Voici le temps du retour des catholiques en politique. C'est la thèse de Mgr Giampaolo Crepaldi, archevêque de Trieste, président de l'Observatoire cardinal Van-Thûan de la doctrine sociale de l'Église. Dans un livre qui vient de paraître, Les Catholiques en politique (Cantagalli, Siena 2010), l'ancien secrétaire du Conseil pontifical Justice et Paix avance l'idée que l'engagement politique des catholiques est maintenant dans le temps du redémarrage (de la "reprise"-reprisa), après celui de la résistance et de l'attente.

L'introduction de cet essai, disponible sur le site de l'Observatoire, met sa démarche en perspective : l'enfouissement pastoral et politique, c'est terminé. Une approche en parfaite consonance avec le dernier numéro de Liberté politique "Appelés à la vérité, nouvelle évangélisation et laïcité", et les travaux de notre Congrès de Lyon, les 30-31 octobre prochains.
Voici comment Mgr Crepaldi met son analyse en perspective : Le temps de la résistance a été celui des années soixante et soixante-dix, au cours de laquelle la Modernité laïque a lancé contre l'Eglise catholique une violente guerre culturelle qui a provoqué beaucoup de confusion et des doutes sur son identité et sa mission. Durant cette période difficile, de nombreux catholiques ont résisté, à commencer par Paul VI, en particulier sur le terrain doctrinal et moral, permettant à l'Église de tenir avec courage pour faire face aux défis et aux menaces. Dans l'encyclique Caritas in veritate, Benoît XVI a rendu hommage à cette "résistance" de Paul VI, rappelle Mgr Crepaldi, qui cite trois œuvres majeures, trois grands exemples de la liberté de pensée , qui ont marqué providentiellement ces années de résistance.
Le premier exemple est Le Problème de l'athéisme d'Augusto Del Noce, appelant à la primauté de la foi pour purifier la raison, le rationalisme de la Modernité n'étant qu'une hypothèse, une sorte de dogme . Le deuxième exemple est Le Paysan de la Garonne de Jacques Maritain, une réaffirmation de la vérité chrétienne quand beaucoup voyaient le salut de l'Église dans l'assimilation du monde. Le troisième exemple, encore plus prometteur fut L'Introduction au christianisme de Joseph Ratzinger, une critique sévère de la déshellénisation du christianisme .
Si les chrétiens peuvent aujourd'hui affronter sereinement le brouillard de la postmodernité, c'est grâce à la pensée puissante des philosophes et des théologiens restés fidèles à la tradition de l'Église, et qui ont ouvert ce que Mgr Crepaldi appelle le temps de l'attente .
Jean Paul II, le temps de la reconstruction
Dans les années quatre-vingt à quatre-vingt-dix, l'horizon se dégage avec le magistère du grand pape Jean Paul II qui redonne sa place à la doctrine sociale de l'Église, en la considérant comme un élément essentiel de la mission de l'Église. Avec le discours de Puebla, en 1979, il réaffirme la relation étroite entre la foi chrétienne et la culture, la nation, la dignité de la personne humaine, une réaffirmation qui révélera le fossé entre l'humanité de l'Église et le radicalisme des Lumières dont la revendication des droits de l'homme sombrera dans l'individualisme et le nihilisme. A chacune de ses encycliques, Jean Paul II ébranle les certitudes de ceux qui ne veulent pas résister , et qui veulent aller plus loin dans la sécularisation du christianisme .
Mgr Crepaldi voit cesser la phase de l'attente avec la Note de la Congrégation pour la doctrine de la foi sur l'action et la participation des catholiques dans la vie politique en 2002 : Il s'agit d'un document d'une importance fondamentale en ce sens qu'il inscrit l'action politique dans la tâche de l'évangélisation assignée aux laïcs, avec le droit et le devoir d'agir dans certaines limites, mais des limites enracinées dans des valeurs absolues. La Note signée par le cardinal Ratzinger, et voulue par Jean Paul II, justifie le pluralisme politique, pas le pluralisme moral. En insistant sur la cohérence des catholiques en politique, elle condamne les programmes qui ne respectent pas la loi naturelle et réaffirme l'interprétation correcte de la liberté religieuse contenue dans Humanae dignitatis et Dominus Jesus , ce qui n'est pas sans portée politique, puisqu'elle n'élimine pas les devoirs de la société envers la vérité et la religion.
La période de la reprise (reprisa est difficile à traduire : on peut penser au redémarrage, au retour...), émerge pleinement avec le pontificat de Benoît XVI, pense Mgr Crepaldi, en s'appuyant sur la puissante construction de Jean-Paul II. Au centre de cette perspective du retour des catholiques sur la scène publique, il y a la question de la vérité. Et les catholiques ne sont pas seuls sur ce terrain, pense l'archevêque de Trieste. La culture de la mort répandue par la Modernité laïque qui voulait exclure Dieu de la sphère publique a atteint un tel niveau de perturbation du tissu social qu'elle devient vraiment alarmante. De nombreux esprits libres, même non-chrétiens, se sont profondément remis en question, sentant la nécessité de rétablir la raison et le bon sens, pour considérer le besoin de l'aide de la foi chrétienne, en un Dieu qui est amour et vérité.
En attendant la traduction française de El Católico en Política, que nous espérons prochaine, les lecteurs français pourront retrouver Mgr Crepaldi dans le prochain numéro de Liberté politique (décembre 2010), avec son introduction du Rapport 2009 de la doctrine sociale de l'Église dans le monde, dont notre revue publie l'édition francophone.

 

 

"Les catholiques en politique"
Présentation du livre de Mgr Crepaldi, par Stefano Fontana, directeur de l'Observatoire Cardinal Van-Thûan pour la doctrine sociale de l'Eglise.
Le livre est divisé en deux parties. La première a trait aux principes et le second au contenu de l'engagement politique des catholiques. En tout, vingt courts chapitres, écrits dans une langue incisive et rapide, qui va droit au but, traitant sans ménagement les questions difficiles.
La première partie porte sur les grandes valeurs et les critères qui doivent guider l'œuvre politique des catholiques, tandis que la seconde partie concerne les principaux problèmes à affronter, que Mgr Crepaldi a identifié : la défense de la vie, la protection et la valorisation de la famille, la liberté des familles dans l'éducation de leurs enfants, la promotion du droit à la liberté religieuse, le travail et la lutte contre la pauvreté, la réforme de l'État en vue du bien commun, l'immigration et la société de demain, la gestion responsable de l'environnement, l'Europe et son identité, la nation et le développement des peuples.
Le livre — préfacé par le cardinal Bagnasco — a une particularité : il s'adresse directement aux hommes politiques catholiques, ceux qui sont engagés dans un parti, élus locaux et parlementaires. Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas tous le lire et en tirer des enseignements utiles, mais cela signifie que le livre est centré sur les activités politiques concrètes. D'où son grand intérêt.
Le sous-titre — Manuale per la ripresa — montre aussi que le livre peut être utilisé pour l'étude et la formation. Les chapitres s'enchaînent simplement, sans notes ni bibliographie. Le découpage clair en deux parties de dix chapitres chacune se prête facilement à une utilisation en cours de formation politique. C'est un outil tout à fait adapté à un public jeune.
Source : www.vanthuanobservatory.org
Traduction : Libertepolitique.com