Les gilets jaunes voient rouge

Source [Causeur] Sans surprise, les Parisiens ont brillé, samedi 17 novembre, par leur absence ou leur ignorance d’une manifestation d’un genre nouveau. Les gilets jaunes ne les concernent pas, la plupart n’en ont même pas. 

« Aucun gilet, il n’y a que des bobos ici ! » Cette remarque, faite samedi en début de soirée par un manifestant entrant dans une rame du métro parisien, est plus profonde qu’il n’y paraît. La journée des gilets a été une démonstration parabolique du divorce croissant entre Paris et nos belles provinces ou, plus précisément, entre la France des centres-villes et celle des grandes banlieues et autres espaces périphériques.

En dehors des points de blocage organisés par des gilets jaunes venus de banlieue ou de province (autour des Champs-Elysées et sur le périphérique), les Parisiens, en ce samedi jaune, vaquent à leurs occupations, très largement indifférents – en tout cas étrangers – à la colère qui s’exprime dans tout le pays sur des routes et des ronds-points. Beaucoup se réjouissent de la fluidité inhabituelle de la circulation, la plupart des banlieusards ayant renoncé à prendre leur voiture pour leur shopping ou leur promenade du samedi. Même la rue de Rivoli où, en raison des pistes cyclables construites par madame Hidalgo, la circulation est un enfer inextricable sept jours sur sept est quasi déserte, pour le plus grand bonheur de familles en goguette et de jeunes branchés à vélo. Entre gens qui ne mangent pas de ce pain-là, bon pour les ploucs. Exceptionnellement libérée du populo qui, habituellement, profite du week-end pour venir polluer l’air des petits Parisiens élevés bio, (et accessoirement faire tourner le commerce) Paris est entre-soi. Et elle aimerait bien le rester complètement.

À en croire la préfecture et les confrères, 1200 manifestants à peine parviennent à bloquer sporadiquement la place de la Concorde, des morceaux de Champs-Elysées, faisant perdre des dizaines de minutes – et parfois leurs nerfs – aux malheureux qui se trouvent au mauvais endroit au mauvais moment. Faute de la moindre coordination, le passage, aux barrages, se fait à la tête du client. Et à l’humeur de ceux qui déplacent les barrières métalliques. Dont quelques-uns, passablement mal-aimables, jouent inévitablement les petits chefs.

Le moyen le plus sûr de passer sans encombre est encore d’exposer le gilet de ralliement sur son pare-brise. À quelques encablures de l’Hôtel de Crillon, un petit rouquin aux allures de titi banlieusard, qui ne doit pas avoir 18 ans, insuffle un peu de drôlerie dans l’atmosphère : « Le gilet ou va chier ! », chantonne-t-il. Un peu plus loin un ado venu avec ses copains d’une cité de l’Essonne, qui n’a sans doute pas atteint l’âge de la mob, affirme, très docte : « Notre copain Kevin qui est en quatrième, son plein lui coute huit euros cinquante ! »

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