Quotas féminin dans le cinéma : et si on se souciait aussi (plutôt?) de ces professions d’intérêt général que leur large féminisation fragilise...

Source [Atanltico] De nombreuses actrices et réalisatrices ont plaidé auprès du gouvernement pour la mise en place de quotas pour donner de la place aux femmes dans le cinéma, où elles sont très minoritaires, notamment en réalisation. Mais ne faudrait-il pas aussi faire des quotas dans les catégories dévalorisées où elles sont surreprésentées ?

Atlantico : Une soixantaine d'actrices et réalisatrices ont demandé la mise en place de quota dans les pages du Monde pour demander plus de place aux femmes dans le milieu du cinéma. Cette pétition survient après l'affaire Weinstein et à la veille des Césars et Oscars, tribune habituelle pour les revendications politiques des stars du grand écrans. S'il semble normal de vouloir qu'un milieu professionnel soit plus égalitaire, est-ce vraiment ce que souhaitent les actrices et productrices ? On sait aujourd'hui que plus une profession se féminise, plus elle est déconsidérée (infirmières, magistrature, enseignement...). Si on suit une logique de quota, ne faudrait-il pas nécessairement "masculiniser" les professions où les femmes sont sur-représentées ? 

Cecilia Garcia-Penalosa : L'argument que vous avancez est correct, même si je ne suis pas sûre qu'il faille mettre sur le même plan le phénomène de dévalorisation du travail quand il se féminise et de politique de quotas. On a aujourd'hui les preuves que la féminisation entraine une baisse de prestige et de salaire, mais la question de savoir pourquoi les femmes vont plutôt dans certains métiers n'est pas nécessairement liée à la question de la sous-représentation dans d'autres métiers, et donc les quotas. Cela demande des politiques différentes, à mon avis. 

Il faut savoir que pour le premier phénomène (celui de la dévalorisation des métiers qui se féminisent), on ne sait pas précisément comme s'opère ces modifications. On connaît un peu plus précisément l'aspect salarial, qui est plus facile à évaluer. On sait que c'est principalement lié à la tendance qu'ont les femmes à moins bien négocier, à être moins militant, et donc à accepter un salaire plus faible ce qui dévalorise leurs rémunérations. Il y a aussi la question des "salaires de réservation" : les femmes ont moins de choix pour aller travailler ailleurs et donc peut augmenter ses salaires plus facilement, ce qui permet aux employeurs aussi de réduire la rémunération. 

Après, il y a un côté plus difficile à quantifier, qui est l'aspect symbolique, celui de la perception qu'on a du prestige moindre d'une profession faite par une femme chez un individu (homme ou femme) lambda du XXIe siècle en France. Sur ces questions-là, les quotas ne servent à rien puisqu'il s'agit bien entendu de modifier les perceptions culturelles stéréotypées dès le plus jeune âge. 

Jean-François Amadieu : Les emplois sont rarement mixtes que ce soit en France ou dans les autres pays. Les femmes sont ainsi plus souvent infirmières que mécaniciennes automobile. On peut observer que les salaires et les primes sont en moyenne moins favorables dans les emplois plutôt féminisés. On peut résoudre cette difficulté en examinant les grilles de classification et en se demandant si les écarts de salaires sont bien justifiés. On doit aussi s’assurer qu’il n’y a pas de discriminations à l’embauche qui empêchent les femmes ou les hommes d’accéder à certains emplois. Mais pour certains, il faudrait parvenir à une parité parfaite et pour ce faire recruter prioritairement des femmes dans les emplois masculinisés. La conséquence saute aux yeux : il faut nécessairement, dans le même temps, donner priorité aux hommes dans l’accès aux postes féminisés. Une politique de discrimination positive -implicite sous la forme de la promotion de la diversité de genre ou explicite via des quotas- déclenche donc une double discrimination. Les quotas provoquent des discriminations à grande échelle alors que la situation de départ (il y a 30% de femmes par exemple) n’était pas nécessairement le fruit d’une discrimination. Les discriminations existent mais il ne suffit pas de constater que les femmes sont moins nombreuses dans un type d’emploi ou même à un niveau hiérarchique donné (les postes de directions dans la culture par exemple) ou pour l’accès à des financements de films pour en conclure qu’il y a une discrimination. Avec les quotas on passe d’une situation où il y avait peut-être des discriminations à une situation ou les discriminations sont certaines, de grande ampleur et imposées par la loi.

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