Une année scolaire s’achève, et une autre va redémarrer d’ici quelques mois, après de longues grandes vacances pour les scolaires. Dans le même temps, beaucoup, chez le personnel enseignant, comme chez les parents d’élèves, ont poussé un gros « ouf » de soulagement à l’annonce du départ de Najat Vallaud-Belkacem, qui aura marqué l’histoire de la Vème République comme étant l’une des ministres les plus détestées par une large frange de la population. Son remplaçant, M. Blanquer, semble vouloir aller à contre courant de la pédagogie de Madame Belkacem. Effet d’annonce, effet Macron, ou réelle volonté de changement ?
Quel bilan tirez- vous du quinquennat Hollande en matière d’éducation ?
Le quinquennat Hollande s’est ouvert sur une promesse tonitruante : le recrutement de 60 000 professeurs supplémentaires, qui n’a en pratique pas pu être tenue, notamment parce qu’elle s’est heurtée à la crise des vocations enseignantes. Du coup, d’une part, l’on a dangereusement baissé le niveau de recrutement des enseignants titulaires dans certaines disciplines où les candidats sont rares et, d’autre part, l’on recourt à un nombre excessif de contractuels aucunement formés.
À cela s’est ajoutée la réforme des rythmes scolaires : un cauchemar pour les parents en termes d’organisation, avec un contenu pédagogique douteux, et un casse-tête coûteux pour les maires.
De plus, le quinquennat a vu la mise en oeuvre d’une prétendue réforme du collège d’une part et des programmes d’autre part, dont la nocivité a été unanimement dénoncée. Cette réforme dictée par un égalitarisme aveugle a fait beaucoup de mal à l’école publique qui n’a pu maintenir les filières et les matières les plus exigeantes, sous prétexte que tous les élèves ne seraient pas capables de suivre des tels enseignements.
Pour finir, il faut noter la promotion obsessionnelle par l’Éducation nationale d’une approche moralisatrice (même si c’est une anti-morale) et déconstructiviste de tout sujet abordé à l’école. Najat Vallaud-Belkacem s’est adonnée à un véritable matraquage idéologique faisant feu de tout bois pour inculquer dès le plus jeune âge aux enfants les nouvelles tables de la loi issues de la théorie du genre et de la sainte charte de la laïcité. Ces délires ont pris des proportions affligeantes et nombre de familles très attachées à l’école publique ont dû se replier sur l’école privée pour préserver leurs enfants de telles âneries.
Enfin, les ministères de Vincent Peillon comme de Najat Vallaud-Belkacem ont été marqués par une antagonisation voulue et revendiquée des relations entre la famille et l’école, puisque le gouvernement a officiellement confié à l’école publique la mission d’arracher les enfants à l’influence de leur famille. C’est dans cet état d’esprit que Najat Vallaud- Belkacem a lancé une véritable chasse aux sorcières contre les écoles indépendantes, parce qu’elles sont plus soucieuses d’être en harmonie avec la vision éducative des familles (dans le respect de l’ordre public et des bonnes mœurs, bien sûr) que d’être conformes aux attentes idéologiques de l’Education nationale.
Ainsi, des centaines et des centaines d’écoles indépendantes ont été inspectées en moins d’un an par de véritables commandos venus en nombre avec un esprit trop souvent inquisitorial et malveillant. C’est ainsi que de toutes petites écoles ont été inspectées de manière impromptue par des brigades constituées d’une dizaine d’inspecteurs ! Najat Vallaud -Belkacem a prétexté la nécessité de prévenir la radicalisation islamiste pour renforcer les inspections sur toutes les écoles indépendantes (alors que les terroristes français étaient tous, faut-il le rappeler, des enfants de l’Education nationale), et a fini par inspecter surtout les écoles catholiques indépendantes, alors qu’elle se résignait – impuissante – à voir fonctionner comme si de rien n’était l’école musulmane Al-Badr de l’imam Rahhaoui de Toulouse pourtant condamnée par le juge à la fermeture.
Que vous inspire la nomination du nouveau ministre de l’Education nationale ? Il semblerait que le ton et la pédagogie ne soient pas les mêmes qu’avec Belkacem, qui en fit même la grimace …
La nomination de J.M. Blanquer est en soi une assez bonne nouvelle. Il connaît le système éducatif, a une vraie volonté de réforme, et sait très bien ce que des écoles réellement libres peuvent apporter au pays et à son école publique. Tout dépendra de l’attitude des syndicats qui sont hélas capables de bloquer ses réformes « par principe ». Jusqu’à présent, aucun ministre de l’Education nationale n’est arrivé à imposer sa volonté à cette administration. Y arrivera-t-il? Saura-t-il neutraliser les forces corporatistes et sectaires si bien implantées dans ce ministère depuis si longtemps?
Comment se porte l’école, en cette fin d’année scolaire 2016-2017 ?
Mal, secouée par des réformes successives qui l’ont bouleversée sans régler le fond des problèmes. Les professeurs sont très fatigués, très las de cette situation. Ils savent qu’il faut tout réformer profondément mais ont peur de souffrir encore et en vain, comme ce fut leur expérience ces 15 dernières années.
Ils ont perdu la confiance dans l’administration centrale et à notre sens, le seul moyen de réformer est de rendre l’initiative aux professeurs eux-mêmes, sans plus rien leur imposer de nouveau depuis la rue de Grenelle, si ce n’est d’être responsables de leurs méthodes et de leurs résultats. C’est l’esprit de ce que veut faire le nouveau Ministre mais y arrivera-t-il ? Une telle liberté pour les professeurs et les écoles rimerait avec l’effondrement du pouvoir des syndicats qui se nourrissent de la centralisation, de l’uniformité statutaire etc… Il faut libérer les professeurs de la chape de plomb que le pouvoir abusif des syndicats et de l’administration hypertrophiée fait peser sur eux sans leur apporter de soutien et de solution dans leur vie quotidienne de professeur. C’est en rendant aux professeurs leurs libertés professionnelles et en les jugeant sur leurs résultats professionnels et non plus sur leur conformité idéologique qu’on rendra de nouveau attractif le métier de professeur.
Quels vont être les points clés pour les rentrées à venir ?
La question est de savoir si les ambitions affichées par le duo Macron-Blanquer vont être suivies d’effet : relèvement du niveau du baccalauréat par exemple, davantage d’autonomie pour les directeurs d’établissement. L’assouplissement de la réforme des rythmes scolaires, laissé à la discrétion des communes, est au moins une bonne chose, facile à mettre en place. Quels seront leurs rapports avec les syndicats ? C’est là la clef, comme pour les autres réformes de Macron d’ailleurs (cf. réforme du droit du travail).
Un moyen de forcer les syndicats à évoluer est de permettre à de vraies alternatives à l’Education nationale de se développer, conformément aux idées de Condorcet. Tant que l’école publique est seule à bénéficier du privilège de la gratuité, elle se met à l’abri de toute véritable concurrence et donc de toute obligation de se remettre en cause et d’être véritablement juste et performante. Si le Ministre veut sauver l’école publique, il faut qu’il la soumette à des stimulations extérieures et libère le choix des parents. En disant cela, je ne fais aucunement l’apologie d’une quelconque privatisation de l’Education nationale. Je soutiens juste que les privilèges dont l’Education nationale jouit jouent en fait contre elle et qu’il est temps de l’en libérer et de lui demander de faire ses preuves comme c’est le cas pour les écoles libres.
Et au niveau de la fondation pour l’école, quels sont vos réussites de ces dernières années ? Et les perspectives qui s’ouvrent à vous ?
Les écoles indépendantes sont entrées dans le paysage. Les 93 créations d’école à la rentrée dernière montrent que la forme de l’école réellement libre est une forme qui convainc un nombre toujours croissant de personnes de tous milieux et de tous horizons.
Cet essor des écoles indépendantes s’inscrit dans une tendance profonde de la société civile à vouloir se réapproprier des pans entiers d’action assumés par l’Etat – souvent mal. C’est une sorte de logique de « reempowerment » qui est à l’oeuvre, conformément au principe de subsidiarité.
Nous avons toujours cru à la Fondation pour l’école et à Créer son école que le meilleur service que l’on pouvait rendre à l’école publique était de la pousser à la réforme par une stimulation extérieure. L’effet positif de l’essor des écoles hors contrat sur les écoles sous contrat se fait déjà sentir. Sous peu, je ne doute pas qu’on verra un effet similaire sur les écoles publiques. Le fait que le Ministre Blanquer soit pragmatique et qu’il connaisse la réalité des écoles indépendantes françaises et étrangères est encourageant.
Il faut relever aussi que le thème de la liberté scolaire s’est invité de manière décisive dans la campagne, et ce à plusieurs reprises (rapports Fillon / Poisson, débat Marine Le Pen / Najat Vallaud-Belkacem, éléments de programme de Macron sur davantage de liberté et de souplesse au sein de l’Education Nationale…).
Au nombre des succès de cette année à mettre à l’actif de notre Fondation pour l’école, on trouve la censure par le Conseil constitutionnel du caractère inconstitutionnel du projet du Ministre de l’éducation Najat Vallaud-Belkacem de prendre le contrôle des créations d’école indépendante en passant d’un régime de déclaration à un régime d’autorisation.
S’agissant de nos projets et priorités pour ces deux prochaines années, ils portent sur deux axes : premièrement, le soutien pédagogique aux professeurs à travers la création d’une Plateforme numérique de partage de cours et le renforcement de nos actions de formation, et, deuxièmement, le renforcement de l’accessibilité au droit au libre choix de l’école.
Le niveau scolaire a-t-il vraiment baissé en France ? Qu’est ce qui permet de l’affirmer par delà l’idéologie ?
Faire confiance aux retours de terrain et au bon sens, au delà des indicatifs objectifs comme les classements type PISA ou TMISS. Nous avons tous, autour de nous, des enfants qui galèrent pour apprendre à lire, des parents déboussolés qui n’arrivent pas à aider leur fils ou leur fille dans leurs devoirs du soir aberrants, des parents de collégiens qui s’étonnent de ce que leurs 3e ou leurs 4e n’ont lu qu’un livre en un an… Il faut faire confiance à tous ces échos qui nous renseignent, sur le fait que, oui, le niveau baisse. Il n’y a qu’à voir aussi le succès dans les titres de presse des séries d’articles / jeu concours du type » Repassez votre certificat d’étude ! » (L’internaute, Le Parisien, Valeurs actuelles, réédition des énoncés chez Larousse…) pour mesurer l’écart qui s’est creusé, depuis des décennies bien sûr, mais avec une accélération ces dernières années.
Si on veut creuser un peu plus, on peut s’amuser aussi à faire des comparatifs de programmes officiels… des sujets de maths, qui passent en quelques années de la 6e, puis à la 5e, puis à la 3e… tout cela, ce sont des signes d’abaissement du niveau !
Source : La Fondation pour l'École