Le bilan du quinquennat de Nicolas Sarkozy
Sur le sujet du développement durable en général et de l'environnement en particulier, comme sur bien d'autres, le bilan du quinquennat de Nicolas Sarkozy ne doit pas se résumer à quelques formules à l'emporte-pièce dont il est coutumier. Alors que l'action de son gouvernement en matière de pêche maritime a permis d'éviter toute crise majeure dans un secteur pourtant confronté à un doublement du prix du carburant en moins de cinq ans, on se souvient surtout de son invective à l'égard d'un marin-pêcheur sur le port du Guilvinec en 2009. De la même manière, il serait injuste de n'appréhender la politique environnementale du Président sortant qu'à l'aune de sa déclaration malheureuse lors du Salon de l'Agriculture de 2010, fustigeant la trop grande place accordée à la défense de l'environnement.
Car, de fait, le bilan présidentiel et gouvernemental en matière de développement durable n'est pas mince. Il est vrai que le candidat Sarkozy avait pris un engagement en ce sens en signant, au cours de la campagne de 2007, le Pacte écologique de Nicolas Hulot. Ne pouvant pas instituer, aux termes de la Constitution, un Vice-Premier ministre en charge de ce secteur, il a néanmoins créé, dès le premier gouvernement de François Fillon, un ministère de l'écologie et du développement durable englobant, dans une seule structure, les compétences jusqu'ici réparties entre les ministères de l'environnement, de l'équipement et de l'industrie, avec le titre de ministre d'Etat pour son détenteur, Alain Juppé d'abord puis, après l'échec de celui-ci aux élections législatives, Jean-Louis Borloo a qui a succédé Nathalie Kosciusko-Morizet qui, pour avoir perdu le titre de ministre d'Etat, a toutefois conservé une place enviable dans la hiérarchie gouvernementale.
De fait, la première grande affaire du quinquennat a été le Grenelle de l'environnement, sorte d'Etats généraux de l'écologie, destinés à transcrire, dans la législation et les actes, de nouvelles dispositions et de nouvelles attitudes afin de donner corps et cohérence au développement durable. Le Grenelle de l'environnement aura d'abord été une méthode (au point d'être reprise dans d'autres secteurs d'activités) consacrant la gouvernance à cinq (Etat, collectivités locales, entreprises syndicats, associations de protection de l'environnement et d'usagers). Il s'agit en fait d'une véritable évolution conceptuelle de la prise de décision, l'Etat renonçant à son rôle d'arbitre pour devenir un partenaire comme les autres, la décision intervenant alors à l'issue d'un long processus afin de parvenir à un consensus entre les parties. Le consensus ainsi obtenu a permis d'énoncer 273 engagements transcrits dans trois textes de loi (loi d'orientation du 3 août 2009, loi portant engagement du 12 juillet 2010 et loi de finances de 2009), dont le premier, fait rarissime sur un tel thème traditionnellement polémique, a été adopté à la quasi unanimité des parlementaires. Trois grands objectifs ont ainsi été visés: anticiper l'ère de la rareté des ressources naturelles et énergétiques, consolider la croissance et l'emploi grâce aux investissements dans les énergies renouvelables et renforcer le pouvoir d'achat des ménages par les gains attendus de la rénovation thermique des logements. Plus globalement, le Grenelle de l'environnement a débouché sur la Stratégie nationale de développement durable pour la période 2009-2012 composée de neuf défis allant du réchauffement climatique à la prévention des risques en passant par la conservation de la biodiversité. Beaucoup considère que le Grenelle de l'environnement, tous sujets confondus, est la plus grande réussite du quinquennat. Reste, bien sûr, à porter théoriquement au débit de cette politique, l'abandon de la taxe carbone. Mais pratiquement, cette taxe, que Ségolène Royal avait qualifiée de « gabelle écologique », ne répondait pas, à l'évidence, à ses ambitions tout en constituant une ponction fiscale supplémentaire.
Soucieux de porter sa politique à l'échelle internationale, le Président a choisi comme premier rendez-vous la Présidence française de l'Union européenne au 2ème semestre 2008. Nicolas Sarkozy a accordé une grande importance à cette présidence qui a été très solennisée et dont l'environnement a constitué un volet notable. Son principal souci était de parvenir à un accord sur le paquet énergie-climat et il y est parvenu lors du Sommet européen de décembre à l'issue duquel les 27 Etats membres se sont entendus pour un objectif de réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon de 2020. Le Président, qui s'était investi personnellement pour arracher cet accord, n'avait pas caché sa joie après sa conclusion, déclarant alors: « Ce qui se passe est historique, il n'y a pas un continent au monde qui soit doté de règles aussi contraignantes que celles que nous avons adoptées à l'unanimité ». Cet accord avait surtout pour but d'entraîner les autres Etats du monde pour parvenir à un résultat aussi favorable lors du sommet organisé par l'ONU sur le réchauffement climatique à Copenhague l'année suivante. Las, les grandes puissances fortes contributrices en émissions de gaz à effet de serre, Etats-Unis et Chine en tête, n'ont pas montré le même empressement, de telle sorte que la conférence de Copenhague, en décembre 2009, avec un accord a minima, a été ressentie comme un échec.
Considérant qu'il n'est pas de grande ambition sans moyens correspondants, Nicolas Sarkozy s'est aussi attaché à doter sa politique environnementale d'une dotation financière à la hauteur. Outre les 19 milliards d'euros sur trois ans de la loi de finances pour 2009 destinés à financer les mesures du Grenelle de l'environnement, il a également inscrit l'environnement dans le grand emprunt présenté à la fin de cette même année, doublant ainsi les montants attribués à l'environnement tout en lui conférant, par là même, le statut d'investissement pour l'avenir. En remettant à l'emprunt, par nature remboursable, le financement du développement durable, certains esprits chagrins ou facétieux ont dit enfin comprendre le sens de la célèbre formule dont on ne sait plus si la paternité en revient à Antoine de Saint-Exupéry ou à Léopold S. Senghor: « Nous n'héritons pas de la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants »!
Quel bilan global convient-il d'établir à l'issue du quinquennat de Nicolas Sarkozy? La ministre de l'écologie et du développement durable, Nathalie Kosciusko-Morizet, de passage au 36ème Congrès de France Nature Environnement à Montreuil le 28 janvier dernier, a certainement tenu, à cet égard, le propos le moins contestable: "Avec le Grenelle de l'environnement, il est probablement le Président de la Ve République qui a le bilan le plus solide en matière d'environnement" a-t-elle déclaré devant la presse.
Les enjeux et les perspectives du prochain quinquennat
La période qui s'annonce ne devrait pas connaître de nouveaux enjeux par rapport à ceux qui sont déjà connus et qui ont été recensés dans l'actuelle Stratégie nationale de développement durable, à savoir: le changement climatique et les énergies propres, les transports et la mobilité, la consommation et la production, la conservation et la gestion de la biodiversité et des ressources naturelles, la santé publique ainsi que la prévention et la gestion des risques, l'insertion sociale, la démographie et l'immigration, les défis internationaux et notamment la pauvreté dans le monde, les défis liés à la société de la connaissance, qu'il s'agisse de l'éducation et de la formation aussi bien que la recherche et le développement, enfin, item devenu incontournable, la gouvernance et les territoires.
Face à ces enjeux, les différents candidats répondront en fonction du programme de leur parti. Sans entrer dans le détail de chacun d'eux, un aperçu a déjà été donné par l'exercice auquel sept candidats ont accepté de participer à l'invitation de France Nature Environnement, la plus importante fédération écologiste de France (3.000 associations), lors de son 36ème Congrès cité ci-dessus. Le plus attendu, François Hollande, a pu ainsi décliner une quasi-profession de foi "verte" deux jours après avoir présenté ses "60 engagements pour la France". Le candidat du Parti socialiste s'est engagé à "ouvrir une conférence environnementale" s'il était élu pour permettre "un dialogue environnemental au même niveau que le dialogue social". Il a également annoncé une "loi de programmation de transition énergétique" et rappelé son engagement à réduire de 75% à 50% la part du nucléaire dans la production électrique et la fermeture de la centrale de Fessenheim "dans le quinquennat". Avant lui étaient intervenus François Bayrou (Mouvement Démocrate), Eva Joly (Europe Ecologie Les Verts), Corinne Lepage (Cap21), Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche), Hervé Morin (Nouveau Centre) et Dominique de Villepin (République solidaire). La question du nucléaire, en débat depuis l'accident de Fukushima, a été le thème récurrent des interventions, Eva Joly et Corinne Lepage évoquant la sortie de l'atome. MM. Mélenchon, Morin et Villepin ont défendu l'idée d'un référendum sur l'énergie alors que M. Bayrou a qualifié le nucléaire d'"énergie de transition". L'Union pour un Mouvement Populaire (UMP), faute de candidat déclaré, n'a pas participé à ce "grand oral".
Au-delà des textes, des chiffres et des actions, on peut s'interroger sur les motivations profondes des candidats, déclarés ou non. Quelle société induit pour eux le développement durable? Comment se situent-ils par rapport à la distinction faite par les évêques de France, dans leur document de 2010 « la Création au risque de l'environnement », entre l'écologie de correction et l'écologie de fondation? Quelle place réservent-t-ils à l'homme dans cette construction? Il est difficile de le dire avec précision et certitude. S'agissant des candidats ouvertement écologistes, il est probable qu'ils soient plus ou moins marqués par l'idéologie de l'écologisme radical, pouvant se traduire par un anti-humanisme allant de l'anthropomorphisme appliqué au règne animal jusqu'à la volonté de réduire de manière drastique l'empreinte humaine sur la planète. Les autres candidats se situent davantage dans la perspective d'une écologie humaine ou humaniste, ce qui n'est pas forcément la même chose, l'homme étant dans le premier cas au cœur de la Création et dans le second au-dessus, avec toutes les dérives que cela peut engendrer. S'agissant du Président sortant et probable candidat, à défaut de connaître sa pensée intérieure, on peut toujours s'en remettre à celle de la ministre à qui il a confié d'appliquer sa politique environnementale. Alors qu'elle n'occupait pas encore ce poste, Nathalie Kosciusko-Morizet avait accepté, en 2010, de dialoguer avec Mgr d'Ornellas, archevêque de Rennes, sur le thème « Une écologie digne de l'homme ». A propos de l'inscription du principe de précaution dans la Charte de l'environnement, elle avait déclaré: « J'ai beaucoup tenu à ce que le lien y soit établi entre la défense de l’environnement et la défense de la vie humaine: il s'agissait de démontrer que nous n'avions pas deux combats distincts, qu'il ne s'agissait pas de protéger l'environnement en tant que tel, en soi, mais de protéger l'environnement parce qu'il est l'écrin dans lequel l'homme s'épanouit ». Une vision à laquelle on peut souscrire et dont on souhaite qu'elle soit celle du plus grand nombre des candidats. Comme l'a clairement indiqué Bernard Seillier lors du colloque « Le développement durable à la lumière de la doctrine sociale de l'Eglise » tenu à Nantes le 4 février dernier, le candidat crédible, en matière d'environnement comme sur les autres sujets, sera celui qui aura le souci que la loi positive soit conforme à la loi naturelle.
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