TRIBUNE | Alors que vient de se conclure le synode extraordinaire sur la famille, il nous parait opportun de souligner sans tarder le caractère très missionnaire et novateur de nombreux passages du rapport final approuvé par les pères synodaux ce samedi 18 octobre.
Tous ceux qui sont impliqués ou concernés par la pastorale conjugale et familiale relèveront que ce premier synode du pape François est fortement empreint de son souci constant d’annoncer avec beaucoup de conviction, de bienveillance et d’attirance l’essentiel de l’Évangile de la famille aux périphéries, à ceux qui ne croient pas ou ne croient plus, à ceux qui ne correspondent aux « normes ». Cette ligne est dans la droite ligne de la Nouvelle Évangélisation, le fil conducteur majeur de la mission assignée à l’Église depuis 1975 par les papes successifs et désormais par une grande majorité de cardinaux et d’évêques dans le monde entier.
Nous avons sans doute suivi ou tout au moins été informés des débats ouverts et assez « toniques » de ce synode durant ces quinze jours et, particulièrement, des trois paragraphes du rapport final non approuvés par la majorité des 2/3 des pères synodaux, et qui portent sur la question des divorces remariés et des homosexuels : cela va occuper (sinon monopoliser) le devant de la scène médiatique profane et même catholique ces prochaines semaines, et sans doute toute l’année avant le Synode 2015, tant une certaine presse — pour attirer le chaland — attise ces polémiques stériles traitées le plus souvent sous un angle très étroit ou biaisé, dans lequel beaucoup veulent nous enfermer. Le pape François a d’ailleurs refusé très clairement de se prêter à ce petit jeu très mondain et a même fustigé dans son discours de clôture les travers et les tentations pernicieuses de ce faux débat[1].
Les vraies nouveautés
Là n’est donc pas ici notre propos, mais au contraire, en vue de cette année de réflexion et de débat sérieux qui va se mettre en place dans l’Église et les diocèses durant toute cette nouvelle année, nous voulons attirer dès maintenant l’attention des baptisés et des pasteurs sur ce fil conducteur évangélisateur et novateur qui irrigue une grande partie de ce rapport, et qui, selon nous, caractérise bien davantage la vraie nouveauté de la cuvée synodale 2014. Voyons plutôt dans le détail (relevés non exhaustifs) :
- une affirmation assez explicite et condensée du kérygme appliqué au couple, de l’œuvre de bénédiction de Dieu et de Salut du Christ dans le sacrement du mariage, et donc par conséquence dans la famille qui est fondée sur lui (§ 15 et 16) ;
- la claire proposition à tous de l'Évangile de la famille pour répondre à l’urgence et au besoin d'une nouvelle évangélisation, au regard de la mission de tendresse, de miséricorde et de témoignage du kérygme dont l’Église est dépositaire pour tous (§ 29) ;
- la mise en évidence, plus explicite que dans des textes précédents du Magistère, que l’Évangile de la Famille correspond aux aspirations existentielles (souvent inconnues) des hommes et femmes de tous temps et donc d’aujourd’hui (§33), point d’appui majeur pour l’annonce explicite et universelle de cet Évangile conjugal et familial ;
- la nécessité d’impliquer de manière bien plus conséquente les couples croyants dans cette annonce et, en premier lieu, par leur témoignage de vie et explicite, par une annonce ancrée dans cette « expérience de l’Évangile de la Famille » de la part de ceux qui le confessent et l’annoncent (§31 et 33) ;
- l’ancrage et l’appel à évangéliser des couples croyants à d’autres couples a sa source dans la sacrement de mariage lui-même (le texte parle même de « ministère »), et doivent s’exercer en premier lieu dans les « églises de maison », c’est dans les familles elles-mêmes (§30), tant vis-à-vis des enfants que de ceux de l’extérieur qui y sont accueillis ;
- le caractère « libératoire », dans le sens existentiel et spirituel, du sacrement de mariage (§31) : le sacrement de mariage est bien plus qu’une bénédiction ou une reconnaissance religieuse officielle d’un engagement mutuel des époux, mais bel et bien le don du Salut du Christ aux époux afin qu’ils reçoivent les grâces indispensables pour vivre durablement et fidèlement les promesses échangées durant leur mariage ;
- l’importance de réviser profondément les méthodes missionnaires, c'est-à-dire de ne plus se focaliser sur la doctrine ou la morale dans la proposition de l’Évangile du mariage, mais avant tout sur une annonce existentielle et kérygmatique qui soit une réponse aux vrais problèmes et souffrances des gens, qui corresponde à leurs attentes et leurs besoins (§32) : en effet, un tel levier missionnaire donne beaucoup de fruits apostoliques au travers d’une telle première annonce ;
- l’impératif d’un renouvellement radical de la pastorale familiale (§32 et 37), et notamment par la « remise à plat » de la préparation au mariage dans une perspective missionnaire, et la proposition des parcours de type initiation baptismale, qui s’appuient en particulier sur le témoignage crédible de couples chrétiens (§39) ;
- la nécessité de réfléchir sérieusement avant le prochain synode à l’inclusion de la foi comme un des critères de reconnaissance de la validité d’un mariage sacramentel (proposition déjà avancée à plusieurs reprises par le cardinal Ratzinger, puis Benoit XVI depuis quinze ans) (§ 48) : comment en effet peut opérer concrètement l’œuvre de Salut du Christ reçu dans le sacrement de mariage sans le levier de la foi des époux ?…
- l’importance de voir les situations « non conformes » (cohabitation, mariage uniquement civil…), non comme des contraintes ou des écueils à l’annonce de l’Évangile du mariage, mais au contraire, comme de vraies opportunités missionnaires (§ 42 et 43) où doivent s’impliquer des couples attrayants pour témoigner (§ 44), en s’appuyant sur les ressorts existentiels et l’aspiration de tous les couples à vivre - de fait - un lien conjugal et familial tel que le proposent l’Église et l’Évangile du Christ.
Un regret : la théologie du corps
Seuls regrets face à ce rapport : il manque une évocation explicite à l’Évangile du corps et de la sexualité, levier puissant et incontournable en terme missionnaire aujourd’hui ; les références à Jean-Paul II dans ce rapport sont d’ailleurs rares, et ce manque édulcore parfois le caractère incisif et pertinent du propos.
Le témoignage missionnaire de l’amour conjugal
Nous accueillons la grande richesse missionnaire et innovante de ce rapport comme une réponse assez claire à ce que nous espérions avec beaucoup d’autres acteurs pastoraux ces dernières semaines : les pères synodaux ne se laissent pas enfermés dans une dialectique conservateurs-libéraux sur les divorcés-remariés et les homosexuels, mais en sortent par le haut, en impulsant un renouveau missionnaire explicite et universel pour annoncer l’Évangile de la Famille de manière bien plus convaincante, zélée et attractive.
Certes, les pères synodaux ont été tout de même quelque peu piégés par la dialectique polémique qui leur était tendue, mais ils l’ont aussi largement dépassée, notamment la seconde semaine comme au travers d’un rebond salutaire : ce rapport final — qui devient document de travail pour le Synode de 2015 — met clairement en perspective une très nette montée en puissance de l’annonce missionnaire pour l’amour conjugal et du caractère central du témoignage explicite des couples pour illustrer l’expérience unique, transformante et si bénéfique de l’Évangile de la famille.
À plusieurs reprises, les pères synodaux insistent pour que les couples chrétiens « passent » en première ligne, pourrait-on dire, pour la crédibilité et l’attractivité de cette annonce, particulièrement auprès de ceux qui n’en vivent pas… encore.
Loin de l’écume polémique et médiatique, le contenu de ce rapport synodal illustre tout le chemin parcouru en quelques années au sein de l’Église universelle sur ces questions. Pour un grand nombre de prêtres et de couples engagés sur le terrain pastoral et évangélisateur, cette avancée missionnaire indéniable est un appel d’air et une mise en perspective vraiment nouvelle au plan de la catholicité : elle nourrit une grande espérance pour l’attractivité de l’Évangile du mariage aux périphéries, la guérison et la consolation de tant de cœurs de couples et de familles qui attendent de goûter la réalité et les fruits du Salut qui, seuls, leur sont donnés par le Christ.
Alex et Maud Lauriot-Prevost sont les modérateurs de la Communion Priscille et Aquila.
Pour en savoir plus :
www.evangilepourlecouple.fr
www.communion-priscille-aquila.com
Le rapport final (“Relatio Synodi”) du synode pour la famille 2014 (italien)
[1] A n’en point douter, à l’issue du 2e synode en 2015, un consensus sur ces deux questions importantes et délicates sera trouvé bien évidemment, qui ne lèsera ni la vérité de la foi, ni la miséricorde : la montagne accouchera d’une souris, mais les medias pendant un an auront fait le buzz…
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