[Source: Boulevard Voltaire]
Je suis allé voir sur place, dimanche, de quoi était constitué ce rassemblement qu’on présentait comme inédit, spontané et populaire.
Curieux du tintamarre médiatique autour de « Nuit debout » et désireux de voir, avec les yeux d’un militant de droite habitué aux manifestations et à la subversion, je suis allé voir sur place, dimanche, de quoi était constitué ce rassemblement qu’on présentait comme inédit, spontané et populaire.
Je n’ai pas été déçu. C’était plutôt l’après-midi des morts-vivants. Récit en quelques mots…
Sur la place de la République, de chaque côté du monument érigé en 1883 par les frères Morice célébrant le serment du Jeu de paume et la fête de la Fédération de 1790, se trouvaient donc (jusqu’à lundi matin) une série de stands d’associations aussi neutres et nouvelles que Greenpeace, Attacks ou encore Droit au logement… Des structures qui vivent en toute indépendance d’argent public, comme chacun le sait. Derrière le stand, des permanents rompus à l’exercice, mais aussi des jeunes entre 17 et 25 ans, que cette récréation printanière semble beaucoup amuser.
Il y a du monde qui flâne en ce dimanche après-midi. Un chaud soleil d’avril darde les curieux qui slaloment entre les palettes et les générateurs électriques. Ici et là déambulent des « migrants », essentiellement africains, qui vendent (0,50 €) leur journal. Devant moi, deux dames (55 et 65 ans) s’arrêtent, cherchent une pièce et, n’en trouvant pas, finissent par se dire qu’elles doivent aller « retirer des sous à la banque ». Jusqu’ici, tout va bien.
Mon regarde croise le tee-shirt orange et noir d’un femme d’âge mûr où est inscrit « Boycott Israël Apartheid ». Le lien avec le projet de loi Travail, rebaptisé « nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actifs », n’est pas très évident. Tout comme la présence d’un stand d’objets palestiniens divers. Je n’ai pas beaucoup cherché, mais aucun stand arménien ou d’aide aux chrétiens d’Orient ne me semblait être, en revanche, présent. Hasard ?
Entre ces stands, abrités sous de petites tentes, des « commissions » thématiques lancent des débats philosophiques mais, surtout, proposent des actions concrètes. Un sexagénaire grisonnant, sweat-shirt gris et sac à dos, propose le blocage physique des banques, de 8 h à 18 h, pour ralentir l’économie et empêcher l’exil fiscal. Il n’est pas précisé s’il s’agit du Crédit agricole de Douarnenez ou de Rothschild et Cie, les anciens employeurs du fringant Emmanuel Macron. Un commissaire politique en tee-shirt rouge et veste de jean reprend la main et valide l’action, renvoyant les modalités à une autre commission. Leur succède le médiatique David Koubbi, l’avocat de Jérôme Kerviel et de Tristane Banon. Le plaideur prend la parole et dénonce le système, encourageant les insurgés. Je m’éloigne de son speech tant le discours sonne creux. L’éloquence ne suffit pas. L’avocat vedette n’a rien en commun avec le prolétaire des ex-friches industrielles du Nord, le petit Gaulois des cités péri-urbaines ou l’Érythréen sans carte de séjour.
Un peu plus loin, un ballet aussi abscons et désorganisé que muet met en scène, sur un tapis d’eau municipal, cinq jeunes hommes dont il est probable qu’ils soient intermittents du spectacle. Plus loin, des tam-tam donnent un air de kermesse à ce rassemblement auquel se sont greffés trois stands statiques de vendeurs de saucisses. Thierry Le Luron aurait adoré ce spectacle.
Ici et là tournent des trentenaires en jean équipés d’un sac à dos randonnée de type Quechua de 40 l. Sans doute se trouve à l’intérieur le kit du parfait émeutier : lunettes de plongée pour diminuer l’effet de la lacrymo, foulard imbibé de citron ou de vinaigre pour se protéger le visage et quelques poignées de « sérum phy ». Eux ne sont pas des débutants. Viennent-ils de Notre-Dame-des-Landes ou de Sivens ? Ils savent que la loi El Khomri n’est qu’un déclencheur pour une convergence des luttes plus large.
Droits des migrant-e-s, Grève générale, Coordination banlieues, bibliothèque révolutionnaire, atelier d’écriture collective, potager dans des bouteilles en plastique ou à même le sol, droits LGBT… un grand classique des forums altermondialistes anti-G9/G20. L’écosystème routinier des « alternatifs » que l’on retrouve derrière toutes les contestations de gauche. Il suffit de voir les adresses email utilisées pour constater qu’elles ne sont pas en « gmail/yahoo » mais sur des serveurs militants destinés à éviter le regard intrusif de l’hébergeur ou des policiers.
Ici, à l’économie politique, on propose de créer un fonds de soutien pour les SCOPS, géré par les syndicats. Ou encore de changer de Constitution, de cultiver l’impossible et donc de cultiver l’impayé. Les autocollants « pour la fin de l’hétéro-patriarcat » côtoient les demandes de « Maalox » (contre le reflux gastrique) pour les migrants amalgamés aux réfugiés, mais également la recherche de caméras et de tickets de transport… usagés ! La Laïcité n’est pas oubliée. Ni les drapeaux de la CNT, « syndicat révolutionnaire et anarcho-syndicaliste ». Sans omettre l’abolition des loyers, le SMIC à 1.500 € nets, l’expropriation des grandes fortunes et, évidemment, la semaine des 25 heures. Je suis surpris de ne pas y voir les anti-OGM, mais j’ai peut-être mal cherché.
Ne manque que la légalisation du cannabis. Ah bon, c’est interdit ?
Assis par terre, 300 personnes écoutent à l’Assemblée générale des intervenants fustiger la propriété privée et l’entrepreneuriat. Objectif ? Un salaire à vie. La lutte contre le capitalisme ne se détache pas tout à fait du matérialisme.
Plus loin, les intervenants peuvent (prétendument) venir s’inscrire pour débattre de tous les sujets. Tous ? Le programme tourne plutôt autour de l’exaltation de la Commune de 1871 ou de la fin de la propriété privée. Avec comme slogan « Le peuple en ARMES (souligné) et voilà le socialisme. Si nous voulons GAGNER (souligné), ce sera par la FORCE ! »
De l’autre côté, bidonville et squat pour punks en recherche d’alcool se chevauchaient, dans un désordre de cartons, de palettes et de bâches plastiques trouées. Ici et là des barrières récupérées pour solidifier ou protéger le campement. Les cartons de canettes d’Heineken pleines gisaient, pendant que négligemment tel trentenaire torse nu se roulait une cigarette certainement très bio. Des chiens vagabondent, à quelques mètres de leurs propriétaires qui ne doivent plus faire la différence entre le jour et la nuit depuis, malheureusement, trop longtemps.
Vraiment, ce petit passage place de la République m’aura permis de constater tout le caractère artificiel de cette mise en lumière. La condescendance à l’égard des écolos-bolchos traduit-elle un désir inassouvi de révolution ? C’est aussi l’accumulation de toutes les désillusions depuis le début de ce quinquennat qu’attendaient les adeptes du Grand Soir. La fusion de la radicalité affûtée de l’ultra-gauche et de ces utopistes « trop peureux pour supporter des responsabilités »dont parlait Chesterton.
Admiratif de l’activisme militant, très bien déployé dans « Nuit debout » qui essaie d’imposer son style particulier (« 42 mars »), j’ai constaté qu’en définitive, l’ampleur du mouvement reste celle d’un rassemblement de 5 % d’idiots utiles entre les mains de 95 % d’agitateurs professionnels de la révolution permanente.
Gonzague de Chantérac
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