Le collectif des Amis du dimanche vient de mettre en ligne sur son site, grâce aux archives de l'INA, une vidéo saisissante. Le travail dominical est une vieille lune... socialiste.
Dans la série des vidéos disponibles sur le site des archives nationales, un journal télévisé, celui de Midi 2 du 14 mai 1991. Le présentateur y présente l'actu du jour, l'ouverture des magasins le dimanche. Pour tous ceux qui viennent de vivre l'épopée du vote en procédure accélérée de la proposition de loi Mallié cet été, l'étonnement est grand : les promoteurs du projet 2009 n'ont rien découvert, ni rien inventé...
Depuis dix-huit ans, rien n'a varié, on reprend les mêmes ingrédients et le même discours : cette fois-là, Michel Rocard est Premier ministre et son gouvernement planche sur l'ouverture des magasins du dimanche. C'est le ministre du Travail François Doubin qui est à la manœuvre. On n'ignore déjà pas que cela risque de remuer le corps social mais l'on cède devant les groupes de pression... La Commission des affaires économiques et sociales est saisie et même si elle approuve , émet des réserves . Les publicitaires montent au créneau pour qu'on aille vers une liberté presque totale dans ce domaine .
Une pression de poids. N'ont-ils pas acheté, ces publicitaires intéressés, une pleine page d'un hebdomadaire ? On y lit en grand une adresse au ministre du Commerce : Interdire l'ouverture des magasins le dimanche, c'est interdire aux Français de vivre librement leur dimanche. Déjà l'argument manipulé de la liberté avec trois pseudo raisons des opposants dans le camp des conservateurs :
1/ Déplaire aux 56 % des Français qui sont pour l'ouverture des magasins le dimanche 2/ Gêner autant que faire se peut la vie de 50% des ménages dans lesquels les deux personnes du couple travaillent toute la semaine 3/ Entasser le plus de gens possible dans les magasins le samedi.
Cette pub onéreuse est signée Jacques Séguéla avec le soutien d'Ikea et de Virgin Megastore. La campagne de pub s'appuie de surcroît déjà sur un sondage. Clou de la vidéo : le maître de la force tranquille déclare avec véhémence :
Quand est-ce que ce pays va se réveiller ? Quand est-ce qu'on va aller de l'avant ? Il y a trente ans qu'aux États-Unis les magasins sont ouverts le dimanche ? Et pourquoi deux poids deux mesures ? Je me promène le dimanche sur les Champs Elysées : côté pair le Drugstore est ouvert, je m'en félicite, j'achète mes livres ; côté impair le megastore est fermé. Alors il y a une loi en France pour les côtés pairs et une loi différente pour les côtés impairs ? On est en pleine anarchie !
Anarchie disait-on en 1991. Absurdité assénera Xavier Bertrand en 2009. La musique est connue !
Le présentateur poursuit tranquille : Et voilà la polémique relancée. L'enjeu : dépoussiérer la vieille loi de 1906 qui interdit le travail le dimanche sauf pour les cafés et les commerces de proximité. En janvier le gouvernement met un avant projet de loi qui multiplie les dérogations mais rien de révolutionnaire.
Les mêmes plats
On le voit : la méthode offensive ressert les mêmes plats, les même faux arguments destinés à anesthésier les opposants, jusqu'au ministre Doubin lui-même, dont Richard Mallié a repris toute la phraséologie : Mon objectif n'est pas de banaliser le travail le dimanche, mais qu'il y ait le moins de Français possible à travailler le dimanche. C'est ça la liberté.
En 1991 comme en 2009, ce sont déjà les syndicats qui s'opposent au travail dominical et qui réfutent l'idée selon laquelle cela permettrait d'embaucher des chômeurs. Ils récusent avec force l'argument de liberté, font état du droit au temps et des moyens de vivre pour les salariés. Le commerce n'a pas à devenir une espèce de réinsertion du chômage . À l'époque on était suspendu à l'avis de la Commission des affaires sociales et économiques de l'Assemblée nationale et des partenaires sociaux.
Nicolas Sarkozy devait bien se souvenir de l'épisode : espérer mettre tout le monde d'accord relevait de la mission impossible. Un petit rien a donc été tenté qui a eu raison de tout pour arriver au vote inique de cet été 2009 : une proposition de loi poussée par un député et non un projet de loi poussé par un ministre. Gêné aux entournures, le Parti socialiste a fait le minimum de l'opposition de circonstance. La fragilité de la majorité a fait le reste.
Pour mémoire :
1979 : L'offensive des magasins d'ameublement dans le nord, JT FR3 Nord-Pas-de-Calais - 03/10/1979
1986 : Les commerces ne seront pas ouverts le dimanche : inflationniste, concurrence déloyale, préservation d'une certaine part de vie des salariés, Rennes soir - 19/12/1986
2004 : L'ouverture dominicale : ce que pourrait faire Nicolas Sarkozy, JT A2, 20 heures - 02/05/2004
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