l'universalité humaine qui est perdu, le sens de l'altérité humaine — donc, la porte ouverte à la discrimination. Notre morale est devenue sacrificielle. Combattre la stérilité, éviter la naissance d'enfants anormaux sont de belles fins — mais les fins ne justifient pas tous les moyens.

L'embryon, pour la médecine, ne peut être qu'un patient, parce qu'il est un être humain et donc une personne.

 

III- L'ETHIQUE, LA LOI ET L'EMBRYON HUMAIN

 

La loi de 1994 relative notamment à l'" assistance médicale à la procréation " ne dit rien explicitement du statut de l'embryon humain : est-il une chose ou une personne ? Mais ses différents articles, auxquels nous avons fait allusion, permettent de dessiner ce statut tout en mosaïques, tout en contradictions : le zygote n'a pas le droit de vivre puisque la loi prévoit sa destruction, mais son intégrité doit être respectée ! En dépit des hautes références aux droits de l'homme et des incantations de nos législateurs, c'est le Conseil constitutionnel qui, finalement, a dit la vérité de cette loi : cette loi n'est conforme aux droits de l'homme que si et seulement si l'embryon humain... n'est pas un homme. En effet, pour le Conseil constitutionnel, cette loi a estimé que " le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie ne leur [les embryons in vitro] était pas applicable " . Cela signifie tout bonnement que les embryons humains in vitro ne sont pas des êtres humains et que " leur " vie humaine commence ultérieurement. Il n'y a donc pas à leur égard d'exigence de respect. En refusant au zygote le droit de vivre, le législateur récuse sa personnalité et, partant, l'exclut de l'humanité. Car, dans notre système éthique et juridique, il est insoutenable d'affirmer qu'un être humain n'est pas une personne (car l'accepter c'est rendre l'esclavage de nouveau licite). Le " syllogisme " est donc le suivant : tout être humain est une personne ; or l'embryon n'est pas une personne (il n'a pas même le droit de vivre) ; donc l'embryon ne doit pas être un être humain. La seule " solution " cohérente est d'exclure l'embryon humain aux premiers stades de l'humanité même et, ce faisant, de " tordre " les faits. Car le zygote humain est évidemment un être humain, dès sa conception, dès le commencement de sa vie. Que ce fait entre ou non dans nos intérêts ou contrarie ou non nos projets procréatiques n'y change rien.

 

Il est difficile d'imaginer que le législateur, après avoir tellement concédé, souvent en toute bonne conscience, à l'air du temps, soit capable d'une quelconque radicalité et revienne sur ce qu'il a déjà accepté et baptisé de l'onction de la loi. On peut en revanche espérer qu'il sera vigilant sur le clonage et, plus largement, sur l'expérimentation embryonnaire. Le principe n'est évidemment pas qu'il faudrait prohiber toute intrusion de la technique dans le zygote (la thérapie génique ouvre des voies intéressantes par exemple) mais que cette intrusion soit subordonnée au bien de l'embryon lui-même (et non pas à un intérêt nôtre, extérieur à lui). L'embryon humain serait ainsi traité en patient. C'est la seule manière de le traiter humainement.

 

V. B.