Mais quelle mouche a donc piqué Jean Leonetti ? Dans un entretien coup de poing accordé au Journal du Dimanche, le rapporteur de la mission d'information parlementaire sur la révision des lois de bioéthique fustige le projet de loi du gouvernement qu'il juge trop timoré : Il faut en finir avec l'obscurantisme , lâche-t-il. Il est rare que le député UMP des Alpes-Maritimes se départisse à ce point du langage feutré et consensuel auquel il nous avait habitués. Le masque est-il en train de tomber ?

Premier objet de grief, le dispositif encadrant la recherche sur l'embryon retenu par le gouvernement. S'il plaide lui aussi pour le maintien symbolique de l'interdit de la recherche sur l'embryon, il souhaite permettre une bonne fois pour toutes la recherche sur les cellules souches embryonnaires . Comment cela ? En mettant à bas le système actuel de dérogations , assène-t-il.
Jean Leonetti demande tout bonnement de supprimer les conditions dérogatoires à la recherche sur l'embryon, pourtant déjà assouplies dans le récent projet. Il s'agit ni plus ni moins de libéraliser en toute impunité la recherche sur l'embryon, ce dernier étant réduit à un vulgaire matériau scientifique. Amputé de toutes parts, le principe d'interdiction n'est là que pour témoigner d'une éthique de façade qui entend abuser le profane. Je pèserai de tout mon poids, lorsque le projet de loi sur la révision des lois de bioéthique sera discuté à l'Assemblée nationale, pour faire entendre les inquiétudes des chercheurs , prévient-il.
Jean Leonetti se fait en outre l'avocat des spécialistes de la médecine de la reproduction, au premier chef du plus bruyant d'entre eux, le professeur René Frydman dont il approuve le dernier coup de force médical. Celui-ci a en effet contourné la loi pour faire naître en France les premiers enfants issus d'ovocytes congelés. Au risque de vous surprendre, j'approuve sa démarche. En fin stratège, ce grand scientifique qu'est René Frydman a flirté avec les lignes. Il demande donc d'autoriser sans tarder la vitrification ultra-rapide des ovocytes à l'instar de ce qu'a proposé Roselyne Bachelot.
Manier l'embryon
Pourtant, là encore, celui qui est pressenti pour remplacer la ministre de la Santé se démarque résolument du projet du gouvernement auquel il reproche de ne pas aller assez loin. Dans le collimateur du député UMP, un principe de précaution mal compris qui bride le perfectionnement des techniques d'assistance médicale à la procréation sous prétexte que la recherche sur les embryons destinés à naître est interdite.
Dans La Croix, il demande d' offrir aux chercheurs une liberté maximale pour leur permettre d'améliorer les conditions de fécondation – ce qui ne peut se faire qu'en maniant l'embryon. Le projet de loi ne fait en effet que permettre le recours à certains procédés comme la vitrification, alors qu'il faudrait une autorisation plus large pour permettre aux chercheurs de faire réellement évoluer les conditions de fécondation [...] .
Autrement dit, en préconisant de légaliser les expérimentations visant à améliorer les processus de fécondation in vitro et le développement embryonnaire en culture avant son transfert dans l'utérus, le député ouvre la possibilité de créer des embryons pour la recherche, et ce même si les scientifiques ne connaissent pas tous les dangers inhérents à ces nouvelles techniques. En matière de médecine, le risque zéro n'existe jamais se contente-t-il de répondre à l'objection.
Irresponsabilité
Revenant sur la technique de vitrification qui est au centre de toutes les polémiques aujourd'hui, Leonetti abat ses cartes. Il rappelle l'intérêt de cette méthode pour augmenter le stock d'ovocytes disponibles . Pour pallier la pénurie actuelle et inciter les femmes à donner leurs précieuses cellules, il propose une reconnaissance de la nation aux donneuses qui pourrait se traduire par une lettre de remerciement du président de la République pour avoir permis de faire naître des enfants sur le territoire français .
Tombant dans un discours qui côtoie l'irresponsabilité, il se déclare favorable au egg freezing : afin de libérer les femmes du carcan du vieillissement ovarien, il approuve l'idée que les femmes puissent mettre au frais leurs ovocytes quand elles sont au top de leur fertilité. L'idée est qu'elles puissent arrêter leur horloge biologique en attendant de trouver le géniteur idéal. Il suggère que ce stockage des ovocytes de convenance ne soit pas remboursé par la Sécurité sociale et que soit mise une limite de 45 ans avant utilisation. Pour le JDD, pas de doute, une nouvelle révolution sociétale est en vue.

 

*Pierre-Olivier Arduin est directeur de la Commission bioéthique du diocèse de Fréjus-Toulon.

Sources :
Anne-Laure Barret, Procréation assistée : la deuxième révolution , Le Journal du Dimanche, 7 novembre 2010.
Marie Boëton, Jean Leonetti relance le débat autour de la recherche sur l'embryon , La Croix, 8 novembre 2010.
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