LA RENCONTRE du 22 décembre 2007 entre Sa Sainteté Benoît XVI et le président de la République française, Nicolas Sarkozy, ne pouvaient pas laisser les catholiques de France indifférents. À cette occasion, la Fondation de Service politique a rédigé un rapport analysant sept dossiers cruciaux de l'actualité politique française sur lesquels les catholiques sont particulièrement attentifs, en raison de leur responsabilité à l'égard du bien commun.

Cette sélection ne prétend pas être exhaustive : d'autres éléments mériteraient d'être développés comme la réforme du divorce, qui pourrait renforcer encore la réduction du mariage à un simple contrat privé, ou la question du travail du dimanche, mais ce rapport peut éclairer la vigilance des Français sur les grandes priorités politiques de l'année 2008, et leur contexte. Il s'articule autour de trois grandes questions :

 

À propos de trois priorités non négociables

I- Les menaces législatives sur le mariage et la filiation

II- La révision des lois de bioéthique de 2004

III- L'amélioration de la liberté scolaire

 

Des difficultés particulières

IV- Liberté religieuse et objection de conscience

V- Immigration : les questions de fond qui ne sont pas posées

 

La présidence de l'Union européenne

VI- L'application de la convention de Varsovie sur la traite des êtres humains

VII- La contrainte de la Charte européenne des droits fondamentaux

 

 

 

 

 

I- MENACES LEGISLATIVES SUR LE MARIAGE ET LA FILIATION

 

Depuis une dizaine d'années, de nombreuses lois ont considérablement modifié le droit de la famille, au motif que la loi doit s'adapter aux mœurs et que toutes les revendications individuelles (unions homosexuelles, divorce, coparentalité, garde alternée...) ont leur légitimité. Mais la revendication la plus radicale, le mariage et l'adoption d'enfants par des couples de même sexe est devenu un enjeu majeur de la dernière campagne présidentielle. Bien qu'ultra-minoritaire, le lobby gay a imposé ce débat.

Deux projets concrets menacent aujourd'hui l'institution familiale ; le contrat d'union civile et le statut du beau-parent.

 

1/ Le projet de contrat d'union civile (CUC)

 

Depuis 1999, le PaCS (Pacte civil de solidarité ouvert aux personnes homosexuelles) autorise les personnes de même sexe à contracter une union légale. Ce contrat strictement privé est enregistré au tribunal d'instance.

Le président Sarkozy soutient un projet de contrat d'union civile (CUC), pour améliorer le PaCS. Cette promesse électorale ne prévoit pas de déboucher sur la filiation et l'adoption, mais sa mise en œuvre remettrait en cause l'institution du mariage civil et la cohérence de la politique familiale. S'il s'agit seulement d'ajouter des droits successoraux aux droits fiscaux et sociaux compris dans le PaCS, on ne voit donc pas pourquoi il faudrait créer un nouveau contrat. En fait, il s'agit plutôt d'imiter le mariage en conférant au CUC la même symbolique. En outre, cette disposition ouvrirait la voie à l'adoption d'enfants par les personnes de même sexe.

 

Notre recommandation. Pour éviter une posture uniquement critique et défensive dont l'expérience a montré la vanité, nous préconisons une démarche d'ordre politique qui aurait le mérite d'obliger les pouvoirs publics à s'interroger sur ce qu'est le mariage et à considérer le risque d'émergence d'un courant de désobéissance civile, pas seulement chez les catholiques. Cette démarche consiste à demander la reconnaissance légale du mariage religieux.

En raison de sa nature, le mariage revêt des caractéristiques propres qui le fondent juridiquement et socialement. Celles-ci sont au nombre de trois : 1/ célébration publique, 2/ en mairie, 3/ devant le maire en sa qualité d'officier d'état-civil représentant l'État. Si les formes du mariage et du CUC sont les mêmes, la différence d'appellation est dénuée de signification, et la dénaturation indirecte du mariage civil avérée.

Les époux d'une part, et les officiers d'état-civil d'autre part, seront-ils alors contraints de participer à une telle confusion en violation de leur conscience, ou devront-ils entrer en désobéissance civile ? De leur côté, comment les Églises pourront-elles célébrer religieusement le mariage en vérité si la réalité sociale qui précède cette célébration et sur laquelle elle se fonde est dénaturée ?

Dans cette hypothèse, la paix des esprits et la vérité du mariage religieux ne seront préservés que si, parallèlement, l'État reconnaît civilement le mariage religieux. Cette reconnaissance, qui serait optionnelle, existe en Europe, dans des pays aux traditions juridiques et religieuses diverses . En France de grands théoriciens du droit civil y ont été favorables (Jean Carbonnier, Henri Mazeaud). La formule ne présente pas de difficultés techniques insurmontables, ni de risques juridiques ou sociaux particuliers, dès lors que les précautions administratives adéquates sont prises ; elle est applicable quelles que soient les confessions concernées (Église et communautés chrétiennes, judaïsme, islam).

Si le législateur entendait donner satisfaction aux lobbies homosexuels, on ne voit pas au nom de quoi il refuserait la reconnaissance civile du mariage religieux aux confessions attachées à l'institution du mariage. En revendiquant avec force et précisément cette reconnaissance, l'Église provoquerait un débat de fond qui pourrait neutraliser les revendications des lobbies homosexuels ultraminoritaires, et préserver l'institution du mariage civil.

 

2/ Le statut du beau-parent

 

Lors de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy s'est engagé à créer un statut du beau-parent . Dans sa lettre de mission au ministre des Affaires sociales, Xavier Bertrand, il précise ses objectifs : gérer les actes de la vie quotidienne des enfants dans les familles recomposées et protéger juridiquement les liens affectifs entre l'enfant et l'adulte qui n'est pas son parent.

Les conséquences sur l'enfant d'une séparation des parents sont actuellement encadrées par une loi de 2002. Cette loi a introduit des nouveautés en faveur du beau-parent : le nouveau conjoint d'un parent divorcé peut se voir attribuer une part de l'autorité parentale par délégation du parent séparé, mais sur décision du juge aux affaires familiales. Les lobbies militant en faveur de l'adoption par des couples homosexuels ont salué cette loi comme un premier pas dans leur direction. Mais les limites posées (le recours à la justice) sont remises en cause par le rapport officiel de Dominique Versini, ancien secrétaire d'État du gouvernement Raffarin, aujourd'hui Défenseur des enfants , une institution publique dont le rôle est d'aider les parties en conflit à trouver un accord à la suite d'un divorce afin d'éviter un procès.

Ce rapport préconise une évolution du statut du beau-parent — précisément d'une tierce personne — qui obtiendrait l'autorité parentale sans l'accord du parent séparé, et sans l'intervention d'un juge. Cette disposition, juridiquement inutile, serait socialement dangereuse : si elle était adoptée, elle consacrerait l'arbitraire des adultes et la déconstruction de la parentalité, faisant de l'enfant le jouet de l'instabilité affective des adultes.

 

Nos recommandations. Les ministères de la Justice et des Affaires sociales et familiales sont lucides sur les dérives de ce projet de statut du beau-parent, qui fonderait de nouvelles règles de filiation. Les conseillers que nous avons rencontrés s'orienteraient vers une convention signée entre les parties concernées par la vie de l'enfant (parent gardien, parent non gardien, nouveau conjoint du parent gardien) sans création de lien de filiation, mais pour faciliter la vie quotidienne des enfants dans les familles recomposées.

La pression du rapport de forces et des relais médiatiques sera déterminante pour l'avenir du projet.

Ce qu'il faut obtenir, pour neutraliser les effets négatifs du projet :

 

• Exclure le concept (et le mot) de statut dans le nouveau dispositif, ce qui, dans l'opinion, signifierait la reconnaissance d'une fonction parentale à un adulte qui ne l'est pas. Ne pas nommer ce tiers beau-parent , car la convention ne doit pas fonder une nouvelle filiation.

• Maintenir la place du juge aux affaires familiales pour homologuer la convention tripartite (parent gardien, parent non gardien, conjoint du parent gardien).

• Préserver le caractère obligatoire de l'autorité du parent non-gardien, et son accord pour toute délégation d'autorité parentale.

 

 

 

II- LA REVISION DES LOIS DE BIOETHIQUE

 

Les lois de bioéthique de 2004 doivent être révisées en 2009. Quelques sujets méritent une attention soutenue :

 

 la recherche sur les cellules souches embryonnaires, le clonage thérapeutique et les fonctions de l'Agence de la biomédecine, et la création d'autres agences ;

 la gestation pour autrui et la procréation médicalement assistée (PMA) pour les personnes seules et les couples homosexuels

 plusieurs questions transversales cruciales, comme la création de chimères, le statut du fœtus, la diffusion de la pilule abortives aux mineures, le diagnostic pré-implantatoire.

 

1/ La recherche sur l'embryon

 

On enregistre une pression de certains milieux scientifiques auprès du Parlement pour gommer les restrictions assortissant l'autorisation de recherche sur l'embryon, prévues dans la loi bioéthique de 2004. En effet, la loi pose comme principe l'interdiction de la recherche sur l'embryon tout en autorisant, à titre dérogatoire, la recherche sur les embryons dits surnuméraires , congelés depuis plus de cinq ans et dépourvus de projet parental . Cette dérogation reste soumise, selon la loi, à deux conditions cumulatives : celle d'être susceptible de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et celle de ne pouvoir être poursuivie par une méthode alternative d'efficacité comparable . Ce moratoire est valable cinq ans et doit donc être rediscuté en 2009.

Aucune thérapie avec les cellules souches embryonnaires n'étant clairement envisageable, et les chercheurs le reconnaissant publiquement, certains demandent maintenant à supprimer l'exigence d'une perspective thérapeutique posée par la loi. Ils demandent que soit autorisée la recherche sur l'embryon à la seule fin d'améliorer la connaissance scientifique et de créer des modèles tissulaires utiles aux tests de toxicité des laboratoires. Il s'agit donc pour eux de supprimer ce verrou qui devrait — s'il était respecté — bloquer la recherche sur l'embryon en France. Or l'Agence de la biomédecine, créée par la loi de 2004 pour délivrer les autorisations de recherche aux laboratoires, délivre déjà des autorisations de recherche sur l'embryon, en s'affranchissant d'ailleurs du strict respect des conditions législatives.

Cette demande est également assortie de celles visant à supprimer l'étape de la dérogation et à confirmer que la recherche sur l'embryon est bien autorisée par principe.

Enfin, l'autorisation de procéder à des transferts nucléaires , autrement dit du clonage, a été et risque d'être redemandée à l'occasion des travaux précédant la révision de la loi bioéthique. Pour la majorité de la classe politique, le changement sémantique risque de passer inaperçu.

Il existe aussi la tentation de vouloir établir une loi cadre, qui ne sera pas renouvelée tous les cinq ans, pour fixer les grands principes régissant toutes les questions de bioéthique (basés sur les valeurs de solidarité, réciprocité, gratuité, consentement, anonymat...) et d'instituer des agences indépendantes (comme l'Agence de la biomédecine) dont le rôle serait de décider l'octroi des autorisations. Ces agences auraient un rôle jurisprudentiel concernant les nouvelles pratiques biomédicales. Ce qui revient à confisquer le débat, à déresponsabiliser le législateur, à livrer aux mains de structures incontrôlables des décisions relevant de choix de société fondamentaux.

 

Notre commentaire. D'autres chercheurs s'appuyant sur les résultats thérapeutiques prometteurs des cellules souches adultes, notamment la découverte révolutionnaire de Shinya Yamanaka (obtenir des cellules pluripotentes à partir de cellules souches adultes), font valoir que la recherche sur l'embryon n'est pas utile.

Arnold Munnich, conseiller scientifique du président Nicolas Sarkozy et chef du service de génétique médicale de l'hôpital Necker-Enfants malades (Paris), est convaincu que libéraliser davantage la recherche sur l'embryon ne permettrait aucun essor. Il s'est élevé contre ceux qui s'estiment bridés par la loi actuelle. Pour lui, la recherche en France, n'est pas contrainte, du moment que les projets sont scientifiquement crédibles. Concernant la recherche sur l'embryon, il évoque trois possibilités pour la prochaine loi : libéraliser, prolonger le moratoire existant ou revenir en arrière (sans rejeter a priori cette dernière solution).

 

Perspectives. On observe une légère évolution depuis quelques mois : la pression pour obtenir le clonage est moins forte dans le milieu scientifique et donc politique, chacun s'accordant à reconnaître qu'aucun bénéfice thérapeutique ne peut en être retiré. En même temps, les restrictions imposées par la loi de 2004 et l'accélération des résultats thérapeutiques majeurs avec les cellules souches adultes mettent les promoteurs de la recherche sur l'embryon en difficulté. S'il semble difficile d'obtenir la suppression de l'autorisation de recherche sur l'embryon, il est peut-être possible de parvenir à empêcher la libéralisation de cette recherche en prolongeant le moratoire (autorisant par dérogation la recherche sur l'embryon avec les verrous que l'on connait). Ce mouvement doit s'accompagner d'une revalorisation de la recherche sur les cellules souches adultes et de sang de cordon, pour rassurer le public sur la prise en compte de leurs attentes, dynamiser un pan de la recherche française en perte de vitesse et réconcilier la science et l''éthique. Nicolas Sarkozy s'était engagé sur ce point dans son programme présidentiel.

Deux courants se distinguent au sein du pouvoir exécutif. D'un côté le ministre de la Recherche Valérie Pécresse et son conseiller scientifique Pierre-Louis Fagniez (député et auteur d'un rapport favorable au clonage) sont clairement en faveur d'une libéralisation de la recherche sur l'embryon et d'une autorisation du clonage, rejoignant le parti de l'Agence de biomédecine. D'autres, au contraire, semblent favorables à la prorogation du moratoire, limitant cette recherche. Arnold Munnich, à l'Élysée, est sans doute une pièce maîtresse sur laquelle on peut s'appuyer. Considérant que la recherche sur l'embryon est utile pour y comparer les résultats de la recherche sur les cellules adultes, il semble cependant mesuré et soucieux de ménager les différentes susceptibilités, notamment sur le plan éthique. Il appelle à un vrai débat public. Le 29 novembre à l'Assemblée, Arnold Munnich a exprimé publiquement le souhait que la France promeuve ses principes fondés sur les valeurs judéo-chrétiennes , en particulier lorsqu'elle sera à la présidence de l'Union européenne.

 

2/ La gestation pour autrui

 

La pression depuis quelques mois est forte en faveur d'une loi autorisant les mères porteuses : la gestation pour autrui. Pression initiée par quelques associations et médecins avec le concours des médias, mais qui ne représente pas nécessairement l'opinion des Français. Un cas récent de jurisprudence favorable à des parents ayant eu recours à une mère porteuse aux USA et ne pouvant faire reconnaître son enfant en France, a relancé le débat. Le Parquet a décidé de se pourvoir en cour de cassation. L'affaire est donc d'actualité, largement relayée dans la presse et illustre la pression faite sur le législateur par l'exploitation d'une situation particulière. Le ministre de la Recherche semble favorable à cette évolution du droit.

Lors des journées d'études du 29 novembre à l'Assemblée nationale, une personnalité a défendu avec autorité le respect de la maternité : Catherine Labrousse-Riou, professeur de droit (Université Paris I) et membre du Comité consultatif national d'éthique. Elle a rappelé que la gestation pour autrui, qui consiste à engendrer un être humain pour quelqu'un d'autre, remet en cause le principe de filiation en séparant la maternité génétique de la maternité gestationnelle. Pas une société ne peut échapper à ce système de parenté : l'identité généalogique est fondamentale, structurante pour tout être humain. Elle rappelle que le principal intéressé par ces questions est l'enfant et qu'il ne faut pas l'oublier... Alors que l'on parle sans cesse de droits de l'enfant, la science a le pouvoir de restaurer, de manière archaïque, une puissance parentale beaucoup plus forte que par le passé ; cette pression s'exerçant in utero. Elle met en exergue la contradiction qu'il y a entre le fait de développer les tests de paternité et donc de valoriser le facteur biologique tout en le niant via le don de gamètes anonyme et la destruction du lien de filiation introduit par la pratique des mères porteuses. Elle a insisté sur l'importance de reconsidérer la question du don d'ovocytes et de gamètes. Elle rappelle qu'on ne peut pas considérer les gamètes de la même façon que les autres cellules du corps humain ; ce serait faire fi de la nature même des choses.

 

Notre commentaire. Par analogie avec la question de l'embryon traitée plus haut, on peut imaginer que l'entourage proche du Président de la République n'est pas insensible à l'incohérence fantasmatique consistant à favoriser la gestation pour autrui et souhaite imposer une solution différente. La nouvelle redistribution des cartes au sein du pouvoir exécutif, avec la prééminence du rôle présidentiel, incite à viser préférentiellement des interventions à ce niveau. En effet, il apparaît aujourd'hui que seul le Président de la République soit capable de faire prévaloir une position de principe sur certains sujets.

 

3/ Questions transversales

 

 La création de chimères : faut-il réexaminer la loi française ? Le ministre de la recherche,Valérie Pécresse, a annoncé le 11 septembre qu'elle souhaite que l'Agence de la biomédecine se saisisse dès maintenant des questions éthiques que suscite la décision britannique d'autoriser la création d'un embryon homme-animal.

 

 Le statut du fœtus : le directeur général de la Santé du ministère, Didier Houssin, a évoqué parmi les questions qui seront abordées lors de la prochaine révision des lois de bioéthique celle du statut du fœtus. Claude Sureau, ancien président de l'Académie nationale de médecine, membre du Comité consultatif national d'éthique, propose de donner à l'embryon humain le statut de l'animal.

 

 La diffusion de la pilule abortive RU 486 dans les plannings familiaux et l'accroissement du nombre d'avortements chez les mineurs : le ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a annoncé en septembre 2007 que les médicaments nécessaires à l'interruption volontaire de grossesse seraient donnés dans les centres de planning familial . Ces avortements par médicament sont pratiqués avec la RU 486, la mifépristone. Mme Bachelot souhaite ainsi rendre ce médicament plus accessible aux femmes les plus vulnérables et notamment aux jeunes. Cette mesure fera partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008.

 

 Le diagnostic pré-implantatoire : la loi autorise le recours au DPI lorsque le couple a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d'une maladie génétique d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic (CSP art. L2131-4), afin de choisir de n'implanter que des embryons exempts de la maladie. Mais certaines équipes, comme celle du Pr Viville, chef de service du Laboratoire de biologie de la reproduction et responsable du centre de diagnostic préimplantatoire (CHU de Strasbourg), estiment pouvoir élargir l'utilisation du DPI dans le cas d'une simple prédisposition. Une réflexion serait en cours, menée sous l'égide de l'Institut national du cancer.

 

 

 

III- L'AMELIORATION DE LA LIBERTE SCOLAIRE

 

Contrairement aux apparences, l'école catholique n'est pas entièrement libre en France. Elle n'éduque qu'une faible proportion des enfants de France, parce que l'État l'y contraint, alors que plus de 60 % des parents désirent y scolariser leurs enfants.

En effet, non seulement l'école privée est payante, mais depuis 1985, la loi française contingente à 20 % la proportion d'enfants accueillis dans les écoles privées sous contrat. C'est manifestement contraire au principe d'égalité des chances puisque cela signifie qu'une majorité de familles est empêchée de choisir l'enseignement privé. À cela s'ajoute le refus de financer le développement de nouvelles écoles privées (puisque la loi interdit de donner des subventions publiques aux écoles libres lors de leurs cinq premières années d'existence). Et ce, malgré la forte demande des parents, et que la valeur constitutionnelle de leur droit à choisir l'école de leurs enfants a été reconnue en 1977.

Cette marginalisation de l'enseignement catholique est d'autant plus préoccupante que les chrétiens ne peuvent exister en tant que tels sans la possibilité d'enseigner et d'éduquer : l'Église ne peut laisser enfermer son charisme éducatif au sein de ce ghetto des 20% .

L'actuel gouvernement s'oriente vers une libéralisation du système scolaire, mais les pressions de l'administration et des syndicats enseignants sont considérables. La crainte de rallumer la guerre scolaire paralyse même les victimes de cette discrimination. Aucune remise en cause du contingentement de l'école libre n'a encore été évoquée à ce jour.

 

Nos recommandations. Il nous faut exiger le droit pour chaque famille de scolariser ses enfants dans l'école de son choix, et ce dans les mêmes conditions financières, qu'elle choisisse le public ou le privé. Cela passe par la modification du système de financement de l'école privée et par la suppression du contingentement. Il faut renégocier le contrat d'association liant les écoles catholiques à l'État ou, à défaut, obtenir la création d'un nouveau type de contrat (qui permettrait à l'État de financer des écoles privées dès leur création en respectant leur caractère propre et la spécificité de leurs pratiques pédagogiques et éducatives).

La libération du système scolaire peut s'articuler autour de trois grandes priorités : la liberté des parents ; la dignité des maîtres ; la diversification de l'offre scolaire.

 

1/ Promouvoir le droit des parents de choisir librement l'école de leurs enfants

 

• Réforme du financement de l'école privée de sorte qu'elle soit financièrement équivalente à l'école publique pour les parents (réduction d'impôts pour frais de scolarité ou chèque éducation ; incitations au financement privé des écoles) ;

• Abrogation des dispositions législatives interdisant au privé sous contrat de scolariser plus de 20 % des enfants (suppression du système de crédits limitatifs instauré par les lois des 29 décembre 1984 et 25 janvier 1985) ;

• Plein respect du caractère propre des établissements catholiques (octroi de la liberté de programme, du droit à recruter en priorité des professeurs et des élèves catholiques, pleine reconnaissance des diplômes privés) ;

 

De manière plus ambitieuse :

 

• Instauration du chèque éducation, dispositif égalitaire et social qui confie à chaque famille un chèque d'un montant lié au niveau de l'enfant (par exemple 2 000 euros pour le primaire, 4 000 pour le secondaire, 6 000 pour l'enseignement professionnel ou supérieur) par lequel elle finance l'école — publique ou privée — dans laquelle elle a librement inscrit son enfant ;

• Instauration du salaire éducatif pour le parent qui se consacre à l'éducation de ses enfants, en s'inspirant du salaire maternel qui vient d'être adopté en Allemagne (source d'économies substantielles pour le budget de l'État).

 

2/ Rendre aux maîtres leur dignité

 

• Liberté de formation des professeurs de l'enseignement catholique (actuellement soumis aux Instituts universitaires publics de formation des maîtres-IUFM à la suite des accords Lang-Cloupet de 1992) ;

• Reconnaissance du droit des professeurs à rejoindre l'école et donc la communauté éducative de leur choix (dans le privé comme dans le public) ;

• Retour à un statut privé des maîtres du privé (abrogation de la loi Censi) ;

 

3/ Permettre la diversification de l'offre scolaire

 

• Octroi de l'autonomie aux établissements, de la maternelle au supérieur, dirigés par un chef d'établissement sous le contrôle du seul Conseil d'administration, assorti d'une totale liberté de recrutement (et notamment le droit pour un chef d'établissement catholique de ne recruter que des professeurs catholiques et de prendre en compte la religion dans les critères d'admission des élèves).

• Octroi de la liberté pédagogique aux écoles afin qu'elles puissent développer des pédagogies réalistes, au plus près des besoins de leurs élèves (leur contrôle portant sur la conformité de l'enseignement délivré aux objectifs définis dans la charte de l'école, non aux instructions pédagogique de l'Inspection académique) ;

• Abolir le monopole de la collation des grades, frein à la diversification du système, et créer des agences indépendantes de labellisation qui permettent de faire émerger des diplômes de qualité.

 

 

 

IV- LIBERTE RELIGIEUSE ET OBJECTION DE CONSCIENCE

 

L'actuel président de la République témoigne d'une réelle ouverture au fait religieux ; cette ouverture constitue une vraie rupture avec le laïcisme largement partagé de la classe politique . Ce laïcisme politique s'exprime dans le meilleur des cas sous la forme d'une conception étriquée de la laïcité, cloisonnant sévèrement convictions privées et responsabilités publiques ; mais il s'agit souvent d'un ostracisme militant à l'égard de la liberté de parole et d'action des confessions religieuses et des convictions éthiques se rattachant à une conception universelle de la dignité de la personne humaine et de ses droits.

La France laïque reste marquée par le divorce entre un cadre juridique hérité de notre histoire (la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État) dont les présupposés socio-politiques se sont évanouis, et une société agnostique dont la sensibilité au fait religieux se teinte de méfiance quand ce n'est pas d'hostilité. Il en résulte un climat culturel et social qui imprègne notablement l'administration de l'État, laquelle interprète souvent de manière restrictive l'exercice de la liberté de conscience.

S'il existe une volonté de désidéologiser la laïcité dans les déclarations, l'application ne suit pas. Les services nationaux, régionaux ou départementaux appliquent une conception de plus en plus étroite et sectaire de la laïcité à l'encontre des catholiques, parfois moins bien traités que les musulmans (cf. par exemple les prescriptions alimentaires dans les cantines scolaires). Les signes extérieurs de présence chrétienne dans les lieux publics sont de plus en plus souvent stigmatisés : on interdit les crèches dans les hôpitaux, les sapins de Noël dans des écoles, etc. Les subventions publiques aux organismes d'aide sociale de sensibilité chrétienne sont réduites ou supprimées.

Autre exemple, l'évolution récente de la législation sur l'avortement a montré que le droit, soi-disant imprescriptible, donné à tout soignant de ne pas pratiquer ni collaborer à une IVG a été systématiquement raboté : désormais tout médecin est contraint d'en devenir complice indirect avec l'obligation de diriger toute femme qui le lui demande vers un centre qui la pratique. Qu'en serait-il, demain, des maires au cas où le mariage civil serait ouvert à des personnes de même sexe ? Seront-ils contraints de les célébrer ?

Un autre aspect du problème est l'ignorance religieuse elle-même : en annonçant dans son entretien télévisé du 29 novembre 2007, que les salariés pourront travailler le dimanche sur la base du volontariat et seront payés le double ce jour-là , le président Sarkozy n'a rencontré aucune contestation de fond sur la portée culturelle de cette mesure (seuls les syndicats s'y opposent, mais essentiellement pour des raisons liées au partage du travail).

 

L'interprétation de la loi de 1905

 

Pratiquement, l'exercice de la liberté religieuse est conditionné par la loi de 1905, dont l'interprétation est plus largement sujette à l'esprit qu'à la lettre . Or aujourd'hui, l'esprit est plutôt laïciste.

Deux rapports publics ont été demandés par le gouvernement avant les précédentes élections pour évaluer les aménagements possibles et souhaitables de cette loi. Le premier, rédigé par une commission présidée par le Pr. Jean-Pierre Machelon, composée d'universitaires, de magistrats et de hauts fonctionnaires, conclut que ni le constituant ni le législateur n'ont entendu donner à la loi de 1905 un caractère de principe constitutionnel : autrement dit, l'interdiction de financer directement les cultes n'est pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République pas plus que la non-reconnaissance d'un culte. Pratiquement, la commission proposait de donner aux collectivités locales la faculté d'aider la construction de nouveaux lieux de cultes et d'assouplir le statut des associations cultuelles de la loi de 1905, auxquelles sont assimilées les associations diocésaines, pour leur permettre d'exercer des activités accessoires et de financer des actions caritatives ou culturelles.

Sur le fond et en toute objectivité, ces propositions sont pertinentes au regard des problèmes posés. Or il est significatif que ces recommandations ont suscité l'embarras du gouvernement et la critique de la classe politique.

Un tout autre sort a été réservé à l'autre commission, plus politique, présidée par le sénateur André Rossinot, dont l'objet était l'étude des difficultés rencontrées par les administrations locales dans l'exercice de la laïcité : il a inspiré directement les programmes des candidats aux élections présidentielle et législatives. De ce rapport, émerge une série de propositions au mieux ambiguës, et souvent inquiétantes :

 

• renforcer la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostentatoires dans les lieux publics (l'école catholique y a échappé de peu) ;

• encadrer dans l'hôpital la possibilité d'interposition entre les patients et le personnel soignant dont bénéficient les familles et accompagnants bénévoles en milieu hospitalier, en leur imposant un engagement de neutralité, de respect de la laïcité et de non-prosélytisme, le tout assorti de la soumission des aumôniers et des associations à un agrément préfectoral (proposition reprise par l'UMP) ;

• introduire par voie législative dans le statut de la fonction publique une obligation expresse de stricte neutralité des agents publics, à étendre aux agents contractuels et aux salariés des entreprises privées chargées d'un service public ;

• rédiger et diffuser dans les services publics une charte de la laïcité et de la citoyenneté (proposition reprise par le PS et le PC) ;

• créer au niveau de la Présidence de la République une Chancellerie de la laïcité et de la citoyenneté , avec une mission de veille et de dialogue (proposition reprise par le PS et le PC).

 

Jusqu'ou ira-t-on, par exemple, dans les obligations imposées aux écoles catholiques sous contrat qui participent incontestablement au service public et qui ont échappé de peu à la loi sur les signes religieux ? Dans quel engrenage entre-t-on avec l'agrément préfectoral des aumôniers des hôpitaux, qui pourrait être transposé à ceux des prisons, des lycées et des collèges ? De la veille à la surveillance , puis de la surveillance à la police des croyances, comment éviter les dérapages ?

 

Deux questions complexes s'ajoutent aux précédentes, posées par la présence d'une forte immigration d'origine musulmane en France : 1/ le respect de la liberté religieuse doit s'harmoniser avec le respect de l'ordre public (refus de la tolérance générale de la polygamie et respect de la femme, lutte contre les entraves mises au changement de religion, vigilance contre l'application de facto de la charia qui tend à poindre ici ou là) ; 2/ vigilance ad intra à l'égard des ingérences étrangères dans la vie des communautés religieuses (imams nommés en qualité de fonctionnaires détachés, financement de mosquées), et ad extra à l'égard du traitement souvent discriminatoire réservé aux chrétiens dans ces pays.

 

 

 

V- IMMIGRATION : LES QUESTIONS DE FOND QUI NE SONT PAS POSEES

 

La France connaît une immigration forte, principalement d'origine musulmane, et de graves difficultés d'intégration illustrées de manière emblématique par le taux de chômage qui frappe les migrants, et les émeutes de plus en plus violentes qui se déclarent dans les banlieues des grandes métropoles. L'actuel gouvernement cherche à se doter d'une politique de l'immigration principalement basée sur le contrôle des flux de population (un ministre a été créé pour cela : M. Brice Hortefeux). Le président Sarkozy a lancé le concept d'immigration choisie , fondée sur le principe de la sélection des compétences (accepter les migrants utiles, refuser les migrants inutiles).

Cette politique a été critiquée pour être injustement discriminatoire. Elle est surtout préjudiciable au développement des pays d'origine, dont les forces vives seraient de fait encouragées à s'établir en France, sachant qu'elles seraient non seulement accueillies, mais désirées.

Récemment, une autre mesure de contrôle des populations migrantes a fait l'objet d'une sérieuse polémique : le recours au test ADN pour vérifier la filiation de personnes sollicitant des mesures de regroupement familial. Cette mesure a été jugée contraire à l'éthique des droits de l'homme. Mais la polémique cache un problème de fond que personne n'ose aborder : la dimension culturelle de l'intégration sociale.

 

Peut-on recourir aux tests ADN ?

 

La question a soulevé des débats animés. Comme souvent dans de tels domaines, ce n'est pas tant la réalité qui est dénoncée que sa charge symbolique, soit pour des motifs liés à l'histoire, soit pour des raisons idéologiques inconscientes ou qui ne s'avouent pas toujours comme telles.

Pour prendre la mesure de cette réalité, il faut savoir que 80 % des papiers d'état-civil seraient faux dans certains pays d'Afrique. Lors des demandes de visas pour regroupement familial, 30 % des parentés seraient falsifiées (un tiers). Dans ces conditions ces tests sont-ils ou non légitimes ?

Juridiquement, le moyen n'est pas considéré comme illicite par l'Union européenne. Franco Frattini, porte-parole du commissaire à la Sécurité et à la Justice, a rappelé jeudi 4 octobre à Bruxelles la directive européenne de 2003 sur le regroupement familial : Les États membres peuvent procéder à des contrôles spécifiques lorsqu'il existe des présomptions fondées de fraude ou [...] d'adoption de complaisance... Une disposition qui laisse beaucoup de liberté aux États membres... et notamment le soin de définir la manière selon laquelle ils établissent le lien familial. L'Autriche, la Belgique, la Finlande, la Lituanie, les Pays Bas et la Suède ont déjà recours aux tests ADN.

En France, depuis les lois de bioéthique de 1994, le Code civil prévoit que les tests peuvent être utilisés en matière pénale, en matière civile ou en matière médicale, même s'il n'existe pas à l'heure actuelle de jurisprudence constitutionnelle sur le sujet. Selon le professeur Bertrand Mathieu, professeur de droit public à l'université Paris-I, président de l'Association française du droit constitutionnel et membre du Comité sur la réforme des institutions, deux risques sont à prendre en compte : celui d'une intrusion inacceptable dans la vie privée des couples et celui de donner une définition exclusivement biologique de la famille, ou encore de réduire l'individu à son identité biologique. Et il se demande s'il n'y a pas une disproportion entre les objectifs et les moyens .

Sur le premier point, celui de la préservation de la vie privée et le risque de révélation d'adultère, il suffirait pour éviter cet écueil de ne pratiquer le test d'ADN que sur la mère (ce qui est prévu par la loi), la filiation du père étant supposée établie par l'aveu de celle-ci.

Du point de vue éthique, la question est plus délicate. Le respect de l'intimité familiale et l'accueil de l'étranger sans ressource ne sont pas strictement mis en cause par la pratique des tests ADN, dès lors que la démarche du demandeur est honnête. Il s'agit d'une mesure d'ordre pratique, avec ses avantages et ses inconvénients. En l'occurrence, la réglementation n'est pas contraire à son devoir de protéger le droit des personnes mais aussi celui des sociétés d'accueil.

Reste à savoir si en relevant l'empreinte génétique de personnes soupçonnées de pouvoir frauder l'état-civil, on porte atteinte aux principes sacrés de la filiation et de la famille ou si l'on est dans un mode de preuve légitime. Il est permis de penser que ce type de preuve destiné à éviter une fraude peut être légitime sans pour autant vouloir réduire la famille à sa définition biologique.

 

Notre recommandation. Le problème réel posé par la politique d'immigration en France ne vient pas d'abord de telle ou telle mesure de contrôle critiquable à la marge, mais de la perte du sens de la culture commune et de son héritage spirituel. Les valeurs constitutives de notre culture ont été subverties. C'est la culpabilisation du rôle historique de la France dans le monde qui a provoqué des déplacements tragiques de populations prolétarisées vers l'ancienne puissance coloniale.

L'indifférence au sort des générations qui nous suivront sont de véritables questions. Le drame, c'est que l'État n'entreprend rien ou presque pour faire aimer la France, dans les écoles, et dans les cités des banlieues, à travers son héritage historique et culturel. En créant un ministère de l'Identité nationale , chargée de la politique migratoire, l'État a amorcé une prise de conscience, mais aucune mesure forte, positive et ouverte n'a été prise dans ce sens, la notion d' identité inspirant plutôt une conception égoïste de l'intérêt national.

Ce n'est pas la laïcité, conçue comme un équilibre entre rapports de force identitaires, qui transcendera la communauté nationale et l'accueil des plus faibles. Une France qui ne s'aime pas, dans une Europe qui ne reconnaît pas ses racines, ne peut pas intégrer. L'Église est dans son rôle social en rappelant à la France la dimension culturelle de l'harmonie nationale.

 

La politique d'immigration française pourrait s'articuler autour de trois priorités :

 

• Accepter la règle de la vérité sur les nouvelles migrations dans le respect du droit de chacun et du droit de la communauté nationale ;

• Privilégier le co-développement avec les pays d'origine ;

• Développer un projet culturel d'intégration sociale.

 

 

 

VI- L'APPLICATION DE LA CONVENTION SUR LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES ETRES HUMAINS

 

Les vingt-sept pays siégeant au Conseil de l'Europe ont signé le 16 mai 2005 à Varsovie une convention sur la lutte contre la traite des êtres humains. Celle-ci a pour but de favoriser la coopération des États européens pour prévenir et combattre toute forme de traite. Pour qu'elle entre en application, dix pays doivent la ratifier, mais aucun grand pays de l'UE ne l'a fait . Les députés français ont voté cette ratification le 1er août 2007, mais la France n'a pas encore déposé sa ratification auprès du Conseil de l'Europe. Un retard qu'on espère purement technique, qui ne devrait pas menacer l'efficacité de sa mise en œuvre, prévue à partir du 1er février 2008.

En France et en Europe, 200.000 femmes sont vendues chaque année. 80 % des femmes prostituées ont fait l'objet d'une transaction et vivent sous la contrainte d'un tiers. Il existe donc aujourd'hui un véritable marché aux esclaves : acheter une femme en Europe de l'Est peut coûter 1 000 € : elle rapporte 150 000 € par an à son propriétaire dans les vitrines d'Amsterdam, sur les trottoirs des villes françaises ou dans les eros centers d'Allemagne.

La question n'est pas de savoir s'il faut abolir, règlementer ou prohiber la prostitution, il s'agit d'éradiquer la traite des femmes et des enfants en vue de leur exploitation sexuelle. Or nos sociétés font silence sur ce nouvel esclavage.

L'Église apporte pratiquement sa contribution à la lutte contre la traite des femmes. Un séminaire international sur la lutte contre le trafic et l'exploitation d'êtres humains s'est tenue à Rome du 15 au 20 octobre. Il a réuni des religieuses de différentes congrégations et divers pays du monde, pour participer au lancement du premier réseau religieux international contre le trafic et l'exploitation des êtres humains . Celles-ci opèrent dans les pays de l'Est d'où proviennent la plupart des jeunes femmes qui, après avoir été revendues une ou deux fois, achèvent leur parcours dans les grandes villes d'Europe de l'Ouest .

 

Notre recommandation. Le président Nicolas Sarkozy, au soir de son élection, a déclaré vouloir que, partout dans le monde, les opprimés, les femmes martyrisées, les enfants emprisonnés ou condamnés au travail, sachent qu'il y a un pays dans le monde qui sera généreux pour tous les persécutés, c'est la France . La France, qui est l'un des principaux pays consommateurs , devrait mettre l'application de la convention de Varsovie parmi les priorités de sa présidence de l'Europe (2e semestre 2008).

En outre, la France pourrait également adopter le principe de la répression des clients de la prostitution, comme l'a suggéré le Saint-Siège le 19 juin 2007, afin de lutter plus efficacement contre cette forme d'esclavage moderne qui représente une offense à la dignité humaine et une grave violation des droits fondamentaux.

 

 

 

VII- LA CONTRAINTE DE LA CHARTE EUROPEENNE DES DROITS FONDAMENTAUX

 

Le projet de traité adopté par les Vingt-Sept réunis à Lisbonne le 19 octobre dernier n'est pas une simplification de l'ex-Traité constitutionnel européen (TCE). Les représentants des États membres ont procédé par insertion de modifications dans les traités existants. Un examen attentif montre que les signataires ont renoncé au coup d'accélérateur politique, mais qu'ils n'ont pas davantage infléchi la trajectoire dans l'autre sens : Lisbonne prolonge Amsterdam et Nice, et avec lui les questions jumelles de la Charte des droits fondamentaux et du préambule sur les racines de l'Europe.

Ce fut l'un des points de cristallisation de l'opposition à l'ex-TCE : du côté français le débat sur les racines chrétiennes ne s'est jamais interrompu (malgré ou en raison de l'hostilité personnelle du président Chirac) ; du côté britannique et polonais, les réticences à admettre que la Charte devienne contraignante, fondées sur des raisons de souveraineté de la part du premier, de fond de la part du second, n'avaient été que difficilement vaincues.

Le traité de Lisbonne adopte une solution minimaliste en la forme mais plénière sur le fond : son préambule reprend la formulation de l'ex-TCE ( s'inspirant des héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe... ) tandis que la Charte des droits fondamentaux ne figure plus dans le dispositif. En revanche, un nouvel article y est introduit qui stipule que l'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux du 7 décembre 2000 [...], laquelle a la même valeur juridique que les traités. Les dispositions de la Charte n'étendent en aucune manière les compétences de l'Union telles que définies dans les traités .

Or par le biais cet article, la Charte reçoit la même valeur juridique que celle qui aurait résulté de l'ex-TCE. Ce caractère contraignant est inacceptable. En effet, la Charte énumère des droits et principes ne relevant pas des droits humains fondamentaux mais d'une vision positiviste de l'homme et de la société. D'autre part, à côté de dispositions plus protectrices que le droit français en vigueur (par exemple sur la liberté religieuse ou la liberté d'éducation), d'autres points sont problématiques, par exemple l'article sur le mariage avec la suppression de la mention de l'homme et de la femme .

La question de principe que pose la Charte est donc inchangée.

En l'absence de mention de l'héritage chrétien et avec un contenu de la Charte aussi disparate, face à la Cour de justice qui aura forcément à se prononcer sur son application, il ne sera pas possible de se référer à une conception substantielle ou ontologique des droits proclamés (comme le droit à la vie humaine ou la définition du mariage). La Cour ne pourra qu'accentuer sa dérive positiviste : il y a fort à parier que le relativisme moral dominant y trouvera son aliment au détriment de la protection des plus faibles.

 

Notre analyse

 

Le Royaume-Uni et la Pologne ont obtenu ce qui leur avait été refusé en 2004, à savoir une clause explicite d'immunité juridictionnelle (protocole n° 7), en vertu de laquelle ni les tribunaux européens ni leurs tribunaux nationaux n'auront le pouvoir de déclarer une loi, un règlement ou une pratique internes incompatibles avec les dispositions de la Charte.

S'agissant de la définition des droits fondamentaux de la personne humaine, il aurait été sage de recommander aux États européens de préserver sur ce point leur souveraineté culturelle (Jean Paul II), comme le Royaume-Uni et la Pologne l'ont obtenu (la réserve polonaise, défendue par l'ancien gouvernement conservateur, risque d'être levée par le nouveau gouvernement libéral).

Les raisons qui avaient motivé le rejet populaire du TCE demeurent dans le nouveau traité : on voit donc mal que le décalage entre les intentions des gouvernements et la volonté des peuples ne provoque pas à nouveau des difficultés et ne se retourne contre la construction européenne.

Dans cette perspective, l'Église est fondée à faire entendre sa voix pour que les véritables bases de l'unité européenne (identité culturelle et vision unifiée de la personne humaine) ne demeurent pas occultées.

 

 

 

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