Les sondages ne semblent pas favorables à François Fillon. Beaucoup pensent même qu'il n'aurait pas dû maintenir sa candidature après sa mise en examen. Qu'en pensez-vous ?
Roland Hureaux : Il a évidemment eu raison de maintenir sa candidature, mais il aurait dû être plus clair pour expliquer que la règle qu'il avait posée, de ne pas être candidat quand on est en examen, ne s'appliquait qu'en temps normal, qu’elle ne valait plus dès lors que nous nous trouvons (pas seulement lui, les Français) confrontés à un coup d'état judicaire sans précédent qui bouscule toutes les règles du jeu et met même en danger la République.
Nous nous trouvons en face d’une violation flagrante de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " Toute Société dans laquelle la séparation des Pouvoirs (n’est pas) déterminée, n’à point de Constitution".
Les premiers auteurs de ce coup d'État, ce ne sont pas les juges, mais le président de la République qui a le parquet financier à sa botte et tout son entourage, lequel se confond avec celui de Macron. C'est eux qu'il faut mettre en cause et avec force.
Je pense même que Fillon aurait du faire comme Marine Le Pen et ne pas se rendre à la convocation des juges d'instruction, ou alors en profiter pour faire une attaque en règle contre ceux qui sont à l'origine de cette manipulation, Hollande, ou qui en profitent, Macron. Où de telles attaques auraient-elle plus d'écho qu'au sortir du cabinet du juge d'instruction ?
N’est-il pas scandaleux que toute la vie privée de François Fillon soit épluchée et mise sur la place publique sans retenue alors que personne ne sait ce que Macron a fait des 3 millions d'euros qu'il a gagnés en deux ans chez Rothschild ?
Rien ne l'oblige à le dire, prétend-t-il. Mais nous ne sommes plus sur le seul plan du droit, nous sommes sur le plan de la moralité et de la confiance. Macron peut prétendre qu'on ne peut pas l'obliger à dire où il a dépensé son argent comme Fillon arguer dire qu'il n'a rien fait d'illégal. Néanmoins, on sait tout sur Fillon et on ne sait rien sur Macron.
Une campagne électorale ne se passe pas seulement sur le plan du droit. Macron se doit d’éclaircir les zones d'ombre de son train de vie au cours des dernières années - et de son patrimoine. Encore faut-il que ses concurrents le lui demandent avec énergie.
Pensez-vous que Fillon a, malgré cette mise en examen, encore toutes ses chances ?
RH : Des chances certainement, mais encore faut-il qu'il les exploite.
Sur le papier, il a encore toutes ses chances : si on considère que Marine Le Pen sera, au premier tour, proche des 28 % des voix, les petits candidats autour de 7 %, ce qui fait 35 % au total. Restent 65 % à se partager à quatre : Fillon, Macron, Hamon et Mélenchon, les quatre "on" ! La moyenne est de 16,5 %. Tout candidat qui se trouve au-dessus peut espérer être au second tour. Rappelons nous que Jacques Chirac a été élu deux fois président en dépassant à peine les 19 % au premier tour. Or Fillon est encore près de 20 %. Il a un grand avantage sur tous les autres : un matelas de voix issues de la droite modérée, adhérents ou non aux Républicains mais sympathisants de toujours, qui représente entre 15 et 20 % de l'électorat et qui est à peu près incompressible. En dehors de Hamon dont le matelas existe aussi mais plus bas, les autres candidats, surtout Macron, sont susceptibles de se dégonfler. ll reste à Fillon à exploiter ces atouts.
Mais comment pourrait-il remonter la pente ? Il ne serait qu'à 19 % ?
RH : Ou 20 ou 22 %, et on sait aujourd'hui ce que valent les sondages.
Le problème de Fillon n'est pas de reprendre 4, 5 ou 6 points, il est d'arriver avant Macron, c'est tout. Et cela au premier tour. Si Fillon gagne le premier tour, il gagnera le second. C'est moins sûr, quoi qu'on prétende, pour Macron ou Hamon.
Pour le moment, les Français savent qui est Fillon et ils savent qui est Marine Le Pen, mais ils ne savent pas qui est Macron et je ne crois pas que les Français l'éliront à leur tête sans chercher à le savoir; et ce jour là, l'épreuve de vérité pourrait être dure pour lui : le sémillant candidat devra enfin ôter le masque.
Seule question donc pour Fillon : comment devancer Macron au premier tour ?
Et comment donc ?
RH : La première chose à faire est d'attaquer (lui ou son entourage) sans merci Macron, de le pousser dans ses retranchements. C'est certainement moins simple dans la mesure où la majorité de la presse est pour lui et ne répercute que peu les affaires de Macron, alors qu’elle répercute tant qu'elle peut celles de Fillon. Mais il y a aujourd'hui les réseaux sociaux, les tweets, les forces du parti Les Républicains encore présent partout sur le terrain. Ce n'est pas seulement pour déstabiliser Macron ou altérer son image que Fillon doit l’attaquer, c'est aussi pour montrer qu'il est un chef. La meilleure défense c'est l'attaque. Quelqu'un qui se contente pas de s'excuser mais qui est offensif montre son aptitude au leadership. Les gens ne voteront pas pour une victime, ils voteront pour un attaquant.
Par ailleurs le programme de Fillon doit être encore amélioré : proposer un programme raide comportant une hausse du temps de travail et une baisse des revenus (au moins dans l'immédiat), cela pouvait plaire dans l'électorat de la primaire, mais cela ne plait pas forcément au grand public. Cela ne veut pas dire qu'il faille en rabattre, reculer ; il faut ajouter de nouvelles propositions plus avenantes ; c’est plutôt une affaire de présentation que de fond. Dire par exemple que 500 000 emplois publics en moins, ce n'est pas la mer à boire quand on sait que l'intercommunalité a entrainé la création de 450 000. Il faut aussi sortir de l'alternative un peu simpliste : programme dur, programme mou: cela est très réducteur : il y a bien d'autres dimensions dans un programme, notamment le plus ou le moins d'imagination ou encore la distance plus ou moins grande prise par rapport aux pures logiques technocratiques. On pourrait peut-être dire aussi que l’assouplissement du code du travail sera appliqué d'abord aux PME-TPE, et que pour les autres on verra plus tard (quitte à trouver des mécanismes adaptés pour neutraliser les effets de seuil).
Un programme, ce n'est pas seulement un document arrêté une fois pour toutes sur laquelle on campe ; une campagne électorale est une dynamique : il faut au moins une proposition nouvelle chaque semaine et si possible une proposition qui fasse jaser. Il faut faire preuve d’inventivité. Il faut que ça fuse.
Par exemple ?
RH : Ce n'est pas moi qui suis chargé de faire le programme. Je ne prendrai donc qu'un ou deux exemples. Tant qu'à être thatchérien, il faut l'être complètement. Dans son programme libéral, Mme Thatcher avait pris une mesure qui avait beaucoup plu : la vente du parc social à ses occupants, cela d'une manière beaucoup plus systématique qu'on ne l'a jamais fait en France. Ce n'était pas, à ma connaissance, dans le programme initial de Fillon. Cela a été rajouté et c'est bien, mais il faudrait insister plus, instaurer par exemple un droit au rachat, sinon, les résistances étant très fortes, il ne se passera rien
En matière d’éducation, pourquoi ne pas dire clairement que les méthodes globales et semi-globales d'apprentissage de la lecture seront bannies une fois pour toutes, ou que le dogme du collège unique sera abrogé : c'est ce qu'avait fait le ministre de Robien en 2006 mais sa réforme avait été ensuite abrogée.
Le problème est que tous ces programmes ont été élaborés dans des commissions où sont présents des apparatchiks issus des différents ministères: ces gens sont très forts pour expliquer que rien n'est possible sinon des ajustements à la marge ou alors ce qu'ils ont déjà dans les cartons ; ils font le nécessaire pour que n'y figure rien qui contredise la culture de leur administration. C'est encore plus vrai pour Macron dont les propositions, à part quelques paillettes démagogiques, sont d'une pauvreté affligeante.
Il reste qu'en un peu plus d'un mois Fillon a encore le temps de surprendre. C'est par l'audace de ses propositions - et pas seulement par leur caractère pénitentiel, qu'il pourra refaire la course en tète.
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Aucune chance, parce que Fifi ne veut pas d'immigration zéro, alors que c'est possible, et même politiquement correct, avec "remplacer les immigrés par des expatriés" (tapez, si vous n'êtes pas au courant).
Rappel : Sarko Métisseur aurait pu être élu en 2012 sans problème en promettant de bonnes mesures contre l'immigration-invasion, au lieu de promettre davantage de ministres de gauche (Valls était prévu), ce qui ne lui a apporté aucune voix de gauche (même pas ses anciens ministres de gauche) et ce qui a fait fuir (j'en suis témoin) le nombre suffisant d'électeurs pour ne pas être élu.
"une baisse des revenus (au moins dans l'immédiat)"
A quelles mesures du programme faites-vous allusion?