La bataille des retraites a débuté. Jeudi dernier, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues pour dire non au projet de réforme du gouvernement. Une séquence qui redynamise les gauches et risque d’accentuer le conflit des générations.

Une mobilisation exceptionnelle

 

La première journée de mobilisation et de grève du jeudi 19 janvier a vu des centaines de milliers de Français descendre dans la rue. Les syndicats parlent de plus d’un million. Sans entrer dans un débat sur les chiffres, les images des cortèges sont impressionnantes et rappellent les premières mobilisations de décembre 2019, déjà contre la réforme des retraites.

Le ressentiment à l’endroit d’Emmanuel Macron n’est pas la seule raison de cette grogne : c’est bien le « sujet retraite » qui crispe. Déjà en 2010, Nicolas Sarkozy avait dû faire face à un mur et en 1995, c’est le plan Juppé qui avait fait l’objet de mobilisations massives. Le sujet agace toujours et pour cause, il affecte directement les travailleurs, leur âge de départ du monde du travail, le temps de cotisation. Un agacement matérialisé par les manifestations mais pas seulement. De l’autre côté, des travailleurs s’agacent aussi des privilèges considérés comme exorbitants d’une partie de la population.

 

La trop facile guerre générationnelle

 

Sans entrer dans un débat d’ordre technique, il apparaît évident que l’allongement de la durée de vie implique une durée de carrière plus longue. La nécessité d’avoir des règles du jeu différentes selon la nature des emplois semble aussi comme une évidence. Il s’agit là d’envisager la pénibilité et les risques inhérents à certains emplois. L’exemple type est celui de l’artisan au corps éprouvé par le labeur, des artisans qui d’ordinaire entrent plus tôt sur le marché du travail. D’autres métiers pourraient aussi être mis en avant, notamment celui de nombreux militaires qui risquent leur vie dans l’exercice de leur profession.

En toile de fond de la réforme, se joue une petite musique de plus en plus en vogue en France : celle de la guerre des générations. La prolifération de l’expression « boomer » depuis quatre années se fait l’écho de cet affrontement entre des générations. Les plus jeunes accablant leur aïeux d’avoir profité des fruits des Trente Glorieuses et d’avoir accédé à la propriété privée quand leurs aînés leur reprocheront leur inconsistance. Le combat éternel de la guerre des âges se trouve ainsi redynamisé par la crise économique.

 

La famille comme réponse

 

Si les questions d’ordre technique méritent des spécialistes, une grande oubliée de la réforme peut néanmoins être pointée du doigt : la famille. En effet, la retraite par répartition implique de s’appuyer sur les travailleurs actifs. La natalité devient ainsi un enjeu social majeur, une donnée qui échappe naturellement à Emmanuel Macron. Une famille de dix enfants donne ainsi dix cotisants pour les retraites. Les parents engagés dans l’éducation de famille nombreuses (aujourd’hui trois enfants) ne devraient-ils pas bénéficier d’avantages conséquents en matière de retraites ?  La fatigue engendrée par l’engagement familial, notamment des mères, ne pourrait-elle pas être prise en compte dans le coefficient retraite et dans le nombre d’années de cotisations ?

Autant d’éléments qui apparaissent comme légitimes mais qui ne sont même pas effleurés par le projet de réforme ou même par les partis politiques. Seule La Manif Pour Tous s’est emparée du sujet, rappelant que pour se tourner vers l’avenir, il faut compter sur les familles.