterminer et les y conduire.
Que notre Président se rappelle l’histoire récente : tous les pires dictateurs que le monde ait connus, les Staline, Hitler et Mao – pour ne citer que les plus célèbres -, se prenaient pour les guides du peuple. Ne les appelait-on pas le « Vojd », le « Führer », le « Grand Timonier » ? S’il se prenait pour le sauveur de la France, il s’embarquerait en fâcheuse compagnie.
Vous pensiez que la démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par les citoyens ? Eh bien, vous vous trompez ! Pour Macron, la démocratie semble devoir être dirigée par une oligarchie, elle-même destituable par son chef. Sous la monarchie, « Sa Majesté » s’entourait de plus de conseils que notre prince républicain.
Vous noterez l’élégance qui consiste à tenir ces propos à l’étranger, fût-ce devant la communauté française. Durant sa campagne, point assez d’éloges pour cette foule en marche qui allait l’accompagner à l’Élysée et soutenir ses réformes ! Maintenant qu’il y est, il a bien l’intention d’y rester, comme le général Mac Mahon après la prise de Sébastopol. Mais les Français ne doivent pas avoir le courage des zouaves : il conviendrait de leur ouvrir la voie.
Peu de peuples sautent de joie quand leur gouvernement procède à des réformes profondes. Je ne sache pas que les Anglais aient exulté quand Margaret Thatcher a mené sa politique de rigueur, ni les Allemands quand le chancelier Gerhard Schröder a réformé le marché du travail. Les Français ne sont pas plus hostiles que d’autres à la réforme, mais ils n’aiment guère qu’on les prenne pour des imbéciles. Ils respectent les dirigeants courageux et déterminés, non ceux qui veulent les pigeonner.
Prenez l’exemple de la refonte du Code du travail, qui doit être prochainement mise en œuvre par ordonnances. Nul ne conteste que ce code doive être simplifié et modernisé. Mais fallait-il se précipiter, alors qu’un véritable débat à l’Assemblée aurait dissipé les méfiances et probablement permis des améliorations ? Prenez l’augmentation de la CSG. Pourquoi assurer que les impôts vont diminuer quand on commence par les augmenter, sans compensation pour beaucoup de contribuables ?
Comment peut-on donner des leçons aux Français quand un Premier ministre, invité sur un plateau de télévision pour expliquer et clarifier sa politique, ressemble plus à un élève qui a mal révisé son cours qu’à un chef de gouvernement qui maîtrise ses dossiers ? Pour que les Français acceptent la réforme, il faut commencer par leur inspirer confiance et faire preuve de pédagogie.
Il ne suffit pas, pour susciter l’enthousiasme, d’appeler la France, des trémolos dans la voix, à « se transformer en profondeur, pour retrouver le destin qui est le sien, la capacité à emmener l’Europe vers de nouveaux projets » : il faut mettre le cap sur des horizons attractifs, projeter un idéal qui donne envie d’aller de l’avant.
Si j’étais impertinent, je dirais qu’Emmanuel Macron est un blanc-bec qui se prend pour le nombril de la France, de l’Europe et du monde. À force de mépris et d’arrogance, le leader de la République en marche, élu Président par défaut, risque bien de mettre les Français dans la rue.
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