Le point de vue chrétien

 

Jusqu'à présent nous avons examiné la question du point de vue civil. Mais, sur un problème d'aussi grande portée, les chrétiens ont aussi quelque chose à dire.

Et c'est là ce qui nous tient plus particulièrement à cœur. En 1991, la réflexion chrétienne sur le phénomène des clandestins nous a invités à considérer qu'il n'est pas possible de pratiquer la charité en ignorant la justice. Aujourd'hui, cette même réflexion nous suggère quelque chose de plus. La conscience civile et religieuse de notre pays est prisonnière, entre " idéologismes " et " providentialismes ", d'un dangereux lieu commun, à la fois théorique et pratique : ce qu'on pourrait appeler le " bonisme ". Du point de vue civil et moral, il s'agit d'une fausse solidarité du fait que, en renonçant à la solution responsable des problèmes réels, au nom d'un bien et/ou d'un mal, on se soustrait à la responsabilité que l'on a envers un bien et/ou un mal plus grands. Du point de vue chrétien, c'est une caricature de l'amour.

L'Église, experte en humanité, en sa tâche de conduire les consciences sur les voies de la vérité et de l'amour, a le droit et en même temps le devoir d'affirmer, avec toute la clarté et la force dont elle est capable, que la justice, le respect de l'être humain, la solidarité et l'amour chrétien sont tout autre chose que le " bonisme ". Parmi ses nombreuses missions, l'Église a aussi celui de défendre et de promouvoir la culture de la légalité. Il est inconcevable que des citoyens qui se disent chrétiens se permettent, au nom de la foi, de se moquer de la loi. Entre autre, la défense et la promotion d'une culture de la légalité font partie intégrante du service de l'évangélisation, tâche propre de l'Église. La légalité est en effet une valeur morale, sociale, juridique sans laquelle la conscience civile ne peut saisir les questions fondamentales qui sont concernées par l'évangélisation.

Dans une telle perspective, l'Église a également le droit et le devoir soit de collaborer avec l'État pour produire des lois justes, soit de veiller attentivement à leur application correcte. En pratique, au nom de l'amour, l'Église ne peut se taire face aux exigences fondamentales de justice qui travaillent la société civile. Et précisément en ces mois où la situation d'urgence qui concerne les clandestins requiert, une fois de plus, que les bénévoles catholiques exercent une fonction de suppléance qui non seulement est au-dessus de leurs forces, mais qui de plus ne correspond pas pleinement aux intérêts généraux du pays, l'Église italienne a le droit et le devoir de veiller sur la conscience de ses forces les meilleures, les orientant de manière conforme aux exigences de l'amour chrétien et les préservant de l'usure inutile que le " bonisme " impose depuis des années à leur bonne foi et à leur bonne volonté.

Il faut dire en toute franchise évangélique tant à ceux qui sont engagés comme bénévoles qu'à tout Italien de bonne volonté, qu'il n'est pas possible d'être bon chrétien sans être en même temps bon citoyen, que la pratique de l'amour suppose et réclame la défense et la promotion de la justice ; enfin qu'aimer les plus petits au nom du Seigneur est tout autre chose que se laisser enfermer dans l'à peu près et dans le vague du " bonisme ". La disponibilité du bénévolat catholique est acquise à l'État pour organiser et gérer les centres d'accueil et de tri des clandestins (aspirants, déboutés, expulsés) institués dans les pays d'origine ou de transit de manière à organiser en Italie un accueil digne de ce nom. Si la conscience civile de notre pays ne parvient pas aujourd'hui à exprimer une telle volonté, la conscience chrétienne le fera, au nom de l'amour, de la justice et de la vérité, pour servir et le pays et les immigrés, en suggérant et en promouvant ce qui est le plus conforme aux intérêts réels des uns et des autres.

 

V. SP.

 

TRADUCTION ÉRIC IBORRA