Résumé : Victime de la globalisation, la gauche elle s'est condamnée à la ringardise de la surenchère marxiste ou à l'alignement sur les politiques économiques de droite. L'adoption de ses valeurs sociétales par la droite a fait le reste.
Bio : *Essayiste. Dernier ouvrage paru : l'Antipolitique, Peut-on avoir une classe politique encore plus nulle ?, (Privat, 2007).
ON PEUT ETRE CHOQUE que Nicolas Sarkozy se soit évertué de débaucher un certain nombre de figures symboliques de la gauche pour en faire ses ministres ou leur confier une mission. C'est pourtant le jeu normal de la politique : De Gaulle alla chercher des ministres de gauche comme Edgard Pisani ou Edgar Faure, Giscard le tenta à son tour, avec moins de succès : il retourna néanmoins Jean-Jacques Servan-Schreiber. Mitterrand fit la même chose en sens inverse avec Jean-Pierre Soisson. Rien de nouveau dans tout cela.
Ce qui l'est en revanche est le succès étendu de l'entreprise, le nombre de personnalités de gauche qui ont répondu, d'une manière ou d'une autre, aux avances du chef de l'État : Kouchner, Strauss-Kahn, Rocard, Lang, Bockel, Védrine, sans compter Jouyet, Hirsch, Amara, etc. et tous ceux qui attendent l'arme au pied qu'on fasse appel à eux.
On peut voir là le signe d'une certaine dégradation des mœurs politiques et on n'aura pas complètement tort. Mais il faut y voir surtout la marque de la profonde crise que traverse la gauche. La défaite de Ségolène Royal a donné lieu à une abondante littérature qui commente cette défaite, le livre de Lionel Jospin en étant le dernier fleuron. Trop souvent cependant, ces ouvrages mettent en cause les personnes sans poser le problème de fond.
Or dans cette crise la qualité des hommes – et des femmes – n'est pas en cause : bien au contraire, on notera que c'est la gauche qui apporte ses ressources humaines à une droite, qui, à cet égard, paraît à court. Ainsi les Affaires étrangères se trouvent aujourd'hui entièrement entre les mains de transfuges de la gauche. L'épisode peu glorieux du ministère Douste-Blazy avait, il est vrai, montré le degré d'incompétence atteint en la matière par une certaine droite.
La crise de la gauche tient à un épuisement idéologique sans précédent et probablement sans remède. Faute de voir encore un avenir au Parti socialiste, ses figures les plus marquantes le quittent.
Dans cette crise, ce n'est pas, comme on le dit souvent, le succès du libéralisme qui est en cause. D'abord parce que ce succès est loin d'être complet : la multiplication des tensions sociales, l'existence dans plusieurs pays, comme la France, de volants persistants de chômage et de précarité, les lourdes incertitudes qui pèsent sur les marchés financiers et partant l'avenir de nos économies, tout cela montre que, malgré ses succès incontestables, le retour au libéralisme qui prévaut depuis vingt-cinq ans est loin d'être une réussite achevée. Précisément pour cette raison, il y a encore place pour des régulations étatiques ou sociales : protection sociale, services publics organisés, redistribution des revenus, réglementation hygiénique, environnementale, etc. Il n'est pas sûr au demeurant que malgré la vague de privatisations en cours en Europe, ces régulations soient elles-mêmes en recul : tous les pays souffrent d'une inflation réglementaire persistante et bien peu arrivent vraiment à maîtriser les dépenses publiques.
La mondialisation contre la gauche
Plus que le libéralisme en tant que tel, ce qui est en cause, c'est la mondialisation. Encore faut-il s'entendre sur le sens de ce mot dont aujourd'hui on use et abuse. La libre circulation de l'information à travers le monde, notamment sur la toile , qui avait tant fait pour ébranler le communisme ne touche guère, heureusement, les gauches européennes. C'est la seule globalisation économique qui est en cause : libre circulation des biens et services, des capitaux et, de plus en plus, des travailleurs. Cette globalisation suscite, qu'on le veuille ou non, un effet de vases communicants, entraînant entre les grandes zones du monde une contagion des inégalités et parfois de la précarité. Qui ne voit que la tendance naturelle du libéralisme mondialisé est l'alignement par le haut des inégalités mondiales ? La globalisation du marché de l'immobilier en est un signe parmi d'autres. La course au moins disant fiscal ou au moins disant social entrave les régulations de l'État providence, dont les partis sociaux-démocrates, même s'ils n'en avaient pas l'exclusivité, avaient fait leur fonds de commerce.
Encore cette globalisation n'aurait-elle pas eu tant d'effets si les grands partis de gauche avaient pu y faire obstacle.
Or non seulement ils ne l'ont pas fait, mais ils ont au contraire encouragé cette évolution, Parti socialiste en tête.
[Fin de l'extrait] ...
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