Source [Le Figaro] Dans un essai aussi captivant que rigoureux, Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely font le portrait d’une France en profonde mutation. Saisissant et inquiétant.
À quoi ressemble notre pays? Quelle est la vie quotidienne des Français sous le règne d’Emmanuel Macron ? Dans le grand moulin à paroles de la vie médiatique, ces questions reviennent sans cesse et reçoivent, le plus souvent, deux réponses sommaires et contraires. À ma droite: la France se meurt, la France est morte ; à ma gauche: tout va très bien, Monsieur le Président. Plutôt que de conclure, le politologue Jérôme Fourquet et l’essayiste Jean-Laurent Cassely ont fait le choix de décrire.
Mêlant judicieusement précision géographique, rigueur statistique et éléments d’atmosphère de nos vies courantes (musique, alimentation, loisirs), l’Insee et Aya Nakamura, ils saisissent un moment aussi passionnant qu’inquiétant, la transformation profonde d’une nation sous nos yeux.
Dans ce tableau, voyons d’abord ce qui s’efface. L’agriculture, la pêche, l’usine. Anecdote éloquente, les agriculteurs ont disparu des traditionnels échantillons représentatifs de 1000 personnes, construits selon les données du recensement de l’Insee. Ils sont trop peu nombreux pour que l’on puisse statistiquement analyser leur réponse. «La voix des agriculteurs, écrivent les auteurs, ne pèse plus dans la France d’aujourd’hui. Ils ont été comme rayés de la carte.» En 1983, la France comptait pas moins de 11.660 bateaux de pêche ; en 2016, il n’en subsistait qu’une petite moitié: 4486.
La désindustrialisation? «Aucune région n’a été épargnée (…). Villes et moyennes et petites, campagnes en déclin, banlieues rouges délaissées, vallées en perte de vitesse: la géographie de ces destructions est celle d’une France de l’ombre dont l’image s’est dégradée au fil des chocs économiques.» Ce sont nos paysages, nos ports, nos rues qui se transforment quand disparaissent les paysans, les pêcheurs et les ouvriers. Ainsi les pavillons poussent sur les anciens champs cultivés, ainsi La Ciotat, ville de chantier naval, devient une destination d’agrément pour urbains soucieux de «qualité de vie», ainsi les parcs de loisirs s’étendent sur les anciennes friches industrielles. Le roman de Michel Houellebecq La Carte et le Territoire plane sur ces pages, tout comme celui de Nicolas Mathieu Nos enfants après eux. Une économie du flux et du tourisme se substitue aux ancrages disparus. Une France de hangars, de camions et de destinations. Amazon et Airbnb, caristes, livreurs et chambre d’hôtes.
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