Dire du mal de Paris et des politiques centralisées est un sport national en France. Cela permet à l’occasion, pour un personnel politique bien introduit, de jouer la carte de l’enracinement.
Derrière ces marqueurs souvent très superficiels, se cache une réalité du pouvoir qui n’est finalement que très peu évoquée : l’absence de décentralisation.
«Mettre fin au parisianisme politique» : c’est l’accroche choisie par le Figaro pour évoquer le départ de deux députés Renaissance rejoignant le groupe Horizons d’Édouard Philippe à l’Assemblée nationale. Les deux élus font valoir que le parti de l’ancien Premier ministre « incarne une vision moins parisienne, plus décentralisée et connectée à nos besoins de terrain et à l’avenir des territoires ». A contrario, le parti présidentiel Renaissance serait très parisien. Si le constat peut s’entendre, il convient néanmoins de nuancer les récents élans d’affection pour la décentralisation.
Lorsqu’il était Premier ministre, Edouard Philippe n’a pas mené une politique particulièrement favorable à la décentralisation. Et pour cause, lorsque l’on atteint le sommet du cursus honorum ministériel, on rechigne souvent à vouloir fragmenter le pouvoir aux profits des fameux « territoires ».
Aujourd’hui, Edouard Philippe, candidat déclaré à la présidentielle de 2027, se place sur ce terrain de la décentralisation, c’est le cas aussi de son collègue des Républicains David Lisnard qui suscite un certain intérêt à droite. A gauche, les barons locaux pèsent au Parti socialiste et se verraient bien revenir en force à l’image de la présidente de la région Occitanie, Carole Delga. Ils jouent aussi la carte du « local ».
Vernis identitaire pour électeur naïf
Derrière le vernis identitaire de ces élus locaux qui jouent la carte anti parisienne, difficile de trouver des convictions décentralisatrices. Difficile tout d’abord parce que le millefeuille du pouvoir en Europe rend la répartition des compétences et les marges de décisions complexes. L’Union Européenne s’est attribuée des pans entiers de l’initiative politique. L’Etat vient ensuite imposer ses normes et lève l’impôt ; à l’échelon en-dessous, des régions, parfois bizarrement taillées, prennent leur part. Viennent enfin les départements et les communes. A l’heure des « simplifications » et des « clarifications », le schéma est illisible. Surtout, il semble bien que celui qui prend le pouvoir - et c’est compréhensible - ne veuille pas le lâcher. Si demain les chantres de la décentralisation suscités arrivaient aux manettes, on peut douter qu’ils cèdent une partie du pouvoir au niveau local. Quant à la question des prérogatives européennes, plus aucun parti ne remet en cause sa place dominante.
Un véritable projet de décentralisation permettrait, à moyen terme, des expérimentations politiques intéressantes. Il offrirait la possibilité d’expression de diverses sensibilités politiques du pays dans différents territoires et permettrait de juger sur pièce. Une telle disposition institutionnelle pourrait également permettre à l’Etat de se préoccuper du régalien et de grands projets plutôt que de s’échiner à traiter de sujets qui seront mieux gérés à l’échelle locale.
Olivier Frèrejacques
Président de Liberté politique
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