Véronique Besse

Cet été, www.libertepolitique.com rencontre les députés de l’opposition et tente de comprendre avec eux la nouvelle donne politique, les leviers de pression et les moyens d’action à sa dispositon. Cette semaine, entretien avec Véronique Besse, député de Vendée, membre de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Transcription de l'interview vidéo :

Vous êtes intervenue devant vos pairs à la suite du discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault en l’accusant notamment de procéder à la « déstructuration de notre société à grand renfort de promesses et de vieilles lunes ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Je crois que Jean-Marc Ayrault et tout son gouvernement ont compris qu’il n’y avait plus beaucoup d’argent dans les caisses. Ils ont donc décidé d’entreprendre et de programmer des mesures et des réformes qui ne coûtent pas cher mais qui sont complètement dans la démagogie. Par exemple avec le mariage homosexuel, l’adoption des enfants, le vote des étrangers, etc… Ce sont des mesures démagogiques. Le gouvernement fait du clientélisme par ce biais là. Et ça va lui permettre d’asseoir pour un temps tous les pouvoirs puisqu’il fait ainsi le jeu du communautarisme en répondant à des intérêts particuliers – des intérêts clairement ciblés au détriment de l’intérêt national.

Je le déplore et c’est pour cette raison notamment que je suis intervenue dans le cadre de la déclaration de politique générale.

Justement, dans le programme de François Hollande, il y avait plusieurs éléments de nature à inquiéter car directement en contradiction avec la loi naturelle. Vous en avez cité quelques uns. C’est par exemple le mariage et l’adoption pour tous, l’euthanasie, la recherche sur les cellules souches embryonnaires, autant de mesures que le gouvernement entend bien mettre en œuvre très rapidement. Dans la nouvelle donne politique, de quels moyens dispose-t-on pour s’opposer à de tels projets ?

En fait, pour reprendre un petit peu ce que j’ai dit la semaine dernière, ils souhaitent effectivement faire du clientélisme et de la démagogie avec une petite loi pour la communauté homosexuelle, une petite loi pour les étrangers, une petite loi pour le lobby de l’euthanasie, des garanties aussi pour les syndicats de fonctionnaires en promettant qu’il n’y aura pas de baisse d’effectifs, une mesure aussi symbolique avec l’augmentation du smic etc … Autant de cibles bien préparées.

Alors comment peut-on s’opposer à tout ça ? Il faut intervenir à l’Assemblée nationale – ce que j’ai fait l’autre jour – ; essayer de faire du lobbying auprès de mes collègues de droite pour qu’on puisse vraiment être très déterminés, être très mobilisés et intervenir le plus possible au niveau national et au niveau local – je crois qu’il ne faut pas négliger l’échelon local – ; et puis essayer de montrer, notamment aux Français, que tous ces sujets sont très sensibles et que ce sont des sujets qui vont complètement détériorer les bases de notre société.

C’est un travail à la fois pédagogique qu’il faut faire auprès de la population mais aussi un travail plus politique auprès des députés de droite. Et moi je compte bien faire ce travail au niveau de l’Assemblée nationale.

En fait d’opposition politique, l’UMP est un peu embarquée dans une guerre des chefs. Plus profondément, comment est ce que la droite peut se construire ou se reconstruire aujourd’hui en tant qu’opposition face à une gauche qui est hégémonique ?

Je crois tout d’abord que la droite ne doit plus avoir peur de dire ce qu’elle est ! Elle ne doit pas se soumettre idéologiquement à la gauche. Elle doit défendre ses valeurs plutôt que de s’aligner sans cesse sur celles de la gauche. Ça c’est la première chose.

Il faut également arrêter la guerre des chefs. Les Français ne veulent plus de ça. On sort de différentes élections qui l’ont prouvé. Ils veulent plutôt un combat sur les idées. La guerre des chefs, c’est reparti avec la présidence de l’UMP et les Français en ont ras-le-bol si je puis dire. Il faut donc vraiment que nous soyons sur le terrain des idées. C’est comme cela que nous gagnerons les futures élections. Il faut être tout à fait décomplexé et dire haut et fort les valeurs, les convictions dans lesquels on croit.

Je crois qu’aujourd’hui la droite est beaucoup trop frileuse, elle a peur même si, au fond, moi, je vois bien à l’Assemblée nationale qu’il y a beaucoup de députés qui partagent le même point de vue, qui partagent tout à fait ce que j’ai dit par exemple dans la foulée de la déclaration de politique générale de M. Ayrault et qui n’osent  pas l’exprimer parce qu’ils ont peur que leur électorat ne soit pas d’accord. Mais c’est tout le contraire. Je le vois bien sur le terrain. Je suis beaucoup sur le terrain dans ma circonscription en Vendée et, au contraire, la population attend qu’on soit très déterminé, qu’on ait des vraies convictions de droite et qu’on les affiche.

Quand je dis qu’on doit être décomplexé, c’est vraiment ça. Il faut qu’on soit très déterminé. Qu’on affiche nos valeurs, nos convictions. Qu’on soit fier de défendre tous ces points de vue. Il faut refonder la droite sur les idées avant de la refonder sur des chefs dont on ne sait d’ailleurs pas quelles sont les différences, hormis quelquefois des différences de style. Et si on ne combat pas la gauche sur le plan des idées et des réformes, on est alors dans une position qui est défensive et qui explique la progression de la gauche à toutes les élections.

Et puis bien sûr il faut que la droite fasse confiance – c’est un autre enseignement des derniers scrutins – à une nouvelle génération d’élus et de candidats enracinés dans les territoires. Il ne faut pas seulement raisonner en terme national mais aussi en terme local. C’est très important parce que moi je suis vraiment convaincu qu’on ne peut défendre bien les préoccupations de la population que si on les comprend, que si on côtoie nos électeurs au quotidien. Ça ne se passe pas à Paris tout ça, ça se passe sur le terrain. Et il faut, pour défendre ces convictions, pour défendre ces idées, être très en phase avec ce qu’attend la population. Il faut aussi pouvoir exprimer nos idées, expliquer tel ou tel point de vue à la population en étant très enraciné et le local compte évidemment beaucoup. Il n’y a pas que le national, tout ne se passe pas à Paris !

Vous dites que la droite doit se reconstruire sur le terrain des idées mais l’UMP rassemble un nombre assez incroyablement important de courants. Est-ce que vous pensez que certaines idées pourraient unifier la droite et quelles seraient elles ?

Je crois qu’il faut avoir encore le courage de ses convictions. Ce que proposait dans la dernière législative la droite populaire était tout à fait intéressant, c’est-à-dire être notamment très ferme sur tout ce qui touche à la famille. Par exemple, dire haut et fort que, quand on est à droite, on est contre le mariage homosexuel, on est contre l’adoption des enfants par des couples homosexuels, on est contre le vote des étrangers. Ça ne ferait pas l’unanimité à cent pour cent mais la grande majorité des parlementaires de droite partagent ces idées. Donc il y a des thèmes très généraux sur lesquels on peut se retrouver. La famille, je viens de le dire, la nation, c’est très important aussi, le travail et puis tout ce qui touche aux droits et aux devoirs. Ce sont des thèmes sur lesquels la droite peut se retrouver. Malgré tous les courants qu’il y a à l’UMP je crois que si on se réunit sur ces thèmes là qui sont des thèmes fondamentaux, des thèmes de la droite, on pourra soulever des montagnes.

La semaine dernière, M. Peillon a lancé une consultation nationale sur la refondation de l’école de la République. Qu’est ce que vous préconisez en la matière ?

Je crois que M. Peillon ne s’attaque pas aux vrais problèmes. Il ne fait qu’agiter des débats secondaires, par exemple sur le rythme scolaire. C’est de la poudre aux yeux. On ne touche pas aux problèmes de fond.

Le cœur du sujet ce n’est pas de savoir si la semaine doit être de quatre jours ou s’il faut deux semaines de vacances à la Toussaint. L’essentiel c’est la transmission des avoirs fondamentaux et le respect de l’autorité. Il faut avoir le courage de toucher au vrai problème de l’Education nationale aujourd’hui.

Pourquoi 40% des jeunes qui rentrent en sixième ne savent ni lire ni écrire, ni compter correctement ? C’est dramatique ! Il faut se pencher sur les vrais problèmes de l’éducation  nationale et se demander pourquoi les enfants n’apprennent pas aujourd’hui les fondamentaux. Tout élève à la sortie du primaire doit savoir lire, écrire et compter ! C’est la base de la réflexion.

Il faut revenir aux méthodes qui ont fait leurs preuves et mettre fin au pédagogisme. Ce n’est pas une question de moyen mais seulement une question de volonté politique. Il faut s’attaquer au nerf de la guerre si je puis dire et la question du contenu des manuels a vraiment toute son importance.

Les programmes doivent se concentrer sur l’essentiel, notamment en Français et en Histoire. La priorité ne me semble pas par exemple d’enseigner les langues étrangères dès le primaire au détriment de l’histoire de France. On aura tout le loisir d’enseigner les langues étrangères un peu plus tard aux enfants ou les civilisations anciennes. Il faut se recentrer sur les fondamentaux.

Pour le secondaire, il faut aussi favoriser la rencontre des lycéens avec le monde de l’entreprise, notamment avec l’apprentissage qui donne, on le sait, de très bons résultats en matière d’insertion sur le marché du travail.

Il faut arrêter de mettre les enfants sous cloche en leur faisant miroiter qu’avec un certain nombre de nouvelles matières, ils vont être très forts. Je crois qu’il faut se concentrer sur les bases, sur les fondamentaux et les préparer aussi au monde du travail parce que, quand on sort aujourd’hui avec le bac en poche, on est très content d’avoir eu le bac mais on a rien en poche. Il faut donc vraiment retravailler aujourd’hui tout ce système éducatif en se recentrant une fois encore sur les fondamentaux et s’attaquer vraiment aux vrais problèmes de l’Education nationale. Ce n’est pas un problème de moyens, c’est un problème de fond.

Justement, ce type de démarche du gouvernement, est-ce que ce n’est pas l’occasion pour les Français de faire entendre leurs revendications ?

Si. Les Français sont conscients qu’il y a vraiment un problème. Quand ils voient les enfants en sixième qui ne savent ni lire, ni écrire, ni compter correctement, ils voient bien qu’il y a un vrai problème. Et à côté de cela, ils ont des notions d’anglais. C’est un peu ridicule.

Les Français en ont conscience je pense mais ils sont un peu démunis. Que faire ? Ils n’ont pas forcément les manettes pour rétablir les choses et ils font confiance en leurs femmes et hommes politiques. Mais évidemment, avec la gauche au pouvoir, c’est un peu plus compliqué dans la mesure où ils vont s’attaquer au vernis, à ce qu’on voit, mais pas aux vraies causes.

Je pense qu’on est encore parti pour former des générations et des générations malheureusement d’enfants qui sauront peut-être parler anglais en rentrant en sixième mais qui ne seront ni lire ni écrire et parler correctement français.

Le gouvernement a lancé la grande conférence sociale hier. Vous-même vous êtes membre de la Commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale. Comment est-ce que vous analyser les intentions du gouvernement dans ce domaine ?

Je pense d’abord que pendant ces deux jours de conférence sociale, ils vont accoucher d’une souris. Là aussi c’est beaucoup, beaucoup de communication pour sortir peu de réforme. La marge de manœuvre, elle, est très faible.

Effectivement, on parle d’augmentation de la CSG, mais je pense surtout que ce sont les ménages les plus modestes – pas les trop modestes ni les trop riches mais toujours la tranche intermédiaire – qui vont encore être frappés de plein fouet et qui vont être taxés avec tout ce qu’on veut bien nous annoncer qui n’est pas encore officiel. Les choses vont dans ce sens là.

Je pense que, effectivement, quand on voit tout ce qui est prévu pour les entreprises, on va casser cette dynamique économique avec la taxation sur les ménages, avec la CSG notamment, on va casser aussi le pouvoir d’achat des ménages etc … On prend une fois de plus les mauvais moyens pour y arriver. Si on veut une relance économique, il ne faut pas s’y prendre comme ça.

La hausse de la CSG, pourquoi pas, mais c’est encore une augmentation des prélèvements obligatoires et donc, qui dit prélèvement obligatoire dit un pouvoir d’achat qui va se réduire.  La relance économique, ce n’est pas demain qu’elle va arriver. Ce qu’il faut faire, ce qu’il faut vraiment réaliser dans les semaines et les mois à venir, c’est la baisse des dépenses. C’est ça le problème. Ce n’est pas en augmentant les prélèvements obligatoires qu’on va y arriver, c’est en baissant les dépenses.

En gros, on prend le risque de faire disparaître la classe moyenne française…

Oui. C’est celle qui n’a droit à rien en fait et c’est elle qui souffre en silence, qui ne dit rien. Parce que les plus démunis, ils ont pas mal de choses et puis on le voit encore avec l’AME et le problème des trente euros qui vont disparaître  pour les étrangers, au détriment des Français qui doivent se faire soigner aussi chez eux en France. Je prends juste un exemple comme ça.

Les plus faibles, les plus démunis, ont pas mal de choses à leur portée. Ils sont bien accompagnés avec un certain nombre d’allocations et on va en rajouter – pourquoi pas. Les plus riches, on va les taxer – ça c’est sûr ! – mais ils s’en sortiront toujours parce qu’ils ont des ressources. Mais les ménages les plus modestes, entre les deux, ceux qui n’ont droit à rien car ils sont toujours dans la tranche au dessus ou dans la tranche au dessous, c’est eux qui vont souffrir le plus et qui vont continuer à payer pour les autres.

On va créer des clivages entre Français, qui existent un petit peu déjà mais là, on les accentuent et c’est vraiment dommage.

Toujours dans le domaine économique et fiscal, est ce que vous ne craignez pas que le  discours sur la croissance qui prédomine actuellement et la politique fiscale du gouvernement Ayrault étrangle davantage les entreprises françaises en manque de compétitivité ?

Sur le discours du gouvernement, ma réponse est assez simple. En ce qui concerne l’économie, la fiscalité, ce que propose le gouvernement, c’est freiner la croissance et la compétitivité de l’entreprise, freiner le développement de l’emploi, freiner la consommation. Le gouvernement prévoit une hausse d’impôts de 7,2 milliards cette année qui s’ajoute aux 22 milliards de hausse prévus par le budget initial. La  hausse sera d’un peu plus de 13 milliards en 2013. C’est la fuite en avant : on y va, on dépense, on ne fait pas forcément très attention à tout cela, on taxe les entreprises qui veulent investir, on freine la consommation, donc l’emploi.

Je crains que la rentrée de septembre ne soit catastrophique. Rien que chez moi, quand on écoute les chefs d’entreprises – et je suis dans une région très dynamique économiquement parlant – je peux vous dire que la rentrée va être très très difficile.

En réalité, c’est sur les ménages et sur les entreprises que va peser le poids des réformes, avec notamment la taxation de l’épargne salariale (on passe à 20% au lieu  de 8%), la fin de l’exonération de cotisations des heures supplémentaires – ça c’est dramatique, ça permettait de relancer la consommation : les gens en parlent beaucoup car c’est catastrophique cette mesure –, la hausse de l’ISF – ça freine les investisseurs et donc la création d’emploi –, le relèvement des droits de succession – là aussi c’est une mauvaise mesure – et puis le maintien du nombre de fonctionnaires ça plombe le budget de l’État quand même.

On nous annonce beaucoup de choses mais je crois qu’on va dans le mur et c’est ce que j’ai dit à M. Ayrault. Ils nous entraînent vers le désastre et le mot n’est pas trop fort.

En cette fin d’année électorale chargée, comment les femmes et les hommes désireux de s’engager en politique pour continuer de défendre leurs valeurs et leurs idées peuvent-ils occuper le terrain local et influer sur la politique nationale ?  

Je crois qu’il a déjà besoin de réconcilier la population, les Français, avec leurs femmes et leurs hommes politiques. Le  fossé se creuse de jour en jour, on l’a vu avec les différents scrutins.

Qui dit réconciliation dit transparence, honnêteté, proximité, efficacité. Les Français attendent ça de leurs hommes politiques. Ils veulent nous voir sur le terrain donc ça passe par le local. Je suis une convaincue du local et du terrain parce que je le vis au quotidien et je vois bien que c’est ce que les gens attendent. Evidemment il faut qu’on soit à Paris. Quand on est parlementaire, on se doit de siéger à Paris mais il faut aussi être beaucoup sur le terrain pour que les Français comprennent qu’on est à leur écoute, à leurs côtés.

Qu’est ce que disent aujourd’hui les Français ? D’un côté, la classe politique qui n’en fait qu’à sa tête et nous, sur le terrain, avec nos difficultés, nos soucis du quotidien, personne n’entend la galère que l’on vit parfois. Le terrain plus que jamais, il faut vraiment qu’on soit très en phase avec les préoccupations des Français, qu’on soit à leur écoute mais qu’on puisse aussi communiquer sur un certain nombre de réformes bonnes ou mauvaises qui vont aboutir dans les prochains mois. Expliquer ce qui va se passer. Encore une fois ça va être assez catastrophique. Il faudra leur expliquer clairement quelles sont les conséquences du choix des Français au mois de mai dernier, renouvelé aux législatives.

Il faut vraiment que ce fossé se comble petit à petit. On voit très bien aujourd’hui une espèce d’animosité qu’il y a entre les Français et les hommes politiques. Ça c’est indéniable. Je le ressens beaucoup, je ne le prends pas pour moi, je ne suis pas meilleure qu’une autre, j’essaie vraiment de jouer la proximité avec la population. C’est aujourd’hui le passage obligé si l’on veut rester à l’écoute de nos concitoyens. C’est évident.