Il n’y avait pas grand-chose à attendre du gouvernement Barnier. Nous ne serons pas déçus. Avec une majorité de ministres macronistes et quelques cautions venues de la droite LR, le nouveau Premier ministre a composé avec les moyens du bord. Une question est désormais sur toutes les lèvres : combien de temps cet arrimage centriste peut-il tenir ?
Un jeu d’équilibre qui accouche d’un compromis
Les négociations entre le Premier ministre et le président ont duré, quitte à agacer les oppositions ; comme à son habitude, Emmanuel Macron a lancé des « ballons d’essais » pour faire valoir des candidatures et finalement le gouvernement a pris forme avec une majorité de macronistes puis des Républicains et d’autres personnalités de diverses chapelles centristes. La « caution de gauche », Didier Migaud, a été nommée à la Justice. Socialiste converti à l’austérité budgétaire, il n’est pas représenté dans cet aréopage centriste.
Rachida Dati maintenue à la culture, Catherine Vautrin qui a trahi la droite sur l’euthanasie, garde un portefeuille, il n’y a finalement pas vraiment de surprises dans ce nouvel exécutif. Seule la présence du président du groupe Les Républicains au Sénat Bruno Retailleau a émoustillé la gauche. Réputé vaguement conservateur, celui qui fut longtemps un villiériste a pourtant largement reculé affirmant notamment ne pas être personnellement contre l’avortement à l’occasion du débat sur la constitutionnalisation de l’IVG. Considéré comme intransigeant sur la question migratoire, il ne pourra rien faire, coincé entre les députés du président et le Conseil constitutionnel. Il signe peut-être ici le plus gros retournement de veste de la rentrée après avoir affirmé publiquement qu’il ne participerait pas au gouvernement il y a seulement quelques semaines.
Sur le « régalien », Macron joue la continuité aux affaires étrangères et aux armées avec Jean-Noël Barrot et Sébastien Lecornu.
Le gouvernement Barnier a pour particularité de ne pas vraiment plaire chez les macronistes, d’inquiéter chez les Républicains qui risquent gros, et de déplaire aux oppositions.
Seule éclaircie, l’arrivée du député du Bas-Rhin LR Patrick Hetzel à l’Enseignement supérieur et à la recherche. Un homme intelligent aux valeurs chrétiennes chevillées au corps.
Sous surveillance de Marine Le Pen… et de Gabriel Attal
Si Marine Le Pen avait prévenu qu’elle entendait placer le gouvernement Barnier sous surveillance avant même de savoir qui seraient les ministres qui le composeraient, Gabriel Attal, prédécesseur devenu chef de file des députés macronistes a tôt fait de la suivre. Ce dernier, peut-être plus motivé par un élan communautaire que par l’intérêt national, a réclamé des gages à son successeur sur les questions dites « sociétales ». Michel Barnier s’est rapidement plié en quatre devant son jeune allié affirmant : « qu'il n'y aura pas de retour en arrière sur la PMA, le droit à l'IVG, les droits LGBT », évoquant même « des grandes lois de liberté, de progrès social, sociétale, qu’il s’agisse de la loi de Simone Veil, du mariage pour tous, ou de la PMA dans les dispositions de 2021, elles seront préservées ! ».
La vigilance anti-conservatrice avait déjà fait son œuvre en amont avec la tentative d’application d’une censure à l’endroit de la sénatrice Laurence Garnier accusée d’être pro-famille et qui a finalement obtenu le portefeuille de la consommation. Le journaliste du Figaro Paul Sugy voit dans cette campagne une volonté « d'envoyer un message […] à tous ceux qui défendent des positions conservatrices ». Et alors que les macronistes faisaient la chasse aux conservateurs, la gauche mélenchoniste et ses remorques du Nouveau Front Populaire évoquaient carrément « l’extrême-droitisation » du macronisme dans une course à l’exagération pour le moins ridicule.
Acculé sur sa gauche et sur sa droite, le nouveau gouvernement semble condamné avant même d’avoir commencé à exercer le pouvoir. La participation des Républicains au pouvoir Macron après un ralliement massif des socialistes en 2017 pourrait compromettre durablement les LR déjà affaiblis par la poussée inexorable du RN et la défection d’Éric Ciotti qui voit aujourd’hui ses anciens collègues lui donner raison. Après déjà 7 ans de pouvoir du président et une situation déplorable, s’infliger une participation au gouvernement semble relever du suicide politique.
Olivier Frèrejacques
Président de Liberté politique
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