Avec de tels protecteurs, plus besoin d’ennemis

Source [afrique-asie.fr] Le sinistre printemps 2020 s’estompe, laissant en héritage des multitudes hébétées. Le coronavirus n’a pas seulement suscité d’innombrables vocations de diafoirus et laissé le champ libre aux théoriciens de l’enfermement global ou aux maniaques du couvre-feu. Sa promotion au rang de tragédie du millénaire s’est faite au prix d’un matraquage médiatique insensé qui a incrusté dans les opinions mises en situation, entre autres sornettes, l’idée que le « monde d’avant » était balayé à jamais, le confinement n’étant que l’entracte permettant de changer le décor pour un « monde d’après » reconstruit sur de nouvelles bases. Les occidentalistes ont repris en boucle cette nouvelle version de la « fin de l’Histoire », relayant le pétard mouillé de Fukuyama, l’une des théories messianistes dont sont friands les intellectuels américains, soucieux de recycler sans fin un rêve hégémonique inoxydable.

 

La pandémie ayant gagné rapidement les cinq continents, pour la première fois peut-être l’humanité entière partageait en temps réel un sort commun face à « Un mal qui répand la terreur, Mal que le ciel en sa fureur, Inventa pour punir les crimes de la terre, La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom). Tous régimes confondus, des dictatures aux grandes démocraties, « ils n’en mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ». Confronté à ce péril « universel » et conscient de n’être plus tout à fait le centre de l’univers, l’Empire Atlantique, de droit divin plus égal que les autres, se devait de reprendre les choses en main. Ne sait-on pas depuis longtemps que la fiction peut se substituer à la « réalité observable » à condition d’être projetée sans complexe et renouvelée sans trêve ? En 2005, à un journaliste qui l’interrogeait innocemment, Karl Rove, conseiller de George Debeliou, avait expliqué cyniquement : « Nous les Américains, nous sommes maintenant un Empire, et lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité. Pendant que vous étudiez studieusement cette réalité, nous ne perdons pas de temps. Nous agissons et nous créons d’autres réalités nouvelles qu’il vous est loisible d’analyser. (…) Nous sommes les acteurs et les producteurs de l’Histoire. A vous tous, il ne reste qu’à étudier ce que nous créons ». En d’autres termes, l’Histoire est écrite par les vainqueurs ; en contrôler ou fabriquer le récit c’est déjà se poser en vainqueur.

Quinze ans plus tard, habités de cette conviction intime, les nostalgiques de la ci-devant « puissance indispensable » estiment toujours qu’ils peuvent vendre aux opinions leurs slogans éculés en changeant l’enseigne de la boutique. Conçu au sein des lobbies impériaux à la faveur du tohu-bohu covidique, le « Nouvel Ordre Mondial » sanitaire piloté par les fondations et les milliardaires anglo-saxons n’est rien d’autre que la nouvelle mouture de la « communauté internationale » de naguère, manipulée par des marionnettes de l’État profond. Corona ou pas, la volonté hégémonique est toujours là, de même que les mécanismes et outils ad hoc. Pour les opinions occidentales, il n’est pas nécessaire de renouveler les vocables, changer les têtes d’affiche suffit. Quant aux pays résistants, adversaires, cibles et/ou victimes du vieux syndrome de « l’homme blanc », ils ne seront pas dupes, mais on trouve toujours chez eux assez d’adeptes ou d’agents du « rêve américain » pour que le piège à gogos, qui a fait ses preuves, puisse fonctionner. Le but n’est évidemment pas d’apporter liberté ou « démocratie », mais de provoquer la destruction, la déstabilisation, le démantèlement des Etats « préoccupants » ou d’en changer le régime.

Après avoir lutté contre le communisme au temps de la guerre froide, c’est au nom de la « responsabilité de protéger » les peuples que, depuis 1991, l’Empire Atlantique mène des « guerres sans fin » afin d’étendre son emprise sur la planète. L’idée de créer une « loi humanitaire » pour contourner les principes fondamentaux des Nations Unies est née dans le sillage de la guerre du Biafra (1967), et on trouve parmi ses inspirateurs Bernard Kouchner, alors jeune médecin. Il faudra attendre vingt ans avant qu’elle soit théorisée lors d’une conférence sur « la morale et le droit humanitaire » sous forme d’un « droit d’ingérence » que le « monde libre », en 1987, n’est pas en mesure d’imposer. Le concept sera recyclé en « devoir d’ingérence », puis en « responsabilité de protéger » (R2P).

1991 est une date-charnière. Dopés par la chute de l’URSS et la dissolution du bloc communiste, les néoconservateurs estiment que l’heure est venue d’imposer au monde ce qui ne pouvait l’être au temps de la guerre froide, l’ordre américain. Présentée comme une responsabilité subsidiaire de la nouvelle « communauté internationale », réduite en fait aux trois membres permanents occidentaux du Conseil de Sécurité et à quelques pays affinitaires (like-minded countries), la R2P pourra désormais être invoquée sans risque, bien qu’elle aille à l’encontre du droit onusien.

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