La réticence de la plupart des candidats à l'élection présidentielle à répondre clairement sur les quatre mesures-clés préconisées par le Programme pour la vie, révèle à nos yeux un malaise sur ces sujets à la fois intimes et sensibles et le chemin qui reste à faire pour que ces sujets deviennent le cœur de tout projet politique.

 

Nous prenons donc acte du travail à réaliser pour que, au fil des années, s'impose un pacte humanitaire pour la vie au-delà des clivages partisans bien légitimes. Toutefois, l'Alliance pour les Droits de la Vie et ses partenaires du Programme pour la vie ont étudié avec attention les programmes et déclarations — parfois contradictoires en fonction des auditoires — des différents candidats. Cela nous permet de proposer une évaluation sur chacun des quatre sujets de notre Programme pour la vie.

Nota: c'est par commodité de présentation que nous avons choisi de classer "à droite" les candidats François Bayrou (UDF) et Frédéric Nihous(CPNT)

PROCREATION ET BIOETHIQUE

La question de l'embryon n'a pratiquement pris aucune place dans la campagne. Sur la base de leurs déclarations passées, de quelques interviews et des précédentes réformes gouvernementales, le clivage droite/gauche s'établit comme suit :

À gauche■ Un gouvernement de gauche s'orienterait vraisemblablement vers une accélération des dérives dans le domaine de la recherche sur l'embryon et du clonage humain. En matière de procréation artificielle Ségolène Royal a même préconisé qu'une réévaluation de la loi de bioéthique soit opérée au regard de la demande d'accès des couples de femmes à l'assistance médicale à la procréation .

■ On peut toutefois noter que deux candidates, Dominique Voynet et Marie-Georges Buffet, se sont prononcées contre le clonage ("thérapeutique" comme "reproductif") invoquant un principe de précaution, tandis que l'altermondialiste (et anti-OGM) José Bové n'était hostile qu'au clonage dit "reproductif". À droiteUn gouvernement de droite, sous la pression de nombreux chercheurs, sera tenté par certaines de ces dérives, mais de façon moins radicale.

■ Nicolas Sarkozy et François Bayrou, tout en validant les réformes injustes déjà votées légitimant la recherche sur les embryons surnuméraires ont préconisé le financement des recherches sur cellules-souches adultes : c'est un point positif. Mais les deux candidats ont aussi défendu le Téléthon face aux remises en causes éthiques qui ont marqué sa dernière édition.

Une polémique s'est ouverte en fin de campagne à propos d'une déclaration de Nicolas Sarkozy donnant la part belle au caractère inné, voire génétique, de certains faits sociaux (pédophilie, suicide des jeunes...). Même s'il s'en est suivi un controverse entre experts, certains l'accusant d'eugénisme, nous en attribuerions plutôt ses déclarations à une forme de maladresse, habilement exploitée par ses adversaires. Il n'a pas proposé de dépistage anténatal de ce genre de pathologie . Tout au plus, cette anicroche révèle-t-elle sa méconnaissance de sujets complexes, voire un certain fatalisme : comme sur l'homosexualité, on risque, en expliquant tout par une combinaison d'inné et d'acquis, de ne plus croire en la liberté individuelle. A terme la responsabilité personnelle des actes serait niée.

■ Philippe de Villiers se prononce explicitement pour refuser le clonage reproductif ou thérapeutique en privilégiant les recherches plus efficaces notamment la recherche sur les cellules souches issues du corps humain adulte.

■ Jean-Marie Le Pen propose une loi interdisant la recherche médicale et la thérapie génique sur l'embryon, l'interdiction du clonage, même thérapeutique, en l'attente de progrès de la recherche sur les cellules souches. Il se dit hostile à toute manipulation sur l'embryon humain.

GROSSESSE ET MATERNITE

À gauche■ Ségolène Royal épouse les thèses féministes sans préconiser pour le moment un nouvel accroissement des délais légaux. On peut s'attendre, sous sa présidence, à une influence accrue du Planning familial pour, d'une part, faciliter l'accès à l'IVG et, d'autre part, étouffer la voix de ses opposants et leurs actions concrètes au service des femmes enceintes en difficulté ou de celles qui ont déjà vécu l'avortement. Pour donner un statut à la jeunesse Ségolène Royal propose la contraception gratuite pour les filles de moins de vingt-cinq ans.

■ Les positions sont traditionnellement plus outrancières à l'extrême gauche et chez les Verts. Ainsi, dans un débat à Sciences-Po, José Bové a annoncé que sa première mesure, s'il est élu, sera d'allonger le nombre de semaines du délai légal de l'interruption volontaire de grossesse (IVG), actuellement de douze semaines de grossesse. Olivier Besancenot préconisait quant à lui la gratuité totale des préservatifs.

Notons que la multiplication des candidatures trotskistes a permis à ce courant de pensée multiforme de communiquer largement sur les thèmes libertaires, quand, dans le camp d'en face, on taisait les arguments que nous avançons. C'est la technique de l'agit-prop qui vise à multiplier les prises de parole sans peur de choquer, avec la certitude qu'on fait ainsi avancer ses idées. À droiteL'avortement demeure un sujet largement tabou, peut-être de plus en plus, et il n'a rien de central dans cette campagne :

■ Frédéric Nihous (Chasse Pêche Nature Traditions) ne se dit pas choqué par l'avortement (un droit juste)

■ François Bayrou affiche ouvertement une distinction (abusive) entre éthique de conviction et éthique de responsabilité. Cela lui permet de revendiquer sa foi catholique sans remettre en cause en quoi que ce soit les atteintes à la vie commençante. La posture est particulièrement dangereuse. C'est ce qui le conduit à répondre à une question sur une éventuelle révision de la loi de 1975 sur l'avortement : Non. Il y a eu en France un mouvement d'émancipation des femmes vis-à-vis de la maternité, et cette revendication de liberté est toujours vivace. Si on ne fait pas l'effort de comprendre cela, on passe tout simplement à côté de la société française !.

■ Nicolas Sarkozy a loué l'action de Simone Veil qu'il a choisie comme présidente de son comité de soutien, tout en évoquant des statistiques erronées de l'avortement clandestin en 1975 : de son côté, il n'y a pas l'once d'un début de prise de conscience sur ce sujet. Il avait déclaré en mars 2006 : Le droit à l'avortement est reconnu par la loi. L'avortement est un drame lui-aussi. Mais c'est justement parce que c'est un drame que la loi doit être appliquée. Il n'y a pas assez d'infrastructures et de personnels et les temps d'attente sont trop longs.

■ Philippe de Villiers, entend affirmer par la loi que l'être humain est une personne digne de respect et titulaires de droits juridiques dès la conception ; et que nul n'est recevable à demander une indemnisation du fait de sa naissance. Conformément à la politique qu'il a mise en place en Vendée, il veut par ailleurs faire tomber en désuétude la loi Veil en créant dans chaque département un centre maternel pour la vie qui aura pour vocation d'accueillir les femmes enceintes en détresse que la société abandonne aujourd'hui. La loi Veil présentait l'avortement comme une exception ; avec 250 000 avortements par an, sa banalisation conduit à un drame collectif, un drame pour les femmes, un drame pour les enfants. Enfin le leader du MPF propose de simplifier les procédures d'adoption afin de permettre aux femmes enceintes en difficulté d'éviter le drame de l'avortement..

■ Jean-Marie Le Pen a atténué son opposition à l'avortement légal (il n'envisage plus l'abrogation de la loi de 1975). Sur l'IVG, qui n'est pas le sujet principal qui préoccupe les Français le leader frontiste a dit qu'il était pour la défense de la vie. Chacun a sa propre responsabilité vis-à-vis de lui-même et d'elle-même et de sa patrie a-t-il ajouté. Il a aussi déclaré : en matière législative, il faut tenir compte de l'état d'esprit de l'opinion. Si je suis élu, je proposerai un référendum sur l'avortement. J'ai perdu l'illusion que l'on pouvait régler tous les problèmes par des lois. Le référendum qu'il envisage sur ce sujet, en l'état actuel de l'opinion publique, ne promet cependant rien de bon, à moins qu'il ne permettre d'ouvrir le débat. On attribue à l'influence de sa fille Marine ce que certains notent son revirement : il faut toutefois noter que Marine Le Pen a effectué des déclarations manifestant sa compréhension de la douleur des femmes ayant subi l'avortement. Par ailleurs Jean-Marie Le Pen souligne la faillite de la prévention de l'IVG par la contraception.

ENFANCE ET SEXUALITE

Silence abyssal sur le sujet majeur de la pornographie. Le lobby gay a réussi à imposer le débat sur la prétendue homoparentalité , forçant les divers candidats à élaborer des positions qui s'échelonnent du plus libertaire au plus prudent :

À gauche■ Ségolène Royal qui s'était sur ce point illustrée par son courage, jusqu'à être cataloguée Boutin de gauche , a certes contribué à revaloriser le mot famille, mais c'est au prix d'un reniement : avant de se porter candidate, elle s'exprimait contre le mariage et l'adoption homosexuels. Aujourd'hui elle s'est engagée à légaliser mariage et adoption homosexuels. Auteur d'un mini précis : les droits des enfants chez Dalloz, elle n'y aborde pas la pornographie ni le droit des enfants à être élevé par un père et une mère.

■ Comme Ségolène Royal, les autres candidats de gauche, notamment Besancenot, Bové, Buffet, Voynet et Laguiller (même si cette dernière s'affiche contre le mariage en général) optent pour un droit au mariage et à l'adoption homosexuels. Gérard Schivardi ne semble pas s'être prononcé sur ce point.À droite■ À noter que Frédéric Nihous, le candidat de Chasse Pêche Nature et Traditions... est favorable au mariage et à l'adoption homosexuels !

■ La position de François Bayrou est de milieu de gué et, à ce titre, illogique : récusant le mariage et l'adoption plénière, il propose l'adoption simple qui, en réalité, fait coexister les deux filiations : biologique et adoptive. Résultat : l'enfant se retrouverait avec deux, voire trois, papas ou mamans. Jean-Luc Romero, l'agitateur de l'homosexualité au sein de la droite, a d'ailleurs quitté Sarkozy pour Bayrou qu'il juge plus ouvert.

■ Nicolas Sarkozy est moins imprudent dans le domaine de la filiation : il refuse le mariage et l'adoption homosexuel. Cepandant, il veut "ouvrir" l'UMP sur le thème de l'homosexualité : il propose un pacs renforcé, dont les droits fiscaux et patrimoniaux seraient identiques à ceux du mariage et qui, par ailleurs, serait solennellement signé en mairie. Outre ce contrat d'union civile, réservé aux personnes homosexuelles, il annonce un renforcement des sanctions en matière d'homophobie (récusant toutes contestations de l'homosexualité) et annonce sur ce plan la nécessité d'éduquer à l'école les enfants à la différence...

■ Philippe de Villiers fait du non au mariage homo un slogan qui s'affiche.

■ Jean-Marie Le Pen qui a renoncé à abroger le pacs, s'oppose au mariage et à l'adoption homosexuels.

DEPENDANCE ET FIN DE VIE

Comme la question du mariage homosexuel, le débat a largement été imposé par les lobbies surfant sur des faits divers emblématiques. Et sur ce débat, le clivage droite/gauche demeure avec une gradation des réponses. Par ailleurs la plupart des candidats affichent leur soutien au développement des soins palliatifs.

À gauche■ L'extrême gauche est favorable à l'euthanasie d'une façon qui s'approche de la revendication de l'ADMD : le droit au suicide assisté. Dominique Voynet et Olivier Besancenot penchent pour une dépénalisation.

■ Exception notable, Marie-Georges Buffet (PC) est hostile à une loi sur ce sujet.

■ Ségolène Royal s'est engagé pour "une loi Vincent Humbert" c'est-à-dire légitimant l'euthanasie dans les situations qu'on prétend extrêmes. Ce n'est pas la posture radicale de l'ADMD mais une option intermédiaire. Malgré les apparences, cette position légalise clairement l'euthanasie. À droite■ François Bayrou refuse une législation sur ce thème. Mais il se dit favorable à "l'euthanasie passive" qu'il dit inscrite dans la loi Leonetti, au risque de renforcer son interpretation dangereusement extensive. Rappellons que la disctinction active/passive en matière d'euthanasie est abusive : c'est le critère de l'intention de donner la mort et non la façon de le faire (injection ou abstention de traitements vitaux) qui caractérise l'euthanasie.

■ Nicolas Sarkozy avait donné des signes de faiblesse avant de se repositionner sur la loi Leonetti (qui, certes, n'est que partiellement satisfaisante puisqu'elle permet, dans son interaction extensive, certaines formes d'euthanasie).

■ Philippe de Villiers, qui condamne par ailleurs l'eugénisme est clairement hostile à l'euthanasie : Pas d'acharnement thérapeutique, mais si on laisse injecter des produits pour faire mourir quelqu'un, à l'avenir quand un malade verra un médecin arriver avec une seringue, il se dira "est-ce que c'est pour me sauver ou est-ce que c'est pour me tuer ?"

■ Jean-Marie Le Pen a fait des déclarations qui, sans préconiser l'euthanasie légale, se sont montrées floues sur la pratique de cet acte dans les situations ultimes : moralement et philosophiquement, je suis partisan du respect de la vie du début jusqu'à la fin mais, comme homme politique responsable, je me pose la question de l'euthanasie. Je n'ai pas de position définitive pour l'instant. Il laisse même entendre que l'évolution démographique rend cette perspective inéluctable.

À noter par ailleurs que Philippe de Villiers et Jean-Marie Le Pen revendiquent la peine de mort , promettant chacun un référendum pour son rétablissement s'ils étaient élus.

*Tugdual Derville est délégué général de l'Alliance pour les droits de la vie

Pour en savoir plus :

■ Le Programme pour la Vie, proposé par l'Alliance pour les droits de la vie

■ La Table d'orientation politique des principaux candidats, par la Fondation de Service politique

■ Le Comparatif bioéthique des réponses des candidats à la Fondation Jérôme-Lejeune

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