Nous sommes un noyau d’une trentaine de personnes venus d'horizons très divers. Interpellés en profondeur par les grandes mutations qu'appelle la période troublée que nous traversons, nous avons ensemble pris l'initiative d'un manifeste adressé aux catholiques, et au-delà bien sûr à nos frères chrétiens des différentes confessions (www.chretiensindignonsnous.org).
Nous pensons que la crise que nous vivons est un appel à nous engager explicitement pour que changent les structures de notre société. Les chrétiens sont porteurs d'une Parole de vie et d'une espérance qui doit leur donner l'âme de bâtisseurs audacieux et généreux. Le manifeste que nous avons rédigé, et que nous nous employons depuis novembre dernier à diffuser, va bien au-delà de l'indignation et de la dénonciation.
Il est un appel à convertir notre cœur et notre regard sur le monde, à transformer visiblement nos vies quotidiennes, et à nous engager publiquement en faveur d'une véritable alternative économique et culturelle. Trois mois après le lancement de notre manifeste, 450 sympathisants se sont exprimés officiellement et nous savons que notre appel circule abondamment sur la toile.
Beaucoup d’entre nous se sont convertis à la foi catholique à l’âge adulte. Pour tous, notre appartenance à l’Église et notre attachement indéfectible à la foi dans le Christ constituent le socle de notre engagement et le premier ciment de notre groupe.
Nous rejetons le clivage qui a divisé l'Eglise de France ces quarante dernières années entre "chrétiens de gauche" et "chrétiens de droite". Nous pensons en effet que cet esprit de parti, en plus d'être indigne du nom de chrétien, nous rend incapables de saisir les enjeux propres à notre époque, lesquels supposent que nous revisitions complètement les clivages traditionnels. Ce n'est pas tant le désir de nous établir contre un système que celui d'embrasser les défis de notre temps et de nous associer aux combats et aux souffrances des gens d'aujourd'hui, qui nous les font rejeter[1].
Nous affirmons que l'Eglise est riche d'un enseignement social et d'une expérience humaine et historique uniques qui nous autorisent et nous encouragent à poser sur la vie économique et sociale de notre époque un regard neuf et radical. Convaincus que la vision libérale de l'homme n'est pas compatible avec l'anthropologie chrétienne, nous explorons une voie qui nous paraît être en phase avec les exigences de notre foi et les défis que la crise nous oppose. La radicalité que nous revendiquons n'est pas une posture, elle exprime au contraire l'exigence de vérité qui nous anime, exigence à laquelle nous ferons face avec humilité et ténacité.
Nous souhaitons que les catholiques associés aux Églises chrétiennes se mobilisent avec toute leur foi et leur générosité, réaffirment le sens ultime de la vie à une génération laminée par le matérialisme, s’associent avec cœur et discernement aux mouvements qui promeuvent une écologie intégrale et pleinement humaine en y apportant l’espérance de l’Évangile, et reprennent pied dans le combat social en redevenant la voix des faibles et des petits.
François-Xavier Huard, pour le mouvement des Chrétiens indignés.
[1] C'est d'ailleurs ici qu'il faut comprendre pourquoi nous choisissons et assumons le terme d' "indignés". Les mouvements qui se réclament de ce qualificatif depuis plusieurs mois sont en effet à prendre avec le plus grand sérieux: les thèmes qui y sont défendus vont peu à peu s'installer dans les travaux quotidiens des gouvernements occidentaux des dix prochaines années.