Si la victoire de Biden à la présidentielle américaine est confirmée, il est possible que la politique intérieure des Etats-Unis change, dans un sens plus favorable aux très riches qui l’ont presque tous soutenu et d’une moindre protection des travailleurs pauvres (noirs compris) contre l’entrée, fatale pour eux, de main d‘œuvre à bon marché et de produits chinois. Cependant la marge de manœuvre du nouveau président serait limitée car deux institutions essentielles, le Sénat et la Cour suprême, resteraient entre les mains des Républicains[1]. En outre, même si la justice arbitre in fine pour lui, Biden serait affaibli par un fort soupçon de fraude qui lui ôterait une grande partie de sa légitimité. Les contraintes institutionnelles ou financières, resteraient inchangées.
Biden promet un regain de militarisme
En revanche le président des Etats-Unis a les mains bien plus libres en matière de politique étrangère. Or ce que promet Biden, en premier lieu un regain du militarisme idéologique, est extrêmement inquiétant, en tous les cas pour l’Europe occidentale, peut-être pour la paix du monde.
Nous avions été beaucoup à pousser un soupir de soulagement quand Hillary Clinton avait été battue en 2016. Pas seulement pour sa corruption abyssale – qui n’a peut-être d’égale que celle de Biden, mais parce que son élection promettait une agressivité accrue à l’égard de Moscou, une relance de la guerre de Syrie pour vaincre Bachar el-Assad, peut-être au prix de quelques centaines de milliers de morts de plus, un soutien renforcé à Erdogan, comme à tous les mouvements islamistes, Al Qaida en tête, et peut-être une attaque sur l’Algérie et le Maroc pour les démocratiser (après l’Egypte, la Libye et la Tunisie : il n’y avait aucune raison pour Mme Clinton, grande prêtresse de la gauche libérale-impérialiste, que la brise des printemps arabes s’arrête à la frontière algéro-tunisienne. )
Nous pensions naïvement que les démocrates avaient tiré la leçon de leur échec et étaient prêts à revenir à une politique internationale plus modérée , ne cherchant pas par exemple à remettre en chantier les régime change, fondés sur cette invraisemblable prétention à imposer partout dans le monde par la force le modèle de démocratie occidentale (dont on voit dans quel état lamentable il se trouve aujourd’hui).
Rien appris, rien oublié
Or c’est le contraire : les discours de Biden avant l’élection font craindre que les démocrates n’aient rien compris et que Biden s’apprête à revenir dans les ornières de la politique de Bush, puis d’ Obama-Clinton, en pire (pour ceux qui l’ignoreraient, le clivage démocrate-républicain n’est plus pertinent : la politique d’Obama continuait celle de Bush : déstabilisation de la Libye, de la Syrie et de l’ Ukraine après celles de l’Irak et de l’Afghanistan, seul Trump a changé de ligne).
En quoi la politique de Trump a-t-elle rompu avec celle des prétendus néo-conservateurs (« néo-cons », et vrais faucons) ? Il a d’abord pris ses distances avec l’universalisme qui fondait ceux-ci à intervenir sur toute la planète : « Je ne cherche pas à devenir le président du monde, seulement le président des Etats-Unis ». Biden promet au contraire le retour à l’universalisme idéologique.
Ensuite un changement stratégique essentiel. Alors que le triangle inavoué Clinton-Obama, était : les Etats-Unis s’allient aux islamistes contre la Russie, les intérêts des Européens étant passés par pertes et profit, celui de Trump au contraire repose sur un rapprochement avec la Russie contre l’islamisme, une posture éminemment plus favorable aux Européens tant sur le plan de la sécurité du continent que de la lutte contre le terrorisme ( premier acte de Bush, la destruction de Daech en liaison avec les Russes alors qu’Obama le soutenait par en-dessous). Au centre du projet diplomatique de Biden, une prise de distance et une posture plus offensive face à la Russie. Ce n’est pas assez que la Russie soit entourée sur plusieurs de ses frontières (Pays baltes, Pologne, Ukraine) de batteries de missiles et de chars d’assaut (comme si les forces russes étaient massées au Mexique sur la rive sud du Rio Grande !). Non, pour Biden, c’est une posture de faiblesse, le signe de complicité inavouée avec Poutine. Qu’un tiers de son équipe annoncée vienne du lobby militaro-industriel et qu’il ait annoncé une nouvelle augmentation des dépenses militaires fait froid dans le dos. Biden a aussi annoncé le retour des forces américaines au Proche-Orient : pour relancer la guerre de Syrie, qui avait failli provoquer une guerre mondiale en août 2013 ? Trump, bloqué par les procédures judiciaires démocrates n’a pu aller aussi loin qu’il le souhaitait pour se rapprocher de Poutine mais tous les Européens lucides se sont sentis plus en sécurité de savoir qu’ils n’étaient pas fondamentalement hostiles. De même quand il a coupé tout soutien avec les djihadistes de Syrie et d’ailleurs. Comme dans le pays manichéen que sont les Etats-Unis, il fallait un bastard, Trump a préféré s’acharner sur l’Iran que sur la Russie, mais sans lui faire la guerre : qui ne voit que c’est bien moins dangereux pour nous ?
Un pas de plus vers l’asservissement de l’Europe
Les partisans de l’Europe idéologique jubilent car Biden promet de renforcer l’OTAN et de soutenir le processus d’unification européen. Comment ne pas voir que ce serait la voie d’une servitude aggravée ? L’ éditorialiste d’un journal libéral n’a pas attendu la confirmation de la victoire de Biden pour avertir la Hongrie et la Pologne que désormais il faudra qu’ils cessent de faire les malins et qu’ils devront s’aligner sur Bruxelles car ils n’ont plus (depuis l’élection présumée de Biden) le vent en poupe. Sombre perspective aussi pour les citoyens du reste de l’Europe qui s’aviseraient de contester le politiquement correct libre-échangiste, migratoire, climatique, sanitaire et libertaire. Les défenses immunitaires de l’Europe occidentale contre l’islamisme, déjà faibles seraient, à un moment critique, encore affaiblies. La chape de plomb que nous impose l’idéologie prétendue libérale, soutenue des deux côtés de l’Atlantique par une presse aux ordres de la haute finance, ne ferait que s’alourdir. Cette chape de plomb est l’effet d’un mode de pensée idéologique, messianique et manichéen, qui ne peut que conduire, comme toutes les idéologies, à la guerre. Il serait temps que les 60 % d’une opinion européenne largement manipulée ouvre enfin les yeux sur le danger mortel que représenterait pour notre continent l’élection de Biden si elle est confirmée.
Roland HUREAUX
[1] En outre la majorité démocrate a la Chambre des représentants est plus étroite.
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