la Sécurité Sociale, idole de la Libération

La grandeur de la Sécurité Sociale, idole de la Libération, est la seule pointe de chauvinisme, la seule unanimité que s'autorisent tous les candidats, même les plus libéraux. Une fois ce parti pris, il s'agit de s'accorder sur les moyens de la protection sociale et de la santé, sur sa continuité territoriale et sur la liberté des médecins. Est-il utile de préciser sur un sujet si consensuel -  mais si onéreux - les candidats se disputent la part la plus démagogique, au dépens de tout réalisme par rapport au «trou» ?

Marine Le Pen

Après avoir constaté que le «trou» de la sécurité sociale ne s'est jamais résorbé, la candidate du Front National continue à vouloir améliorer le système pour fournir un « accès égal à la santé ». Elle dénonce la multiplication des déremboursements de médicaments, la hausse du forfait hospitalier, la baisse des indemnités journalières des malades, l’augmentation de la taxe sur les complémentaires santé, etc. Ces mesures prises sous le mandat de Nicolas Sarkozy ont, selon elle, contribué à creuser le fossé entre une santé des pauvres et une santé des riches.

Si ces mesures étaient supprimées, les abus combattus (« la lutte contre la fraude doit permettre de diviser son coût global actuel par quatre en cinq ans, soit 15 milliards d’économies »), et les dépenses rationnalisées, la sécurité sociale de Marine Le Pen serait capable de tenir debout.

Ses positions vont dans ce sens, l'équilibre des comptes puis l'accès plus égal et facile à la santé, par des actions énergiques :

  • restaurer l’équilibre des comptes sociaux en donnant la priorité aux Français (instaurer un délai de carence d’un an de résidence continue en France et de cotisation avant de bénéficier de tous les avantages de la Sécurité sociale ; supprimer l’AME (aide médicale d’Etat) réservée aux migrants clandestins ; créer un observatoire des droits sociaux des étrangers et de l’usage des conventions bilatérales de soins) ;
  •  restaurer l’équilibre des comptes sociaux en luttant contre les fraudes et les abus (création d'un secrétaritat d'Etat à cet effet ; sécurisation des Cartes Vitale ; lutte contre les arrêts maladie de complaisance ; intégration des collectivités territoriales dans cette lutte ; suppression des aides sociales pour les fraudeurs récidivisites ; renégociation des conventions internationales signées en matière de santé avec des pays étrangers) ;
  •   assurer l’accès à une santé de qualité pour tous et sur l’ensemble du territoire (présence de centres hospitaliers ou médicaux pluridisciplinaires dans chaque bassin de santé ; la scolarité des personnels médicaux intégrera un stage territorial pour permettre une découverte concrète de la diversité de nos territoires ; plafonnement des dépassements d’honoraires en secteur 2, après concertation avec les représentants des médecins ; impulser une nouvelle politique du médicament qui sortira des logiques purement comptables et examinera avec beaucoup plus de discernement les médicaments réellement efficaces et ceux qui sont inefficaces ; lutte active contre le gaspillage ; gel du montant du forfait hospitalier et des taxes sur les mutuelles de santé ; fermeture des petites structures n’assurant pas une qualité de soin suffisante mais maintien des structures de taille moyenne : les méga-structures ne sont pas la solution miracle)
  •  donner une place aux malades et à leurs proches, lutter contre Alzheimer (impliquer les malades, via les associations qui les représentent, dans les prises de décision qui les affectent ; un accent sera porté à la recherche et au traitement de la maladie d'Alzheimer – grâce en particulier à l'argent économisé sur l'AME) ;
  • améliorer l’efficacité du système de soins (réorganisation, dans la concertation, de la carte hospitalière ; organisation du travail au sein des hôpitaux ; Mise en place du DMP (dossier médical personnalisé) ; renforcement de la tutelle du ministère en charge de la Santé sur les Agences Régionales de Santé ; regroupement et gestion harmonisée des trois régimes spéciaux et de tous les régimes particuliers, dans le respect de leurs spécificités issues de l’histoire ; desserrement du numerus clausus dans les facultés de médecine pour permettre de pourvoir aux besoins médicaux avec du personnel français formé en France).

Nicolas Sarkozy

Le programme de Nicolas Sarkozy n'est pas officiellement établi : le président-candidat semble vouloir présenter son bilan comme un argument suffisant, un « tremplin pour 2012 ».

Toutefois, l'UMP a présenté un bref projet à propos de la santé :

« La santé mentale, la prévention, notamment des troubles du comportement alimentaire et des toxicomanies, la santé environnementale, et la vaccination, doivent être des priorités du prochain quinquennat, car la santé ne se limite pas aux soins.

Les patients doivent être au cœur du système de soins : nous voulons renforcer la « démocratie sanitaire », par plus de pédagogie, et un meilleur accès à l’information. Nous voulons promouvoir l’individualisation des parcours de soins, dans le respect du principe de liberté d’installation des médecins.

Nous devons également promouvoir le « juste soin » : il faut améliorer la prise en charge des patients en faisant mieux travailler ensemble tous les professionnels et en donnant la priorité à la qualité et à la pertinence des soins plutôt qu’à la quantité des actes médicaux. La télémédecine devra y contribuer.

Nous voulons aussi mieux organiser les parcours de soins, faire disparaître les examens et prescriptions inutiles, en responsabilisant patients et prescripteurs, pour que chaque euro dépensé le soit à bon escient, à l’hôpital comme en ville. L’équilibre financier de notre système de santé dépend, en effet, des comportements de chacun. »

François Bayrou

« Pour la santé, ni l'équilibre ni l'équité ne sont aujourd'hui garantis. »

Pour François Bayrou, la qualité de notre système de soin est indéniable. Cependant, puisqu'il n'est pas aussi performant pour prévenir, il « conduit, si l'on n'entreprend pas les corrections nécessaires, à une médecine à deux vitesses, l'une pour les riches, l'autre pour les pauvres.» Il rejoint un certain nombre des candidats dans ce constat. François Bayrou se veut le candidat des laissés-pour-compte. Ainsi, devant l'augmentation de la durée de vie, François Bayrou pense-t-il à nos aînés et réfléchit-il à la question de la dépendance.

Selon lui, il faut:

  • développer une politique de santé au travail et de prévention des maladies professionnelles ;
  • initier un « plan santé » pour prévenir les conduites addictives des jeunes ; encourager une politique de prévention-santé dès l’école primaire (soins dentaires, lunettes, obésité…) ;
  • mettre en place un « Bouclier santé » destiné à couvrir les personnes qui sortent des minimas sociaux et engager une réflexion sur une mutuelle universelle à l’exemple de ce qui se passe en Alsace et en Moselle ;
  • revaloriser la filière de médecin généraliste  ;
  • lancer un plan « Face à la dépendance »  ; combiner solidarité nationale et mutualisation du risque et, à terme, inciter fortement une démarche de prévoyance associant solidarité nationale et mutualisation ;
  • rendre effective la loi sur l’accessibilité des bâtiments publics ; poursuivre l’intégration des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire ; aider et former les enseignants à leur prise en charge ;
  • réorienter profondément la politique de santé publique vers la prévention ;
  • rendre confiance aux médecins hospitaliers et de ville en reconnaissant la primauté de l’acte médical sur les contraintes administratives ; modifier la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoire (HPST) pour passer d’une logique purement gestionnaire et administrative à une construction en réseau sur le territoire qui donne la priorité aux patients et aux médecins ; établir un bilan de la convention sur le prix de la consultation médicale ; proposer une nouvelle définition du « numerus clausus » médical avec des places supplémentaires assorties d’un engagement de service de 10 ans dans une région déficitaire ;
  • instaurer des services médicaux de proximité  ;
  • créer une Autorité indépendante chargée de l’alerte, notamment en matière de santé et de sécurité sanitaire, et constituée d’experts totalement indépendants, dont la mission sera de déclencher l’alerte à temps, avec des éléments tangibles. Cette autorité pourra être saisie par les citoyens, les associations, les praticiens, les pharmaciens… ;
  • lutter contre la surconsommation de médicaments et la multiplication des médicaments à service médical rendu insuffisant ;

François Hollande

Seul candidat qui use autant de la première personne du singulier, le candidat du Parti Socialiste proclame avec véhémence mais sans originalité :

« Je veux renouer avec l’excellence de notre système de santé et renforcer l’hôpital public.

Je réformerai la tarification pour mettre fin à l’assimilation de l’hôpital avec les établissements privés. Je le considérerai comme un service public et non comme une entreprise. Pour lutter contre les déserts médicaux, je favoriserai une meilleure répartition des médecins par la création de pôles de santé de proximité dans chaque territoire. Je fixerai un délai maximum d’une demi-heure pour accéder aux soins d’urgence. J’améliorerai la prise en compte de la santé publique, notamment en augmentant la part de rémunération forfaitaire des médecins généralistes. Je sécuriserai l’accès aux soins de tous les Français en encadrant les dépassements d’honoraires, en favorisant une baisse du prix des médicaments et en supprimant le droit d’entrée dans le dispositif de l’aide médicale d’État. »

Et plus spécialement, sur la question de l'euthanasie :

« Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. »

Eva Joly

Comme tous les candidats à partir de la gauche de François Bayrou, Eva Joly nous propose un programme hygiéniste et précautionniste qu'elle a intitulé « Santé, prévenir d'abord ». Eva Joly nous raconte comment elle est arrivée à cette conviction : c'est la rencontre de Patrick, exploitant viticole en Alsace, qui lui a ouvert les yeux.

Après un bref raisonnement faisant remonter toutes nos maladies chroniques à la dégradation de l'environnement, la verte candidate propose, dans une parfaite logique européenne, de légiférer à foison pour nous prévenir de tout accident de manège, maladie notamment sexuelle, intoxication au camembert... et protéger la santé de la Nature :

  • 1 % du budget de la santé sera dédié à la politique de prévention et un Institut national de recherche en santé environnementale sera créé ;
  • le seuil légal d'exposition aux pollutions électromagnétiques sera réduit et des plans d’action locaux mis en place pour lutter contre la pollution de l’air ;
  • la diminution de la surconsommation de médicaments – et donc de leurs prix (en sortant d'une logique de fixation des prix selon l'intérêt économique des laboratoires plutôt que l'intérêt thérapeutique) ;
  • la création de « maisons de la santé et de l'autonomie » pour assurer l’accès aux soins de premiers recours sur l’ensemble du territoire (comprenant un système d'éducation pour la santé environnementale !) ;
  • la fin d'une politique de santé mentale de répression, sans consentement (abrogation de la loi du 5 juillet 2011).

Jean-Luc Mélenchon

Le projet de Jean-Luc Mélenchon prête souvent à sourire. C'est une grave erreur de jugement. Imaginez-le plutôt en fond de tambours de Santerre, décrétant sur la place de la Révolution, encore toute chaude du sang bourgeois,

  • la «santé au travail»,  cause nationale !
  • le remboursement à 100 % des dépenses de santé !
  • l'IVG gratuite! Et tout un tas d'autres choses aussi onéreuses qu'idéologiquement orientées...

Terrifiant!