Le débat sur la loi Fillon s'est ouvert le mardi 22 février à l'Assemblée nationale tandis que des milliers de lycéens et d'enseignants, manifestent dans le pays pour s'opposer au projet, malgré le retrait du passage sur la réforme du bac.

Savent-ils vraiment pourquoi ils manifestent, ces défenseurs de l'éducation ? "Pour l'égalité des chances, contre la répression..." paraît-il. La vacuité des slogans n'a d'égale que la légèreté des réformes officielles : qui se soucie des dégâts scolaires provoqués par le désordre moral de la société quand il s'agit de reconstruire l'Éducation nationale ? Miroir de la société, l'école ne peut s'affranchir de sa responsabilité dans la transmission des valeurs qui élèvent une nation. C'est ce que pensent les enseignants catholiques de la Communion missionnaire des éducateurs, réunis en congrès les 22 et 23 janvier derniers.

Victimes certainement, les lycéens de France le sont de l'inculture galopante qui étend ses ravages chaque année, irrésistible, entre les mailles de toutes les réformes avortées qu'on leur sert sur un plateau à chaque changement de ministère. Et s'il est vrai que culture est la meilleure traduction de paideia, la crise de la culture dont ils souffrent est bien une crise de l'éducation.

Culture religieuse et formation chrétienne apparaissent comme le chaînon manquant d'une éducation sécularisée. C'est le jubilé de l'an 2000 qui a provoqué cette prise de conscience chez un certain nombre de chrétiens engagés dans l'action éducative, parents et enseignants confondus. Ils en ont conclu à la nécessité d'un lieu de formation, de prière commune et d'échange convivial : ainsi est née la Communion missionnaire des éducateurs. Elle a tenu cette année son cinquième congrès annuel, ouvert par son président Frédéric Chassagne, chez les Maristes de Lyon, sur le thème : "Éducateurs chrétiens face à la crise des valeurs."

Les trois cents cinquante congressistes ont d'abord été provoqués par la réflexion du philosophe Pierre Benoit, directeur de l'Institut des sciences de la famille de l'Institut catholique de Lyon : sa définition des valeurs – victimes du trop-plein plutôt que du vide – et de l'éducation ont permis de circonscrire ce vaste sujet. C'est le rôle fondamental des parents qu'il met en exergue. L'éducation parentale porte sur l'universel. Le nouveau parent est indigne de l'objet de son éducation : il en devient digne en éduquant. " Enseigner, c'est s'enseigner ", disait Péguy. Il faut revenir à l'objectivité des valeurs. Il faut aussi redonner sens à une valeur oubliée : celle de sacrifice.

C'est aussi le message que communique dans un registre apparemment plus pratique le père Jean-Marie Petitclerc. Pour le salésien, la crise des valeurs neutralise le discours des parents et parasite l'autorité de l'institution scolaire. Il invite à contempler dans l'enfant à la fois la promesse de l'arbre en devenir et la fleur déjà présente à chaque instant de la vie. Sécuriser, responsabiliser et accueillir le Christ en chaque enfant sont les maîtres mots d'une pédagogie où les disciples de Don Bosco conjuguent confiance, alliance et espérance.

Le cardinal Philippe Barbarin s'appuie, lui, sur la pédagogie des livres sapientiaux : ils dévoilent la sagesse de Dieu à Israël, son enfant chéri et rebelle. Ils sont un formidable manuel de pédagogie de la liberté. Le Bon Pasteur éduque ses brebis. Les commandements sont à la fois conseil et promesse pour le plein épanouissement d'une vie appelée à éclore en éternité. Mais ils nécessitent la conformation de l'éducateur au Christ : la liberté se développe dans le temps qui est celui des douleurs de l'enfantement, de la souffrance de la Croix.

Dans l'éducation, rien de tel que l'expérience. Le professeur Gérard Cholvy exposera le panorama historique de l'action éducative de l'Église au cours des deux derniers siècles, à travers les œuvres multiformes qui vont des collèges aux patronages, en passant par le MEJ et le scoutisme. L'historien insiste sur l'élan donné par les JMJ mais indique que le suivi de la nouvelle évangélisation ne peut se réaliser que par la restauration d'un enseignement catholique confessionnel. Il faut des institutions stables et conscientes de leur mission spirituelle dans un monde où les enseignants ont perdu leur magistère moral au profit de médias, qui fondent le leur sur la nouveauté, l'émotion, la rupture et la transgression.

Il appartiendra au philosophe Jean-Noël Dumont, directeur du Collège Supérieur, de conclure sur le thème de la liberté d'éducation pour l'éducation à la liberté.

Si le modèle libéral d'éducation s'impose aux démocraties, il est, comme elles, en crise. Son aspect contractuel s'oppose à l'éducation familiale et sa volonté émancipatrice entraîne déracinement et exclusion. Le système éducatif, spécialement en régime de monopole d'Etat, n'a pas pris la mesure du changement de paradigme que constitue la complexité des connaissances accumulées et la diversité des cultures. Cette richesse est une chance pour la liberté, celle de l'éducateur, celle de l'éduqué et celle de l'institution scolaire. La liberté éducative suppose le choix de son établissement par le maître et le choix du maître par l'élève et par sa famille ; un choix personnaliste fort éloigné de la vision du monopole laïciste qui ne connaît que des individus. Pour instituer le jeune dans le monde et dans l'espérance, il faut non pas l'école-carrefour mais l'école-maison (du Père).

Pour en savoir plus :

> Communion missionnaire des éducateurs : http://communioneduc.free.fr

> Contact : communioneduc@free.fr

 

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