UNE FOIS N'EST PAS COUTUME. Nous empruntons une longue citation pour ouvrir Liberté politique, mais une citation qui résonne comme une feuille de route. Nul ne contestera la légitimité de l'auteur puisqu'il s'agit du pape lui-même. Pourtant, voici un homme dont l'autorité a été contestée comme rarement en ce début d'année. Pour les uns, ce sont ses propos qui posent problème , selon les mots d'un ancien Premier ministre (hélas !), pour beaucoup, c'est la fonction elle-même qui dérange.
En soi, ce n'est pas une mauvaise nouvelle, cela signifie que le message de l'Église ne laisse personne indifférent.
Mais ce dérangement engage, et sans doute plus que jamais, dans un monde qui n'a jamais connu autant de prêtres (408.000 au dernier recensement), où donc le sacrifice eucharistique est renouvelé chaque jour comme jamais il ne le fût dans l'histoire, mais aussi dans une société postmoderne où le principe même des fondements objectifs des valeurs communes est contesté dans des proportions jamais atteintes. Pratiquement, cela signifie que Dieu n'a jamais été aussi présent, mais que l'ordre de la Création n'a jamais été autant remis en cause.
Dans ce contexte — le choc de la société postmoderne avec l'Église, objet du dossier de ce numéro —, que dit le chef des catholiques ? La mission des chrétiens dans le monde est celle d'une minorité créatrice . Non pas s'enfouir, non pas riposter, mais créer .
Dialoguer, éduquer, servir
C'était dans l'avion qui le conduisait à Prague, le 26 septembre dernier. Le Pape répondait aux questions des journalistes sur la place de l'Église dans une société sécularisée.
Benoît XVI :
Normalement ce sont les minorités créatives qui déterminent l'avenir, et en ce sens l'Église catholique doit se sentir comme une minorité créative qui possède un héritage de valeurs qui ne sont pas des choses du passé, mais qui sont une réalité très vivante et actuelle. L'Église doit actualiser, être présente dans le débat public, dans notre lutte pour un concept véritable de liberté et de paix. Ainsi, elle peut apporter sa contribution dans différents domaines.
Je dirais que le premier est précisément le dialogue intellectuel entre agnostiques et croyants. Tous les deux ont besoin de l'autre : l'agnostique ne peut pas être content de ne pas savoir si Dieu existe ou non, mais il doit être en quête et percevoir le grand héritage de la foi ; le catholique ne peut pas se contenter d'avoir la foi, mais il doit être à la recherche de Dieu, encore davantage, et dans le dialogue avec les autres, réapprendre Dieu de manière plus profonde. C'est le premier niveau : le grand dialogue intellectuel, éthique et humain.
Ensuite, dans le domaine éducatif, l'Église a beaucoup à faire et à donner, en ce qui concerne la formation. En Italie, nous parlons du problème de l'urgence éducative. C'est un problème commun à tout l'Occident : ici, l'Église doit de nouveau actualiser, concrétiser, ouvrir son grand héritage à l'avenir. Un troisième domaine est la Caritas. L'Église a toujours ce signe comme signe caractéristique de son identité : celui de venir en aide aux pauvres, d'être l'instrument de la charité. La Caritas dans la République tchèque accomplit beaucoup dans les différentes communautés, dans les situations de besoin, et elle offre également beaucoup à l'humanité qui souffre dans les divers continents, donnant ainsi un exemple de responsabilité envers les autres, de solidarité internationale, qui est également la condition de la paix .
© Liberté politique n° 47, hiver 2009. Pour le texte original avec l'appareil de notes, se reporter à la version papier.