Source [philippebilger.com] C'est un sentiment que j'éprouve de plus en plus. Quelle est la personnalité qui va surgir du quotidien politique, judiciaire et médiatique ? Le Dupond-Moretti avocat, le Dupond-Moretti bretteur partisan au service d'un président l'ayant choisi pour cela ou le Dupond-Moretti enfin ministre de la Justice ? Ou, parfois, un mixte ?
Je n'ai aucun scrupule à évoquer mon "sentiment" car lui-même raffole de l'expression "sentiment d'insécurité" pour dénoncer ce qu'il appelle la "surenchère populiste" et qui est, tout simplement, l'indignation légitime face à l'augmentation des crimes et des délits. Selon lui, le sentiment d'insécurité serait "pire que l'insécurité elle-même" et le premier aurait été développé par exemple par l'usage du terme "ensauvagement". Ce sentiment serait de l'ordre du "fantasme" (Europe 1).
Au regard de ces absurdités qu'on croyait inconcevables depuis que la gauche avait reconnu sa naïveté, avec Lionel Jospin, on voit bien que le garde des Sceaux s'était absenté pour laisser la place seulement à l'avocat et au pourfendeur de l'opposition, surtout du RN dont il avait un temps réclamé l'interdiction mais dont le président a besoin pour s'assurer un deuxième tour confortable.
Ce n'est pas non plus un ministre informé qui se montre pour oser déclarer que le taux de réponse judiciaire s'élève à 90 %, omettant de souligner que cette évaluation ne concerne que le faible nombre d'affaires qui ont échappé à l'immense décantation opérée en amont, notamment avec trop de classements sans suite. Je recommande à ce sujet l'excellente analyse, dans la Tribune du Commissaire, de Béatrice Brugère, Secrétaire Générale du Syndicat Unité Magistrats SNM FO.
Pour ce qui relève du sentiment d'insécurité, je ne m'accorderai pas la facilité de porter à la connaissance d'Eric Dupond-Moretti la multitude d'infractions, certaines très graves, qui ont ces dernières semaines ému, bouleversé, indigné l'opinion publique.
Je me contenterai de faire référence à ces deux policiers en civil gravement blessés par sept balles, "massacrés" dans la zone industrielle d'Herblay avec leur propre arme dérobé par trois malfaiteurs. Questionné par Jean-Jacques Bourdin, le ministre - il n'avait pas le choix : il devait l'être ! - a exprimé sa compassion et son soutien (BFM).
Le hiatus entre sa condescendance d'hier et son obligatoire prise de conscience d'aujourd'hui devrait dorénavant le détourner de certaines dérives de pensée et de vocabulaire.
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