Depuis longtemps déjà, la Hongrie et la Pologne sont désignées comme les mauvais élèves de l’Union européenne, et Bruxelles rêve de leur passer le bonnet d’âne en raison de leurs tentations nationales et conservatrices. Le dernier épisode de leurs relations houleuses avec les instances de l’Union vient confirmer cette tendance.

Lundi 16 novembre, les deux pays ont choisi de mettre leur veto à l’adoption du prochain projet de budget de l’Union européenne, pour la période de 2021 à 2027. 1 100 milliards d’euros sont en jeu dans le cadre du fonctionnement pluriannuel normal, auxquels viennent s’ajouter 750 milliards destinés au Fonds de relance spécialement conçu pour contrecarrer les effets de la pandémie.

La raison de leur veto est simple : Bruxelles a choisi de conditionner l’accès aux fonds européens au respect de « l’Etat de droit ». Une formule creuse et bourrée d’idéologie, comme l’Union européenne en a le secret. Il s’agit en fait d’un avertissement destiné à deux régimes que l’Union et ses dirigeants méprisent et rejettent, parce qu’ils refusent de se plier à la doxa européiste, faite d’immigration forcenée, de multiculturalisme délétère, et de progressisme moral. Bruxelles se cache derrière son petit doigt, et a tenu à rappeler à l’ordre Varsovie et Budapest pour de prétendus « manquements » à l’Etat de droit, notamment en matière d’indépendance de la justice ou d’équilibre des pouvoirs. En toute logique, Varsovie et Budapest répliquent devant cette basse manœuvre. Personne n’est dupe. Le ministre polonais de la justice est très lucide sur les arrière-pensées des technocrates européens : le critère d’Etat de droit n’est selon lui « qu’un prétexte, un beau mot qui sonne bien à l’oreille, mais il s’agit d’un asservissement institutionnel, politique, d’une limitation radicale de la souveraineté. » On ne saurait être plus clair : il s’agit d’une véritable guerre idéologique.

La Slovénie est venue apporter son soutien à la Hongrie et à la Pologne. Or le plan de relance, pour être adopté, a besoin d’un vote unanime. En l’état, par la décision de nos sympathiques fauteurs de troubles, il est donc bloqué, en particulier pour la France, qui attend ses 40 milliards destinés à éponger quelque peu sa gestion calamiteuse du virus.

Ce n’est pas un hasard si la Pologne et la Hongrie sont dans le viseur de l’Union européenne, alors qu’il y a quelques semaines, le candidat démocrate Joe Biden assurait, sans sourciller, qu’il s’agissait ni plus ni moins que de « régimes totalitaires ». L’internationale progressiste ne supporte pas l’idée que des Etats puissent refuser le carcan qu’elle cherche à imposer uniformément sur la planète, par le moyen d’une répression apparemment masquée mais implacable. Du coup, elle les attaque et les vomit. En retour, le signal envoyé par Orban et Morawiecki est extrêmement puissant : tout ne s’achète pas, et ils entendent rester maîtres chez eux, sans se faire corrompre par les milliards d’euros versés par l’Europe pour les obliger à être ce qu’ils ne sont pas.

La supercherie des accusations portées contre la Pologne et la Hongrie apparaît encore plus criante si l’on considère ce qui se passe depuis plusieurs semaines sur notre sol. En France en 2020, sous la férule d’Emmanuel Macron, on cherchera en vain les traces de respect d’un Etat de droit. C’est exactement l’inverse qui est en train de se produire. Chaque semaine apporte de nouvelles preuves de restrictions des libertés fondamentales, tant et si bien que même Le Monde et Libération arrivent à s’en alarmer : la liberté de circulation et la liberté d’entreprendre sont sérieusement entravées au nom des impératifs sanitaires, la liberté pédagogique est attaquée au profit d’une fausse lutte contre l’islamisme, la liberté de culte est piétinée, la liberté d’opinion soigneusement bordée par les censeurs, la liste n’en finit plus. Mais il n’y a là aucun sujet d’inquiétude pour Bruxelles : Emmanuel Macron, lui, a donné suffisamment de gages au système dominant pour ne pas être inquiété.

Les instances européennes ont une intention très claire : brider à tout prix la politique nationale-conservatrice des pays de l’Est de l’Europe qui vient contrecarrer leur projet mortifère. Mais comme ces Etats ne peuvent être purement et simplement exclus, il faut ruser. En attendant, pas de plan de relance. En raison du blocage slovéno-hungaro-polonais, il faut explorer d’autres voies : le plan pourrait faire l’objet d’un accord intergouvernemental excluant les mauvais sujets. Une combinaison techniquement lourde à arranger, mais possible. Traduction : Bruxelles envisage tout simplement, sur ce point précis, de revenir à du multilatéral négocié ! C’est donc déjà une première victoire pour les rebelles : ils ont brillamment prouvé que l’on ne peut impunément balayer d’un revers de la main la souveraineté des Etats.

Constance Prazel