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Le Christianisme à l'aube du IIIe millénaire

Le Christianisme à l'aube du IIIe millénaire
  • Auteur : Paul Poupard
  • Editeur :
  • Nombre de pages : 0
  • Prix : 0,00 €

Alors que la mondialisation, comprise au sens économique du grand marché mondial, s'impose comme la dimension nécessaire de tout débat sérieux à la mode, que l'on aimerait pouvoir faire lire le dernier essai du cardinal Poupard ! Celui-ci s'adresse aux chrétiens, mais bien au-delà, à l'homme contemporain qui cherche à libérer son regard sur le monde des grilles d'analyse habituelles.

Ce livre va au cœur des préoccupations essentielles de nos sociétés : questions religieuses, spirituelles, éthiques, en lien avec la culture, et comme autant de défis à relever pour la " nouvelle évangélisation ". Le cardinal Poupard est président du conseil pontifical de la Culture et du Dialogue avec les non-croyants depuis sa création par Jean-Paul II il y a 20 ans. Dès le début de son pontificat, le pape a qualifié le dialogue de l'Église avec les cultures de " domaine vital pour le destin de l'Église et du monde en cette fin de millénaire " . C'est dire l'intérêt de ce livre qui nous fait partager la réflexion mais aussi la vie d'un cardinal, dont la paroisse est l'univers des cultures qui nous permet de " prendre comme physiquement la mesure de l'universalité de l'Église " (p. 13). " De l'observatoire privilégié où la Providence a bien voulu me placer, je ne vois que pierres d'attente et points d'ancrage de l'Espérance. Dés lors, comment ne pas en témoigner ? " Tel est le sens de ces pages, mûries au fil des ans et des rencontres, à l'aube du IIIe millénaire " (p. 13).Raisons d'espérer" L'Espérance ", tel est le maître mot, le leitmotiv de ce livre et son plus grand bienfait pour nous car, comme le disait Frédéric Ozanam, souvent cité dans l'ouvrage, " le tort de beaucoup de chrétiens aujourd'hui c'est d'espérer peu. C'est, à chaque combat, à chaque obstacle, de croire à la ruine de l'Église. Ce sont les apôtres dans la barque pendant l'orage : ils oublient que le Sauveur est là au milieu d'eux ".Les Européens que nous sommes, bercés par le concept " d'ère post-chrétienne ", ont besoin de prendre conscience du " déplacement considérable s'opérant au sein de la catholicité " (p. 182) et de lire toutes ces pages où sont présentées, statistiques à l'appui, la vitalité et l'expansion de l'Église dans le monde : " Le nombre croissant de vocations dont témoigne le nombre de cardinaux en provenance des pays d'Afrique, Amérique Latine et Asie, considérés comme pays de mission, atteste que la mission venue d'Europe a porté ses fruits et que les jeunes Églises prennent la relève de leurs aînées et leur apportent l'enthousiasme des commencements et la ferveur des néophytes " (p. 228). Ils ont besoin d'avoir connaissance " des univers culturels qui s'ouvrent les uns après les autres au message de l'Évangile à l'aube du troisième millénaire " (p. 15). " Au Japon, la convertie Agaka Sono (épouse de l'ancien ministre de la Culture) aux romans d'inspiration chrétienne, trouve des lecteurs par millions : ainsi les Mains sales de Dieu qui évoque le drame spirituel de l'avortement " (p. 69).Les nouveaux défis " Espérance " ? Pour les pays de première évangélisation où se présente la nouveauté du christianisme, soit, dira-t-on. Mais les pays de vieille chrétienté ? C'est à eux surtout que s'appliquent les expressions de l'auteur citées plus haut : " pierres d'attente " et " points d'ancrage ". Après l'effondrement du marxisme-léninisme comme religion séculière et du positivisme rationaliste athée qui a perdu tout mordant intellectuel, de nouveaux défis sont à relever : d'une part celui des sectes et d'une nouvelle religiosité de type new age, la séduction des mystiques de l'Orient, l'attirance pour l'islam, d'autre part un athéisme pratique fruit du matérialisme ambiant qui fait vivre " comme si Dieu n'existait pas ". L'auteur évoque avec beaucoup de doigté mais aussi de netteté bien des erreurs dans la pastorale qui ont mené à la situation actuelle. De ce point de vue, l'analyse pénétrante concernant le Québec est totalement applicable à la France ; mais l'attrait, le bienfait de ce livre, c'est de montrer, toujours dans la lumière de l'Espérance, comment l'Église peut relever tous les défis du monde actuel si les chrétiens eux-mêmes redécouvraient à l'école des pères de l'Église, des saints et des mystiques l'essence du christianisme : la création de l'homme et de la femme à l'image et à la ressemblance de Dieu-Trinité de personnes qui s'aiment, révélée en Jésus-Christ, Dieu " qui s'est fait homme pour que par Lui l'homme devienne Dieu ". Or, de cette vision de l'homme " capax Dei " il n'y a pas rejet, il faut le dire, mais ignorance ; et pourtant, ce message pourrait combler les attentes, les aspirations spirituelles insatisfaites, notamment chez les " jeunes générations privées systématiquement de toute raison de vivre et d'espérer " .Si " les nouveaux mouvements religieux prospèrent sur un fond de déculturation et d'ignorance, dans un univers déstructuré " (p. 35), l'évangélisation à l'aube du IIIe millénaire requiert comme jadis pour le monde grec et romain une " païdéia ", mot grec qui veut dire à la fois " instruction, éducation et culture ". Ce thème, qui occupe le cœur de l'ouvrage du cardinal Poupard, fait l'objet de trois développements dont la richesse est telle qu'on peut à peine en donner quelques aperçus : 1/ " La liberté, pour quoi faire ? " ou comment notre époque est marquée par " l'hypertrophie des moyens et l'atrophie des fins ", comment " Dieu n'est pas le rival de l'homme mais le garant de sa liberté . "2/ " Science et foi : des relations nouvelles au seuil du nouveau millénaire " ou comment " science et religion se complètent et se conditionnent mutuellement ", comment " les sciences positives ne nous suffisent pas, car elles ne se suffisent pas " (p. 116), comment " la fausse apparence d'une contradiction ne peut provenir que d'une double confusion : ou les vérités de foi ne sont pas comprises dans leur vrai sens, ou de simples hypothèses sont imprudemment considérées comme des exigences de la raison " (p. 134).3/ " Le patrimoine culturel européen source d'inspiration pour l'imaginaire " ou comment celui-ci " s'offre à nous comme un prodigieux antidote contre le scepticisme et le relativisme réducteurs de la culture médiatique dominante ".Des saints et des martyresUn autre leitmotiv de l'ouvrage est le thème de la sainteté des hommes et des femmes " qui incarnent les mœurs de Dieu au cœur de l'histoire ", source sans cesse renouvelée de l'Espérance. Or, " les religions s'affaiblissent plus par la perte de leur capacité à susciter l'émerveillement que par leur difficulté à proposer des dogmes " (p. 23). Une des joies que donne ce livre précisément est de nous émerveiller devant l'extraordinaire diversité de richesse humaine et spirituelle des saints et des saintes qui ont façonné la culture de l'Europe dans tous les domaines et ont inspiré le génie des plus grands artistes depuis 2000 ans. Il y a là un réservoir d'inspiration non seulement pour des œuvres d'art à créer mais aussi pour proposer un humanisme enthousiasmant à nos contemporains, qui désespèrent de l'homme." Martyre, semence de chrétiens. " Cette loi, vérifiée depuis le début de l'histoire de l'Église, reste toujours actuelle comme en témoignent le martyre sanglant des moines de Tibhirine, et le martyre non sanglant auquel tout chrétien est appelé pour rendre témoignage à l'Évangile des Béatitudes de plus en plus ridiculisé par l'esprit du monde qui imprègne les médias.La culture " au sens anthropologique et vital du terme " est le champ d'apostolat du cardinal qui partage totalement avec Jean-Paul II le désir ardent de l'évangélisation de la culture mais aussi par la culture. On trouve ainsi dans ce livre des analyses très denses sur sainteté et culture, sur le lien entre la culture et les dogmes, la culture et le Mystère, sur le caractère désespéré de la culture contemporaine en lien avec l'athéisme " hiver du monde ", sur la différence entre islam et christianisme dans leur rapport avec la culture, etc.Bien d'autres richesses de l'ouvrage pourtant assez court (250 pages) ne peuvent être évoquées dans le cadre de cet article ; signalons seulement encore le thème de l'enfance angevine de l'auteur, souvent évoqué avec émotion, humour et poésie, et qui permet en contrepoint des autres thèmes du livre, d'apprécier les évolutions dans la société et dans l'Église.Pour ce livre que l'on peut très heureusement offrir à des amis incroyants en cette année du jubilé de la Rédemption, livre d'une grande densité intellectuelle et spirituelle mais aussi d'une grande beauté, et dont le charme d'écriture est tel qu'on peut le lire comme un poème en prose, merci monsieur le Cardinal.FRANÇOISE SEILLIERArticle paru dans "Liberté Politique" N°12


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