détermination de l'intéressé, la mission de Bernard Kouchner au Kosovo est aléatoire et précaire.

 

En définitive, en dehors des Anglais dont nous n'examinons pas ici la position qu'ils ont prise à ce sujet, les Allemands et les Américains apparaissent comme les vainqueurs des opérations du printemps, qu'ils ont conduites avec persévérance au gré de leurs intérêts propres.

Les premiers ont confirmé, à la faveur de ces opérations, la pénétration de leur pays dans l'ex﷓Yougoslavie et au Kosovo, où l'expédition à laquelle ils ont participé leur a permis de manifester leur présence militaire et d'imposer le deutschmark comme monnaie officielle. Quant aux seconds que nous avons pressé d'intervenir parce que les Européens ne pouvaient pas agir sans eux, ils ont profité de la guerre pour continuer l'encerclement de la Russie, qu'ils poursuivent systématiquement et par étapes depuis l'effondrement de l'URSS. De toute manière, les uns et les autres sont les adversaires des Slaves orthodoxes et les alliés naturels des Kosovars musulmans.

 

Mais où est l'intérêt de la France dans cette politique équivoque, où notre pays a sacrifié son amitié traditionnelle avec les Serbes, sans gagner pour autant la confiance des Kosovars ? Où est l'équilibre européen dans cette conjoncture incertaine qui évoque singulièrement le Drang nach Osten — la poussée vers l'Est — de l'Allemagne et de l'Autriche-ongrie à 1a veille de la Première Guerre mondiale ? Où est l'Europe pacifique et pacifiée que nous souhaitons et qui s'étend de l'Atlantique à l'Oural ? Où en sont les perspectives de rapprochement entre les Églises d'Orient et d'Occident, si nous privons les Serbes de leurs racines historiques et géographiques qui sont au Kosovo ? Enfin, n'avons﷓nous pas tout simplement aggravé la fracture entre les deux mondes par une attitude inconséquente, dont nous constatons aujourd'hui les effets pervers ? Telles sont les graves questions que nous devons nous poser dans l'intérêt de la France, de l'Europe et de la paix.

A. T.