Milan (archives, 31/03/06). — En Italie, on fait pression pour que se reproduise le même schéma politique et culturel américain, basé sur le partage du pays en deux blocs, auxquels se ramènent toutes les décisions ou presque d'intérêt général : le bloc conservateur et le bloc progressiste.

Ce qui doit caractériser ces deux coalitions ? La censure de leurs racines historiques et culturelles, ainsi que le dépassement de l'exception italienne.

Il serait impératif de se libérer de son idéal commun, les réalités populaires étant impuissantes à s'exprimer sur la vie sociale, économique et politique : un discours enraciné dans l'histoire et les coutumes de communautés tant religieuses que laïques impliquerait automatiquement manigances et clientélisme. Mais c'est oublier que c'est justement le contraire qui est vrai ! C'est précisément le déracinement des partis coupés des réalités populaires et des idéaux qui les ont forgés, qui est la cause de la dégradation morale de notre société, notamment par le blocage ou l'enlisement des processus éducatifs.

Or tout jugement de valeurs devrait se faire en conscience et dans la réalité d'une expérience personnelle mue par un idéal. Si l'on s'arrache à toute appartenance idéale, il ne reste plus que la défense a priori et moralisante de valeurs auxquelles personne ne croit plus (conservateurs), ou bien la désacralisation radicale, jacobine et nihiliste, de toute certitude (progressistes). De cette manière, les deux coalitions opposées font le lit du cynisme de la lutte pour le pouvoir, masquée par la fiction d'une même lutte pour la vraie Modernité.

Malheureusement, cette régression est en train de se produire en Italie aussi. Évidemment, les deux coalitions ne sont pas équivalentes. Ce processus est plus grave chez ceux qui, à la recherche débridée de leur intérêt, ajoutent une vision idéologique basée sur le principe de l'"homo homini lupus" et sur l'idée d'un État imposant la démocratie à ses citoyens.

En réalité, derrière ces théories plus ou moins nobles se cachent les lobbies et leurs intérêts : il leur est plus facile d'agir dans un bipolarisme sans racines. Il est donc remarquable que dans l'un de ses derniers discours, le président Bush, chef de file de l'un de ces blocs américains, le conservateur, se mette à parler de l'éducation comme une urgence nationale. C'est comme s'il était conscient qu'aucun lobby ni programme gouvernemental ne peuvent remédier à la disparition du sens de la responsabilité chez les personnes qui composent une nation.

Ne serait-ce pas un enseignement pour les puissants de chez nous, et pour tous ceux qui, sincèrement engagés dans la défense de la personne et de la subsidiarité, semblent parfois tentés par les flatteries du pouvoir ?

*Giorgio Vittadini est président de la Fondation pour la Subsidiarité,

extrait de Il Giornale - 7 février 2006. Avec l'aimable autorisation de la Compagnia della Opere, Milan. © Traduction Décryptage.

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