Depuis une semaine, une tribune parue dans Valeurs actuelles et signée par de nombreux officiers de tout rang, destinée à réveiller notre pays et à secouer nos dirigeants, n’en finit pas de faire couler de l’encre.

Le texte serait resté relativement discret, si la gauche n’était montée au créneau, et en particulier, Jean-Luc Mélenchon, qui a pour l’occasion enfilé son costume favori de blanc chevalier défenseur de la démocratie contre la dictature fasciste. Le tribun gauchiste s’est ainsi fendu en l’espace de quelques jours de dizaines de tweets et déclarations horrifiées, donnant au texte des militaires un retentissement inattendu.

A en croire les pourfendeurs du texte, il s’agirait, ni plus ni moins, d’un appel à l’insurrection, presque un putsch avec pour arme le tranchant des mots. Les « charentaises » sont accusées de faire autant de bruit que les bottes : avec de telles formules, ils n’ont manifestement pas peur du ridicule. La publication du texte à quelques jours de l’anniversaire du putsch d’Alger leur donne des poussées d’urticaire. Mais depuis quand des putschistes informent-ils de leur envie de prendre le pouvoir par voie de presse ? Un tel soupçon est grotesque.

Pourtant, il n’y a rien que de très factuel dans la tribune de nos courageux officiers. Les termes sont alarmistes, mais la situation de notre pays ne l’est-elle pas furieusement ? Et encore, la tribune est parue avant que la pauvre Stéphanie Monfermé, de Rambouillet, ne se fasse trancher la gorge. Aujourd’hui en France, les professeurs ont la tête coupée, les policiers et les agents de l’Etat sont assassinés, l’ordre public a déserté des pans entiers du territoire, mais il serait interdit, à ceux qui ont pour mission de la défendre, de dire que la France est en péril.

La tribune fait mal et fait mouche car ses mots sont redoutablement bien choisis, et nous changent du discours consensuel que nous servent chaque année les journalistes sur l'armée à l'occasion du défilé du 14 juillet. Oui, notre pays bien-aimé se délite. Oui, il est gangréné par un antiracisme malsain, qui dresse les hommes les uns contre les autres, toujours au profit des mêmes victimes médiatiquement fabriquées et soigneusement entretenues dans leur vindicte destructrice. Oui, l’autorité est malmenée, et mal utilisée par un pouvoir qui a perdu le sens de sa mission. Tout cela n’est que profonde vérité, et les Français l’ont bien compris, eux qui plébiscitent, à près de 60 %, le contenu de la tribune. Abandonnés et esseulés, avec des dirigeants qui ne les dirigent plus, les Français ont su déceler dans l’argumentaire des chefs de l’armée de la nation le cap et la lucidité qui font tant défaut à ceux qui prétendent nous gouverner. Oui, un sursaut est nécessaire de la part de ceux qui ont été élus pour le bien commun mais qui pataugent lamentablement et accélèrent la décadence de la patrie. Le signal envoyé est lumineux, sans équivoque ; la voie pour les candidats à la présidence est toute tracée. Cette tribune a le mérite immense de clarifier le jeu.

Pour toute riposte, les journalistes, hommes politiques et ministres brandissent le fameux « devoir de réserve », dont les contours sont juridiquement insaisissables, et qui ne vaut qu’autant qu’il arrange le pouvoir. Cette formule fourre-tout ne signifie pas grand-chose, et notre histoire est toute pleine de militaires qui ont su, au bon moment, élever la voix pour rappeler aux politiques la voie du bon sens, de la raison, de l’intérêt supérieur de la nation. Un regard sur la conduite de la Première guerre mondiale nous rappelle que des échanges musclés ont opposé les militaires aux politicards radicaux aux commandes : la France, sortie brillamment du conflit, avec une République plus solide que jamais, ne s’en est manifestement pas si mal portée ! Fallait-il aussi mettre à la retraite le colonel de Gaulle quand, dans les années vingt et trente, il critiquait vertement la doctrine stratégique de ses supérieurs, et multipliait les ouvrages dans lesquels il exprimait son désaccord avec les choix des gouvernants ? Il est consternant de voir que le chef d’Etat-major, le général Lecointre, préfère fermer les yeux sur ces précédents glorieux et hurler avec les loups macronistes ou insoumis, qui voient dans tout uniforme un avatar du général Tapioca. Personne ne s'amuse à répondre sur le fond. Les réactions officielles suintent la peur, car nos politiques savent que la vérité est du côté de tous ces pétitionnaires, mais ils ne sont pas près à en assumer les conséquences.

Le nombre de militaires signataires ne cesse de grimper. Ce matin, le site https://www.place-armes.fr/, qui abrite officiellement la pétition, répertoriait plus de 18 000 soutiens. Il ne s’agit pas de 18 000 apprentis-dictateurs, ni de 18 000 adorateurs du général Boulanger. Cette tribune est bien plutôt le signe qu’un nouveau pallier a été franchi dans la descente de notre pays vers l’abîme : ceux qui ont pour mission de vivre pour lui et de le sauver de tous les dangers estiment donc qu’il est intégralement de leur responsabilité d’empêcher le naufrage, et ils ont raison de le faire.

En signant, certains d’entre eux risquent de tout perdre. Ils ont le courage de l’accepter, car ils savent que rien ne sera jamais aussi grave que de perdre la France. Qu'ils en soient remerciés.

Constance Prazel

Une pétition de soutien aux militaires a été lancée, vous pouvez la retrouver et la signer sur https://www.mesopinions.com/petition/politique/soutien-tribune-generaux/136588. Elle a d’ores et déjà dépassé le cap des 25 000 signatures.