[Source : Boulevard Voltaire]
Un président de la République va casqué rue du Cirque et d’autres politiques s’abandonnent…
Une atmosphère très surréaliste depuis quelques jours. Un mélange d’absurdité politique et d’indécence humaine. Avec le 49-3 à l’Assemblée nationale et ce qu’on nomme l’affaire Denis Baupin.
Sur la mise en oeuvre du 49-3, il n’est même pas nécessaire de rappeler que François Hollande, en 2006, l’avait qualifiée de "déni de démocratie". Il avait raison mais le fait qu’il trahisse aujourd’hui sa dénonciation d’hier est trop fréquent pour appeler autre chose qu’un soupir accablé. Il n’en demeure pas moins que de la part de ce gouvernement avec un affichage si volontiers moral et républicain dans les postures et les leçons qu’il donne, il s’agit en effet au moins d’un déni parlementaire et sûrement d’une défaite démocratique. En plus pour un mauvais texte à force d’avoir été raboté pour le pire. Des cris.
Et des corps.
Pour Denis Baupin, il convient d’abord de ne pas oublier qu’il est présumé innocent et ce n’est pas une clause de style. […]
Il n’empêche que des épisodes insignifiants, dérisoires ou gravissimes ont mis de plus en plus en évidence les dérives de certains politiques dans le domaine de la sexualité. […] Pour peu que Denis Baupin soit justement incriminé, il aurait été l’auteur d’agressions sexuelles ou de SMS indélicats, lourds, grossiers et insistants.[…]
Même si dans tous les espaces professionnels, les relations de pouvoir engendrent quelquefois des attitudes profitant de la dépendance de femmes sollicitées, en glissant de la galanterie légère jusqu’à l’arrogance et à la contrainte les plus insupportables.
Ce qui paraît constituer une particularité des structures partisanes dans leur fonctionnement tient non seulement à la commission de gestes ou de propos vulgaires ou, pire, à l’extrémisme odieux de libertés forcées et de dépendances exploitées mais à la certitude de leur impunité de la part des auteurs.
Comme s’ils se savaient protégés par ce qu’ils étaient et leur statut mais qu’ils devinaient, malgré les apparences, une complicité, une familiarité telles avec leurs victimes qu’ils n’éprouvaient aucune crainte d’aucune sorte. Comme si ces dernières, malgré ce qu’elles subissaient, étaient autant qu’eux persuadés de la spécificité des liens politiques et des obligations de silence et d’étouffement qu’elle imposerait.
Tout de même il serait injuste, absurde de concevoir comme une fatalité des transgressions compulsives à la DSK ou, si le futur l’établit, les indécences répétitives à la Baupin.
Il y a une multitude de personnalités qui, même avec les facilités de ce monde de puissance et des rapports de force, n’ont jamais dévié d’une conduite respectable et respectueuse du sexe féminin. Il y a donc, à mon sens, de la part de ceux qui ont transgressé cette rectitude, quelque chose qui tient à leur nature, à leur caractère, à leur manière d’être au monde. Probablement un défaut de politesse, de savoir-vivre, une désinvolture dans le lien avec autrui, une indifférence à l’égard des blessures et des offenses trop volontiers reliées à une prétendue normalité virile.
Je ne voudrais pas que toute la classe politique fût visée par un opprobre qui ne concerne que quelques-uns qui seront de moins en moins à l’abri. […]
Mais ma conclusion souhaiterait s’attacher à l’exemplarité et à l’allure.
Je ne surestime pas la portée du geste de Michel Sapin mais je suis effaré – c’est encore plus vrai pour les attitudes infiniment plus choquantes, coupables – que les responsabilités les plus importantes, les charges les plus élevées, impliquant une dignité à leur hauteur, ne constituent pas un barrage pour les tentations banalement viriles, les postures vulgairement et trop souvent pratiquées.
Un président de la République va casqué rue du Cirque et d’autres politiques s’abandonnent.
L’honneur des fonctions, pourtant, devrait dissuader de ce que les femmes osent enfin dénoncer aujourd’hui.
Extrait de : Entre corps et cris….
Philippe Bilger
Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole
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