Nos coups de coeur
C’est un travail ambitieux auquel s’est attelé Éric Branca. Le directeur de la rédaction de Valeurs actuelles retrace une histoire des idées politiques, d’Homère à Jean-Claude Michéa. Ne pouvant être exhaustif, son ouvrage bute parfois sur des simplifications excessives. Mais l’ensemble est une passionnante chronique de l’histoire des idées qui ont mené le monde. Utile pour l’étudiant et stimulante pour l’honnête homme.
Eric Branca a le bon goût de présenter ses 3000 ans de manière chronologique. On saisit mieux l’enchaînement des idées, bien que certaines charnières dans l’histoire des idées ne soient pas détaillées. Le livre est divisé en « douze moments clés ». L’on regrette parfois que chacun d’entre eux ne soit pas un peu plus fouillés. La place de l’homme dans la société, et sa vision par les différents courants de pensée n’est pas toujours expliquée clairement. Voire pas du tout. Par exemple, il est difficile de comprendre le libéralisme si l’on n’insiste pas sur sa vision particulière de la société : un amas d’individus et un état qui se préoccupe simplement qu’ils puissent consommer sans entraves.
La profondeur sacrifiée sur l’autel de l’exhaustivité
De même, la fracture advenue au moment des Lumières est passée sous silence. Il s’agit pourtant d’un instant décisif dans l’histoire des idées. L’ordre social cesse d’être considéré comme naturel. Il devient une affaire de « contrat ». Avant, il existait un ordre naturel ou divin, évident. Après, il suffira simplement de se mettre d’accord sur cet ordre. Le bien et le mal seront décidés d’un commun accord, par le contrat social. Fin de la politique classique, naissance de la pensée moderne.
Celle-ci contient les germes des deux frères ennemis : le marxisme et le libéralisme. Qui poursuivent le même but : un monde où les individus peuvent agir sans contraintes aucunes, en fonction de leurs intérêts propres. Tout le contraire de la pensée classique, qui maîtrise le sens des limites, pour un bien commun toujours plus grand.
C’est peut-être le plus grand manque de l’ouvrage d’Éric Branca : vouloir ne rien oublier, au risque de trop rester en surface. Mais il s’agit d’un travail fouillé, sans doute mal servi par un titre un peu prétentieux. « Petite histoire des idées politiques » eut sans doute été mieux choisi. Et l’aurait rendu plus attirant, ce qui est visiblement son but. Ce qui ne doit pas remettre en cause le travail remarquable de synthèse, et l’érudition de l’auteur.
François de Lens
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