Les Journées mondiales de la Jeunesse s’ouvrent à Rio de Janeiro, au Brésil, au cœur de ce continent des déshérités qu’est l’Amérique latine. Et par un de ces signes formidables de la Providence divine, c’est un pape issu de ce même continent qui s’adresse aux jeunes du monde entier depuis ce nouveau centre de gravité de l’Église universelle.

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Le 22 juillet, ce fût l’arrivée du pape François, un jésuite à la spiritualité à la fois ignacienne et franciscaine, continuateur des grands missionnaires de la Compagnie de Jésus qui ont apporté la foi, l’espérance et la charité chrétiennes sur ce continent livré dès cette époque à bien des convoitises et à bien des injustices. Ce jour-là, on a pu méditer ce passage de l’Évangile selon saint Marc, où l’on voit et entend Jésus-Christ « parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui », dire ces mots d’une immense portée : « Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère. »

Au début de cette année 2013, arrivé à pied au Vatican depuis la gare de Rome, le pape François a cité lors d’une de ses premières interventions un écrivain catholique français, Léon Bloy, l’auteur sans concession du Sang du Pauvre, qui perdit deux de ses quatre enfants du fait de la misère et de l’injustice du sordide XIXe siècle. Polémiste volontiers féroce mais aussi écrivain d’une profondeur spirituelle abyssale, Léon Bloy acheva son Journal par une série d’observations intitulée « La Porte des Humbles ». Il évoquait « le royaume des pauvres volontaires, par choix et par amour », déclarant que « tout le reste est vanité, mensonge et idolâtrie »…

Quelques dizaines d’années plus tard, une missionnaire volontaire dans la banlieue ouvrière déchristianisée de Paris, Madeleine Delbrêl, qui mourra en 1960, écrivait ces lignes prophétiques : « Un jour viendra où nous autres chrétiens, nous n’aurons plus d’endroit où mettre les pieds. »

Pessimisme ? Pas forcément ! Car ce déracinement du christianisme d’Europe occidentale dans l’apostasie du XXe siècle annonçait peut-être un nécessaire pèlerinage, celui d’un réenracinement de l’Église, là où il se produit ces jours-ci, en Amérique latine, en particulier au Brésil, la patrie des paysans sans terre mais pas sans foi, pas sans espérance et pas sans charité. Notre christianisme essoufflé d’Occidentaux pourra y puiser de nouvelles forces spirituelles, comme il pouvait déjà en puiser voici trente ans chez les peuples martyrs d’Europe de l’Est, à l’heure du pape Jean-Paul II.

Mais il faudra que nous sachions passer par la « Porte des humbles ». À la suite de Benoît XVI, ce grand théologien et ce grand spirituel qui a su s’effacer pour laisser venir le pape François, tout en préparant la grande encyclique de ce mois-ci sur la « Lumière de la Foi ».

La Porte étroite de l’humilité, sous le signe de cette « Croix misérable, infiniment douloureuse », qu’invoquait Léon Bloy, dont le rayonnement en Amérique latine devait stupéfier un autre grand ténor catholique, Georges Bernanos, lors de son exil au Brésil à l’heure de l’humiliation de la France en Juin 1940 par un néo-paganisme guerrier.

Voilà bien des occasions de méditation avec le pape François, lui-même né parmi les humbles, et toujours resté proche des pauvres. Le lendemain de son arrivée, le 23 juillet, c'était la fête de sainte Brigitte, mère de huit enfants de la haute société suédoise qui, elle aussi, termina sa vie dans une pauvreté volontaire, après avoir contemplé les plaies du Christ Sauveur de l’humanité désemparée.

Denis Lensel