Source [Causeur] Longtemps occupée par les Arabes, puis libérée au cours du processus de plusieurs siècles de la Reconquista, l’Espagne a un rapport historique ancien avec le monde arabe. Sa présence au Maroc et les attentats qui se sont déroulés sur son territoire obligent le pays à s’intéresser au monde arabe. L’hispaniste Nicolas Klein revient sur cette relation complexe et séculaire.
Il me paraissait logique qu’un jour ou l’autre, notre « Uber » ne fasse un détour au-delà des Pyrénées, dans un pays qui m’est cher, l’Espagne. C’est la seconde fois que je traite de ce peuple sur notre blog, puisque j’avais abordé avec nos amis du « 8 décembre 1942 » la question des Espagnols en Algérie. J’ai donc décidé d’interviewer l’hispaniste qui monte en France, Nicolas Klein. Professeur d’espagnol en classes préparatoires, agrégé d’espagnol, ancien élève de l’ENS de Lyon, auteur de Rupture de ban – L’Espagne face à la crise (Perspectives Libres, 2017) et Comprendre l’Espagne d’aujourd’hui – Manuel de civilisation (Ellipses, 2020).
Ce territoire espagnol a été marqué par la confrontation entre chrétiens et musulmans durant plus de six siècles, vainqueur des Ottomans à Lépante, est parti en croisade avec George W. Bush en Irak et a des rapports conflictuels avec le Maroc – sans parler des attentats de Madrid en 2001. L’Espagne, à travers Tolède ou Cordoue, est plus qu’un symbole intercivilisationnel lorsque l’on touche aux relations entre les différentes sociétés méditerranéennes.
Il est difficile de ne pas débuter ces questions sur l’Espagne et son Sud sans remonter à la période de l’Espagne musulmane, commencée par le passage de Gibraltar par les troupes arabo-berbères de Tarik pour se finir en 1492. Qu’en est-il aujourd’hui de cette mémoire en Espagne et chez les Espagnols ? Est-elle consensuelle (ce qui serait surprenant) ? Le Cid fait-il par exemple parti des héros populaires, à l’instar de Pélage ?
Il n’existe que peu d’éléments consensuels dans l’Espagne contemporaine, surtout en matière historique ! Dans l’ensemble, il faut bien comprendre que, chez notre voisin pyrénéen, la question d’al-Andalus n’est véritablement traitée sur le mode historiographique (et idéologique) que depuis le XIXe siècle, dans le cadre de la construction des nations au sens moderne du terme dans toute l’Europe. En regardant vers leur passé, les historiens et penseurs espagnols de l’époque croient trouver dans al-Andalus un fait différentiel par rapport au reste du continent, du moins dans sa partie occidentale. Il serait intéressant de voir si la thématique est aussi prégnante au Portugal, qui a achevé sa reconquête plus tôt (au vu du caractère plus modeste de son territoire), ou en Italie (à la suite de la conquête musulmane de la Sicile). Il me semble néanmoins que le débat autour de la présence d’un peuple et d’une religion très différents sur le sol national est quelque chose que l’on ne retrouve guère que dans d’autres marges de l’Europe, comme la Grèce ou la Russie.
Au-delà de l’aspect exotique et orientalisant d’al-Andalus, le débat historiographique et politique sur la période a connu des évolutions radicales au cours des deux derniers siècles – et plus encore sur les décennies finales du siècle passé. Al-Andalus a longtemps été, et reste pour certains écrivains et artistes (je pense, par exemple, à Antonio Gala), une source de fascination. De même, les mouvements régionalistes et/ou indépendantistes andalous (qui n’ont certes pas la force de leurs coreligionnaires catalans ou basques) revendiquent presque exclusivement le legs de la période comme un élément fondateur de l’identité régionale (évacuant au passage le passé antérieur ou postérieur à al-Andalus, aussi important, sinon plus, que ce dernier).
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