Douze candidats à l'élection présidentielle. Il est maintenant possible de dessiner le paysage de la ligne de départ : il réserve des surprises, démontrant une fois encore que 2007 n'est pas 2002.

Premier constat : le cru 2007 figurera parmi les plus abondants

S'il n'atteint pas le record de 2002 (16 candidats), il se situe au deuxième rang, à égalité avec 1974 et au-dessus de 1981 (dix). Difficile ensuite de soutenir que l'offre politique est insuffisante et monopolisée par les grands partis. Mais la démocratie y gagne-t-elle vraiment ? Gagne-t-elle à ce que l'élection présidentielle soit détournée par des intérêts catégoriels, ou à ce que sa lisibilité et sa finalité soient subordonnées à la quête d'audience de telle ou telle nuance de l'opinion ? Gagne-t-elle à ce que chaque protagoniste, par nécessité de se démarquer de son voisin, aggrave le sectarisme et les divisions que tous déplorent par ailleurs ?

Deuxième constat : le tapage médiatique sur les parrainages devient un acte de campagne

Même si la collecte a été plus laborieuse qu'en 2002, il se confirme que les maires demeurent assez débonnaires dans l'octroi de leur signature et que plusieurs candidats ont habilement manié le bluff pour faire parler d'eux ; y compris parmi les non-qualifiés. Tout comme les grands , les petits candidats maitrisent parfaitement les règles du jeu médiatique et savent s'en servir.

Troisième constat : une nouvelle génération arrive

Tous les candidats ont moins de 60 ans sauf deux exceptions : Arlette Laguiller (66 ans) et Jean-Marie Le Pen. Celui-ci, avec ses 78 ans, est le dernier représentant de la génération qui est en train de quitter la scène politique. De plus, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy sont candidats à l'élection présidentielle pour la première fois tandis que la majorité de leurs concurrents l'a déjà été au moins une fois (François Bayrou et Olivier Besancenot en 2002, Philippe de Villiers et Dominique Voynet en 1995), quand ce n'est pas quatre fois (Jean-Marie Le Pen) ou cinq fois (Arlette Laguiller) ; tous avec des résultats dérisoires ou impossibles à transformer au deuxième tour. Cette obstination dans l'échec constitue une caractéristique, assez pernicieuse, de la vie politique française.

Quatrième constat : aucun candidat n'a occupé de fonction au plus haut niveau de l'État

Corollaire du rajeunissement, aucun candidat n'a été ni chef d'un gouvernement, ni président d'une des deux assemblées parlementaires, ni a fortiori président de la République : situation qui n'a pas de précédent depuis 1958. Un seul a dirigé des ministères porteurs de fonctions régaliennes (Nicolas Sarkozy, à l'Intérieur et aux Finances). Les quelques autres à avoir exercé des fonctions ministérielles l'ont fait à des niveaux de moindre importance, voire subalterne, et parfois il y a longtemps. Aussi les deux questions de l'expérience du gouvernement de la France, avec ce que cela signifie sur la scène internationale, et de l'aptitude à exercer l'autorité au sommet de l'État ne pourront pas être éludées.

Cinquième constat : le rapport aux partis politiques est plus équivoque qu'on ne le dit

À rebours des idées reçues, ce sont les deux principaux candidats qui ont le plus bousculé leurs propres partis : Ségolène Royal en contournant le PS avec les nouveaux adhérents d'abord, puis en le délaissant pour mener sa campagne à sa guise ; Nicolas Sarkozy en s'emparant de l'UMP contre Jacques Chirac par une conquête partie de la base et réalisée au nez et à la barbe des caciques.

Leurs adversaires se répartissent en deux catégories bien typées : d'un côté des cultures d'appareil où la personne du candidat a moins d'importance que l'emprise idéologique et un comportement groupusculaire parfois poussés au paroxysme ; de l'autre des candidats très critiques à l'encontre du système bipartisan , mais qui ont plus ou moins construit leur formation autour de leur personne, laissant peu de marge au débat interne, entourés d'une équipe souvent peu nombreuse et peu diversifiée, et sans relève crédible pour la suite. Voilà qui en dit plus long que bien des discours sur la pratique politique réelle des uns et des autres.

S'interroger froidement sur la signification politique de ces douze candidatures conduit finalement à des conclusions assez éloignées des idées reçues.

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