Le pape a nommé Mgr Philippe Barbarin archevêque de Lyon le 16 juillet. Le communiqué de presse officiel n'a pas mis longtemps à faire le tour des rédactions. L'espace d'une matinée, l'Eglise de France a retrouvé le maillot jaune de l'actualité.

Mais qui est ce Mgr Barbarin ?

L'information était sous "embargo" jusqu'à midi. La plupart des confrères accusaient "l'effet de surprise". Quelques uns se réjouissaient de l'exactitude de la "fuite" dont ils attendaient la confirmation. Voilà pour l'écume des vagues. Passons maintenant à l'essentiel.

On imagine qu'un tel choix ne s'est pas fait à la légère. Ils sont révolus les temps primitifs où on désignait les successeurs des apôtres à la courte paille. Pardon, au tirage au sort ! (Actes 1, 23). Ne devient pas "primat des Gaules" qui veut (même si ce titre fait un peu suranné à l'heure de l'Europe bruxelloise). Ce siège cardinalice, laissé vacant par le cardinal Billé, n'est pas vraiment une sinécure. Avec une population presque équivalente au diocèse de Paris (1,7 million contre 2,1 pour la capitale), ce poste figure parmi les plus exposés. Rome le sait pertinemment. Et le choix de Mgr Barbarin marque sans doute une affinité de cœur et d'esprit avec le cardinal Lustiger (qui a son mot a dire dans les nominations). Pour l'exprimer autrement, c'est une façon de récompenser les intelligences qui ont pris le relais d'une certaine vision du Concile, comme les cardinaux Daniélou et de Lubac.

Fait significatif, Mgr Barbarin est homme à subir les feux croisés des "progressistes" et des "intégristes". Classé parmi les "réacs" (sic) par le magazine Golias, il a fait aussi l'objet, suite à une interview parue dans le Figaro, d'une polémique dans la Lettre à nos frères prêtres (décembre 1999) de la Fraternité Saint Pie X. On reprochait à l'évêque de Moulins sa justification surnaturaliste du célibat sacerdotal.

C'est que Philippe Barbarin fait partie de ces héritiers de la "nouvelle théologie" qui a plaidé pour un "retour aux sources" bibliques et patristiques du christianisme. Est-ce un hasard si Mgr Barbarin est un lecteur d'Urs Von Balthasar auquel il a consacré plusieurs articles, et même un livre récent.(1) D'accord, c'est un germaniste. Mais il est utile de préciser que, du temps de son séminaire aux Carmes (Institut catholique de Paris), il a participé activement à la fondation de la revue Communio (1975) aux côtés de Jean-Luc Marion et Jean Duchesne.

Au plus fort de ces années de poudre, Philippe Barbarin a gardé tranquillement le cap. La mode était à Hans Küng et à Karl Marx. Fils spirituel de Mgr Charles à Montmartre (dont il fréquentait le cercle - officieux - de séminaristes), il était le maître d'œuvre d'un ouvrage collectif à succès intitulé Chrétien, quel est ta foi ? (DDB).

Originaire d'une grande famille bourgeoise de Joinville-le-Pont (Val-de-Marne) Philippe Barbarin a reçu la foi dans le berceau. Une foi vivante et entreprenante qui donnera de belles vocations. Notamment une sœur dans la communauté de Bethléem et un frère médecin dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris.

Ordonné prêtre en 1977 au titre du diocèse de Créteil, Philippe Barbarin, retrouve sa banlieue (même s'il ne faut jamais oublié qu'il est né en 1950 à Rabat au Maroc). Successivement vicaire et aumônier de lycée à Vincennes (1978-1985), aumônier de lycée et vicaire paroissial à Saint-Maur (1985-1991), il se défonce littéralement à la tâche. Son succès auprès des jeunes est considérable et il ne manque pas une occasion de remonter sur la "Butte" pour participer (avec ses troupes) aux grandes heures de la basilique comme la Montée à Montmartre avant Noël. Il anime, avec le père Manaranche, le "Rambu Club", un lieu de rencontre informel pour les séminaristes avides de formation doctrinale et de vie fraternelle. Nommé ensuite à Boissy-Saint-Léger en 1991, il découvre la vie d'un curé de grande banlieue...

Besoin de soleil ou d'aventure ? Philippe Barbarin propose en 1994 ses services à Mgr Randriambololona, à Madagascar. Pour son plus grand bonheur, il va travailler au grand séminaire. Il y a du pain sur la planche ! Formateur de prêtre, professeur de dogmatique, conseiller spirituel etc. "Lorsque je suis arrivé à Madagascar il y avait des tas de noviciats, un nouveau grand séminaire, des scolasticats, etc. Tout était nouveau et on construisait partout." (2) Autant dire que la fécondité de l'Eglise malgache est un modèle qui va s'imprimer dans ses fibres les plus profondes (tout comme le palu).

Le prédécesseur de Mgr Barbarin à Moulins était resté 23 ans en Bourbonnais... C'est beaucoup par rapport à son successeur qui venait tout juste de terminer le tour de son diocèse. Il quitte ce front rural pour revenir à l'attaque de plus belle. Mgr Barbarin est pourtant un pacifique. Mais quand il s'agit de défendre l'Evangile, il ne transige jamais.

Entretien téléphonique avec Mgr Barbarin à paraître dans France Catholique daté du 26 juillet

N'avez-vous pas quelques appréhensions devant une telle charge ?

Lyon, ça m'impressionne beaucoup ! Mais je n'ai pas peur... Avant de répondre au Pape, j'ai pris plusieurs jours de retraite. Et c'est dans l'oraison que j'ai trouvé la force de dire oui. "Est-ce de la folie d'accepter ?" ; "Suis-je certain de ne pas être capable ?". Je me suis posé toutes ces questions sereinement avant de m'engager par obéissance. Bien entendu, je me sens un peu écrasé par la tâche qui m'attend. Mais je ne serai pas seul... Je compte sur mes futurs collaborateurs, et d'abord sur la grâce de Dieu.

Aviez-vous vu venir cette "promotion" éclair ?

Pas du tout ! Quand le diocèse d'Aire et Dax s'est libéré, je me suis dit que ce n'était pas pour moi. On ne passe pas généralement de Moulins à Dax. Lorsque le siège d'Orléans est devenu vacant, je me suis dit "attention"... Concernant Lyon, je me disais : "Je suis tranquille, ce n'est pas quelque chose pour moi." J'aurais pu imaginer à cette place une bonne vingtaine d'évêques plus âgés et compétents que moi ! La surprise a été rude. Je me suis senti "petit bonhomme".

Quelle peut être la raison d'un tel choix ?

Après les décès successifs des trois derniers archevêques, je pense que Rome cherchait un évêque jeune et en bonne santé. Le cardinal Billé était accaparé par ses fonctions de président de la Conférence des évêques de France. J'essayerai de me rendre d'abord disponible au diocèse de Lyon. Il fallait aussi quelqu'un qui puisse "durer". Mais l'avenir appartient à Dieu...

Quelle sera votre priorité en arrivant à Lyon ?

Ne pas me presser ! La première chose sera de rencontrer les prêtres et les diacres, les communautés religieuses, les fidèles ; de vivre avec tous comme avec des frères et des sœurs. Il me faudra du temps car c'est un gros diocèse. Je vais consacrer toutes mes énergies à cela. J'espère garder ma liberté et la possibilité d'avoir des contacts spontanés. Un archevêque n'est pas une "haute autorité" de l'Eglise, mais un pasteur qui prend son bâton et se met en route.

(1) Mgr Barbarin, Théologie et Sainteté, Parole et Silence, Collection Ecole cathédrale, préface du cardinal Lustiger, 140 pages, 12,5 e.

(2) Frédéric Aimard et Samuel Pruvot, Enquête sur la nouvelle évangélisation, Le Sarment, 390 pages, 18,80 euros.

© Article à paraître dans France Catholique daté du 26 juillet France Catholique : 60, rue de Fontenay 92350 Le Plessis-Robinson.