Chassez le religieux...

«Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas ». Bien qu’André Malraux ne l’ait jamais prononcée, cette formule apocryphe est, néanmoins, à prendre au pied de la lettre : le regain du spirituel, notamment d’origine moyen-orientale, apparaît comme un phénomène incontestable de nature à faire trembler le pouvoir temporel sur ses bases. 

Un article de Louis Soubiale pour Politique Magazine

Pour ce qui est de la France, par exemple, jamais, depuis la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État, la laïcité – terme qui ne figure pas, en lui-même, dans le texte de cette loi – n’aura été autant agitée, tel un encensoir, par un pouvoir politique qui en use quotidiennement à des fins conjuratoires. Les valeurs de la République ont désormais pris le pas sur la France comme patrie charnelle. Bref, jamais le politique ne se sera autant religieusement comporté que sous l’empire d’une Constitution – celle du 4 septembre 1958 – qui prétendait, ab initio, restaurer symboliquement une monarchie, fût-elle républicaine…

À l’heure où se lève un vaste front laïciste multiparti, jamais la disjonction hautement revendiquée du politique et du religieux n’aura semblé, paradoxalement – dans la mesure, précisément, où les élites dirigeantes font ouvertement profession de foi… de n’en avoir aucune, y compris celle du charbonnier –, aussi inconsciemment insincère et pratiquement impossible. Cette dramatique aporie, cette impuissance tragique s’explique pourtant fort aisément par cette phrase du juriste Carl Schmitt, maintes fois citée mais qui résume toute la théologie politique occidentale depuis saint Augustin – indépendamment, d’ailleurs, de l’opinion schmittienne sur cette question, comme des critiques visant cette dernière – : « Tous les concepts prégnants de la théorie moderne de l’État sont des concepts théologiques sécularisés. » (Théologie politique, 1922, 1969). Ainsi, suivant une conception défendue, en son temps par le conseiller de l’empereur Constantin, Eusèbe de Césarée (265-339), les rapports entre le Ciel et les hommes, principalement dans le domaine de leur gouvernement, seraient caractérisés par un monisme théologique consistant à faire du chef de la cité non seulement l’auxiliaire séculier, mais encore l’évêque établi par Dieu dans la cité terrestre.

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