En lisant attentivement le rapport de la commission Stasi, j'ai éprouvé un malaise grandissant. Ce malaise a plusieurs causes. Je voudrais en signaler quelques unes.

1/ Le rapport signale des dérives de type religieux dont l'effet est de déstabiliser certaines institutions de la République.

Aucune de ces dérives ne concernent de près ou de loin la tradition chrétienne telle qu'elle est vécue dans notre pays. Alors, pourquoi ne pas le dire clairement ? Ajoutons que la vision chrétienne et celle de l'islam diffèrent sur des points essentiels. Les signes qui les expriment, ayant de ce fait, des contenus différents, ne posent donc pas les mêmes problèmes à la République française. Pourquoi, par une nouvelle disposition légale, laisser entendre le contraire ?

En nous appuyant sur l'histoire de notre pays et aussi sur celle du continent européen, allons même plus loin : les valeurs essentielles sur le respect desquelles est fondée notre unité nationale, doivent beaucoup à l'influence de la tradition chrétienne. La conception que nous nous faisons de la dignité de la personne humaine, l'égalité fondamentale entre l'homme et la femme, ainsi que l'obligation de solidarité avec les petits et les pauvres ont eu pour premier berceau la foi chrétienne. Bien d'autres exemples pourraient être cités.

C'est dire qu'à moins d'être frappé de cécité intellectuelle, une cécité provenant de préjugés hérités du Siècle des lumières, il est absurde de nier l'aspect chrétien de notre culture ainsi que le rôle décisif qui a été le sien dans la construction de notre identité nationale. En va-t-il de même pour l'Islam ?

2/ Il est important aussi de noter que la tradition chrétienne authentique reconnaît à l'autorité politique une légitime autonomie. Il est bien évident que cette autonomie ne dispense pas le politique d'être soumis à des références éthiques pour être vraiment au service de la cohésion nationale. De graves dérives sont là, hélas !, pour nous le rappeler. Mais sur quoi reposent ces références éthiques sinon sur une vision de l'homme et de la société, vision qui reconnaît au religieux sa place et son rôle ? Mais, en l'occurrence, de quel religieux s'agit-il ?

3/ Une loi interdisant des signes religieux " ostensibles " dans tous les établissements scolaires publics sera ressentie par nombre de catholiques comme une loi abusive. Le bon sens populaire, dont il est peu fait état dans les médias, ira, n'en doutons pas, dans le même sens.

En effet, le long compagnonnage de notre pays avec la foi chrétienne a appris à nos concitoyens que la croix est le signe de l'Amour infini, qu'elle est exigence pour celui qui la porte, et que cette exigence, lorsqu'elle est vécue, produit de splendides fruits. C'est bien la leçon que nous donnent Vincent de Paul, Jean-Baptiste de La Salle et tant d'autres figures chrétiennes de notre terroir, humbles ou connus. Occulter la croix, prétendre qu'elle est un signe religieux offensant la dignité humaine parce que la montrer exerce d'insupportables pressions sur la liberté du citoyen, c'est tourner le dos aux leçons de notre histoire, c'est substituer aux exigences d'une saine laïcité les partis pris d'un laïcisme qui combat de manière insidieuse ou ouverte, le religieux chrétien comme tel.

4/ Le rapport Stasi, outre qu'il me semble avoir une vision idyllique de l'histoire de la laïcité " à la française ", ne pose pas à propos de l'islam, les questions essentielles. C'est d'autant plus regrettable que de la réponse donnée à de telles interrogations dépend la réussite d'une politique d'intégration, politique dont beaucoup comprennent l'urgente nécessité. Il est grand temps de se demander si l'islam se sent respecté par la conception française de la laïcité et, par conséquent, comment il entend la relation entre le religieux et le politique. À ce sujet, le rapport de la commission nage dans le flou et l'à-peu-près.

Enfin, je tiens à dire ceci : si les principales conclusions du rapport Stasi devaient être entérinées par l'autorité législative de notre pays, une nouvelle étape serait franchie, celle d'une progressive mise hors-la-loi de la tradition chrétienne qui contribue aujourd'hui, comme elle l'a fait, au cours des siècles écoulés, à la vraie grandeur de la France.

Source : target="_blank">http://catholique-lepuy.cef.fr

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