Du jamais vu ou presque : Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur en titre, a décidé de se joindre à une manifestation de policiers se tenant demain devant l’Assemblée nationale, dont l’objectif est de demander davantage de sévérité et d’automaticité dans les peines destinées à ceux qui agressent les forces de l’ordre. Malheureusement, il y a longtemps que l’on sait qu’en France, le ridicule ne tue pas, l’indécence non plus.

Les policiers français, rudement malmenés depuis de trop longues semaines, n’en peuvent plus. Jouet du pouvoir, ils doivent assumer des ordres iniques galvaudant l’autorité de l’Etat, sans avoir ni la reconnaissance du peuple, ni le soutien du sommet de leur hiérarchie. Ils reçoivent l’injonction de taper sur les gilets jaunes, de verbaliser pour non-port du masque, et en retour, ne font que gagner le privilège de servir de cible à une racaille qui ne recule devant rien et les conduit à la mort par tous les moyens : le couteau, le feu ou les balles.

Dans ces conditions, il est donc bien naturel qu’ils sortent, eux aussi, de leur « devoir de réserve » pour réclamer le plus élémentaire : le droit à la sécurité de leur personne, le respect de leur fonction et de leur uniforme, le droit à la vie tout simplement.

Qui sont les responsables de la tourmente dramatique dans laquelle ils sont emportés ? Personne d’autre que nos dirigeants, les locataires de l’Elysée, de la place Beauvau ou de la place Vendôme. Ils ont fait le choix de l’instrumentalisation des forces de police pour servir leur projet politique délétère, de la critique systématique des valeurs d’autorité et du laxisme judiciaire, tout cela sur fond, évidemment, de politiques migratoires irresponsables. Un cocktail détonnant dont on ne connaît que trop bien les effets.

Il est donc plus que piquant, pour ne pas dire scandaleux, de voir un sinistre pompier pyromane, Gérald Darmanin, jouer les offensés et venir défiler aux côtés de ceux qu’il a soigneusement contribué à enfoncer dans la fange. Qu’espère-t-il par un tel geste ? Se racheter une bonne conscience à peu de frais ? Détourner les critiques de sa personne, en coupant l’herbe sous le pied des manifestants, qui seront bien embarrassés de l’avoir à leurs côtés ? Afficher sa « solidarité » avec ceux qui souffrent, une jolie formule qui n’engage à grand-chose ?

La vérité est ailleurs : tous les partis ou presque seront représentés à la manifestation, y compris et surtout le Rassemblement national. Impensable, donc, pour Darmanin et Dupont-Moretti, qui sera là lui aussi, de laisser le terrain libre, alors qu’ils font campagne tous deux dans les Hauts-de-France contre « l’hydre fasciste ». Une basse manœuvre politicienne, une de plus, sur le dos de ces policiers qui méritent davantage de considération.

Quoi qu’il en soit, par principe, une manifestation est toujours destinée à fustiger l’impuissance de ceux qui gouvernent. En y participant, Darmanin prend acte de cette impuissance. S’il en tirait toutes les conclusions qui s’imposent, il démissionnerait !

François Billot de Lochner